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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 23 novembre 2010 à 15h00
Instauration d'un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

La politique ultra-sécuritaire menée par le Chef de l'État et le Gouvernement est la principale responsable de la situation actuelle : les peines plancher et l'alourdissement général des condamnations ont entraîné, ces dernières années, une augmentation vertigineuse de la population carcérale.

La réponse du garde des sceaux à ce problème endémique de nos prisons consiste à « développer un programme immobilier sans précédent », pour augmenter toujours plus le nombre de places de détention. Sa seule réponse à la surpopulation carcérale passe donc par la construction de nouvelles prisons. Pourtant, en 1830 déjà, le ministre de l'intérieur de l'époque prenait acte devant la Société royale des prisons de ce que, « à mesure que les constructions s'étendent, le nombre de prisonniers augmente. » Rien n'a changé : dans les prisons, les détenus en surnombre sont gérés par des gardiens en sous-effectif, et les conditions de travail se dégradent continuellement sans que le garde des sceaux ne réagisse.

Avec le budget pour 2011, l'administration pénitentiaire va continuer à subir un grave dysfonctionnement. Celui-ci est devenu permanent.

Les nouveaux établissements sont déjà en sous-effectif de personnels à leur ouverture, tandis que ceux déjà existants sont condamnés à fonctionner alors que des postes ne sont pas pourvus.

Les personnels d'insertion et de probation travaillent dans des conditions critiques, le ratio entre personnes suivies et travailleurs sociaux demeurant extrêmement élevé. Alors que l'étude d'impact sur la loi pénitentiaire prévoyait le recrutement d'un millier de conseillers d'insertion et de probation, le nombre de recrutements prévu dans le budget ne couvrira même pas celui des départs à la retraite. Quant aux personnels techniques, leur disparition est programmée au profit de délégation aux entreprises privées.

Les blocages de prisons la semaine dernière témoignent de l'ampleur du malaise ressenti par les personnels pénitentiaires : ceux-ci travaillent dans des conditions terribles.

M. le garde des sceaux a également indiqué – en quelques mots seulement – que la lutte contre la surpopulation ne pouvait pas reposer sur la seule considération de l'encellulement et qu'il convenait de développer des aménagements de peine. Or, comme je viens de le souligner, il ne donne pas aux services d'application des peines les moyens humains et matériels nécessaires pour examiner comme il se doit les possibilités d'aménagements de peine, et ces derniers restent, au final, largement insuffisants.

Pour faire face à la « crise des prisons », il est indispensable de mener une réforme digne de ce nom de notre système pénitentiaire, une réforme qui s'interroge sur le sens de la peine, autrement dit, qui réponde aux questions suivantes : Pourquoi punir ? Qui punir ? Comment punir ?

D'abord et avant tout, la peine d'emprisonnement ne doit se concevoir que comme une sanction de derniers recours. Dans la très grande majorité des cas, la peine privative de liberté n'est en mesure ni d'assurer la protection de la société sur le long terme, ni de préparer la personne détenue à sa réinsertion. Le plus souvent, la prison prolonge et renforce les logiques de délinquance au point que la sanction non seulement perd tout rôle éducatif mais encore agit en sens contraire. Un examen des causes économiques et sociales concourant à la croissance de la délinquance nous paraît également indispensable. Celui-ci est indissociable de toute réforme.

Soucieux de faciliter l'insertion, la réinsertion et la cohésion sociale, nous sommes favorables au développement des aménagements de peine et des mesures de libération conditionnelle. Les mesures alternatives à l'incarcération sont les seules susceptibles de donner un véritable sens à la peine pour les condamnés. « Au XXIe siècle, enfermer quelqu'un dans une prison, ce n'est pas le punir : c'est agir par paresse et par prolongement d'un système archaïque, dépassé et inadapté aux sociétés postmodernes », écrit M. Jaffelin, professeur de philosophie.

En attendant une grande réforme de notre système pénitentiaire, la réponse apportée, dans le contexte actuel, par la proposition de loi de nos collègues du groupe SRC nous semble satisfaisante. C'est la raison pour laquelle nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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