Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons mettre fin à l'indignité de nos prisons.
Au 1er octobre 2010, sur les quelque 67 000 personnes placées sous écrous – pour employer un langage technique –, un peu plus de 61 000 étaient détenues dans un établissement pénitentiaire. Le nombre de places opérationnelles étant de 56 400, cela signifie qu'il y avait près de 5 000 détenus de plus que de places dites opérationnelles.
Mes chers collègues, cette situation implique des conditions de vie et d'hygiène inacceptables qui obèrent les chances d'une réinsertion réussie.
Pire encore : 226 détenus dorment encore sur un matelas installé à même le sol tous les soirs, et ce dans une cellule de sept à dix mètres carrés hébergeant jusqu'à trois personnes. Trois dans moins de dix mètres carrés !
Cette promiscuité affolante engendre de graves conséquences : des violences entre détenus ; une agressivité vis-à-vis du personnel pénitentiaire dont il faut saluer ici le travail dans ces conditions particulièrement difficiles ; de nombreux suicides aussi, hélas, et une dégradation de la santé psychologique de nombreux détenus.
C'est pourquoi, le groupe socialiste appuie la solution novatrice présentée par notre collègue Dominique Raimbourg.
Le mécanisme proposé permettrait de lutter contre la surpopulation carcérale. Il s'inscrit en droite ligne dans la réflexion sur la situation dégradée et dégradante des prisons françaises, qui a été menée depuis les années 2000 par nos deux assemblées et qui a animé l'esprit des débats sur la loi pénitentiaire de l'an dernier.
Il est bien évident que l'effort doit porter d'abord sur les maisons d'arrêt, où la surpopulation est la plus criante et où sont mélangés les prévenus et les condamnés à de courtes peines. À la Roche-sur-Yon, en Vendée, par exemple, le taux d'occupation est de 250 %. Quant à l'outre-mer, la situation y est dramatique. En fait, l'administration pénitentiaire pratique déjà un mécanisme de ce type pour éviter la surcharge des établissements pour peine ou des maisons centrales.
Notre collègue Raimbourg préconise une libération conditionnelle de droit aux deux tiers de la peine, tout en gardant, bien sûr, une possibilité de contestation par le Parquet ou par le condamné lui-même. Je précise que « libération conditionnelle » veut dire « sous contrôle », en particulier du juge de l'application des peines et du service pénitentiaire d'insertion et de probation – SPIP – c'est-à-dire des travailleurs sociaux qui animent la prison à côté de l'administration pénitentiaire.
Par ailleurs, et c'est ce qui est tout à fait novateur, seraient libérés, en cas de surnombre, uniquement les détenus les plus proches de la fin de leur peine, c'est-à-dire ceux à qui il ne reste que quelques jours ou quelques semaines à faire en prison, pour permettre à un autre condamné d'effectuer la sienne. En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, y compris de la majorité qui feignez de l'ignorer, aujourd'hui 33 000 personnes condamnées n'effectuent pas leur peine, faute de place. Programmer toujours plus de prisons n'est pas la bonne réponse. Mais obliger un certain nombre de victimes à continuer de rencontrer leur agresseur qui, bien que condamné, ne peut pas effectuer sa peine par défaut de l'administration pénitentiaire, est particulièrement douloureux et inadmissible. Je pense en particulier aux femmes victimes de violences conjugales.
Le groupe socialiste, républicain et citoyen votera avec conviction le mécanisme novateur et ambitieux proposé, qui permet de passer d'une culture de l'enfermement à une culture de contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)