Pourtant, le retard de développement est longtemps apparu comme un frein à l'intégration dans le droit commun de la République.
Cette adhésion s'est exprimée de manière plus éclatante encore dans le résultat, quasiment digne d'un plébiscite, de la consultation du 29 mars 2009. La transformation de la collectivité d'outre-mer de Mayotte en collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région d'outre-mer a recueilli 95,2 % des suffrages avec une participation supérieure à 60 % des électeurs inscrits.
Tirant les enseignements de ce scrutin, la loi organique du 3 août 2009 a d'ores et déjà posé le principe de la transformation de Mayotte en département d'outre-mer à l'occasion du prochain renouvellement du conseil général en mars 2011.
Nos compatriotes de Mayotte voient dans la France une promesse d'émancipation, de sécurité et de développement.
Si le rattrapage amorcé a été conduit grâce à un effort particulier de la Nation envers Mayotte, il convient aussi de souligner que les Mahorais ont dû et su remettre en question leur mode de vie afin d'être en mesure de s'intégrer dans la communauté nationale : la révision de l'état civil engagée en 2000 va permettre à chaque Mahorais de disposer d'un prénom et d'un nom patronymique ; depuis la loi de programme pour l'outre-mer de 2003, la polygamie a été progressivement supprimée et les mariages polygames ont été définitivement bannis par 1'ordonnance du 3 juin 2010, dont la ratification est prévue par l'article 28 du projet de loi ordinaire ; les cadis, qui, encore en 2000, géraient l'état civil et rendaient la justice dans les matières relevant du statut personnel, ont vu leur rôle réduit à la seule médiation sociale par cette même ordonnance.
Il ne faut cependant pas nier que des problèmes subsistent : la révision de l'état civil n'est, à ce jour, pas achevée ; les défis à relever dans le domaine de l'éducation demeurent considérables, car trois élèves sur quatre entrant en classe de sixième ne maîtrisent pas le français ; l'affirmation de l'égalité homme-femme ne suffit pas à revaloriser la place de la femme, encore largement tributaire des traditions.
Les deux projets de loi dont nous allons débattre cet après-midi ont été élaborés par le Gouvernement afin de déterminer, dans le prolongement de la loi organique du 3 août 2009, les conditions du passage de Mayotte du statut de collectivité régie par l'article 74 de la Constitution à celui de département régi par l'article 73, et donc soumis au régime de l'identité législative.
Ils ont été adoptés par le Sénat à l'unanimité, le 22 octobre dernier, à l'initiative de la commission des lois de la Haute assemblée et de son rapporteur Christian Cointat. Le Sénat a apporté quelques modifications aux textes, mais il n'en a pas modifié les grands équilibres. J'y reviendrai.
La commission des lois de notre assemblée a, quant à elle, adopté à l'unanimité les deux projets de loi le 17 novembre dernier. Je rappelle, d'ailleurs, que notre commission a pu activement participer au processus de transformation institutionnelle de Mayotte, tant au travers de l'examen des différents textes marquant l'évolution statutaire de l'archipel que grâce à plusieurs missions d'information, dont celle sur les perspectives de la départementalisation de Mayotte, présidée par René Dosière et dont j'étais rapporteur en février 2009.
Permettez-moi maintenant de revenir brièvement, après Mme la ministre, sur les trois principaux objets des deux textes.
Premièrement, les deux projets visent à définir les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions de Mayotte.
Le Département de Mayotte, avec un « D » majuscule selon la dénomination proposée lors de la consultation et reprise dans les projets de loi organique et ordinaire, exercera les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer. Ainsi, Mayotte deviendra la première collectivité à expérimenter les dispositions institutionnelles d'une collectivité territoriale ultramarine unique, prévues par le septième alinéa de l'article 73 de la Constitution, mais elle devrait être prochainement suivie de la Guyane et de la Martinique qui se sont prononcées en ce sens lors des consultations des 10 et 24 janvier 2010.
Elle sera administrée par un conseil général dirigé par un président qui exerceront les prérogatives prévues par le droit commun. Cette évolution aura peu de conséquences sur le mode de désignation des conseillers généraux mahorais qui étaient, déjà auparavant, élus selon le mode de scrutin uninominal à deux tours, applicable aux conseils généraux.
Comme le prévoyait la loi organique du 3 août 2009, ce statut entrera en vigueur à partir de la première réunion du conseil général, à l'issue de son renouvellement prévu en mars 2011. Le mandat des conseillers généraux, élus en mars 2011, expirera en mars 2014, afin de coïncider avec la date du renouvellement général des conseils généraux et régionaux.
Le projet de loi initial prévoyait la fusion des deux conseils consultatifs locaux, le conseil économique et social, ainsi que le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, pour rationaliser et simplifier leur rôle. Cependant, la commission des lois du Sénat a souhaité appliquer strictement dans l'ensemble des départements et régions d'outre-mer, le droit commun qui prévoit l'existence de deux conseils distincts. L'examen des futurs statuts des collectivités uniques outre-mer sera cependant l'occasion d'envisager une telle simplification administrative.
Dans un deuxième temps, le projet de loi ordinaire organise les règles d'applicabilité des lois à Mayotte afin de passer au régime de l'identité législative. Il prévoit une application à Mayotte du droit commun de la République à la fois progressive et adaptée aux contraintes particulières de l'archipel dans tous les domaines de la législation.
Le projet de loi procède à l'application à Mayotte des dispositions de droit commun dans un certain nombre de domaines. Il renvoie à des ordonnances le soin d'étendre l'application de nombreuses législations et de les adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de l'archipel. Ces ordonnances devront être prises dans un délai de dix-huit mois, dans des domaines aussi variés que la législation du travail, du logement ou de l'action sociale, ce qui conduira à supprimer des législations locales.
Le projet de loi fixe le 1er janvier 2014 comme date ultime de passage au régime fiscal et douanier de droit commun.
S'agissant des prestations sociales départementales, et pour celles qui n'existent pas à ce jour à Mayotte, il est prévu que les ordonnances mettent initialement en place les prestations à un niveau inférieur à celui de la métropole et organisent leur montée en charge progressive sur une durée de vingt à vingt-cinq ans, comme pour les cotisations de sécurité sociale.
En troisième lieu, le projet de loi organise l'accompagnement de l'entrée de Mayotte dans le droit commun.
Celle-ci induisant des transferts ou des créations de compétences pour la nouvelle collectivité, il est institué un comité local pour l'évaluation des charges, qui sera invité à se prononcer sur les transferts de charges.
L'actuel fonds mahorais de développement est en outre remplacé par un fonds mahorais de développement économique, social et culturel, destiné à soutenir des projets – publics ou privés – pour le développement des secteurs économiques créateurs d'emplois, des structures d'accueil et d'hébergement et des actions dans les domaines sociaux et de la solidarité, du logement social et pour la résorption de l'habitat insalubre. La mise en place du fonds, initialement prévue au plus tard le 31 décembre 2013 a été anticipée par le Sénat au 31 décembre 2011, ce qui est conforme aux intentions gouvernementales – je fais référence à l'abondement de 10 millions d'euros prévu dès le projet de loi de finances pour 2011 en cours d'examen.