…fondées sur une supposée absence de liberté de la presse. J'ai même eu le sentiment que notre collègue Noël Mamère défendait cette proposition de loi pour des raisons tout à fait étrangères aux motivations de ce texte.
Si un tel danger existait, n'aurait-il pas été évoqué lors des états généraux de la presse auxquels participaient certains d'entre nous – de droite, de gauche comme du centre. Il n'a pas été question de ces dangers-là. Il a été question de l'indépendance de la presse, mais pas de ces dangers qui seraient très présents, à en croire les deux orateurs de gauche qui m'ont précédé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, vous préconisez deux mesures. La première nous paraît extrêmement dangereuse car elle tend à attiser la méfiance des journalistes à l'égard des instances dirigeantes des journaux, donc à créer un esprit de division.
Si nous avions la faiblesse de l'adopter, elle tendrait à dissoudre la responsabilité personnelle des directeurs de publication. Elle aboutirait, à l'encontre de votre propre intention, à fragiliser le droit de la presse, et elle rendrait impossible l'exercice de la clause de conscience à laquelle vous tenez pourtant, monsieur le rapporteur. Cette clause de conscience ne pourrait plus s'appliquer puisque les rédacteurs seraient eux-mêmes responsables de la ligne éditoriale.
Le texte que vous nous proposez en viendrait à déposséder chaque média de sa spécificité, de son histoire, de ce que les journalistes appellent justement le contrat de lecture. Le ministre Frédéric Mitterrand a eu raison de vous rappeler que la généralisation à toutes les entreprises de médias de ce qui relève de la responsabilité de chaque directeur de publication – la conformité de la rédaction avec la charte éditoriale du journal – conduirait à deux impasses : l'une éthique et professionnelle ; l'autre économique et juridique.
Fondamentalement, monsieur le rapporteur, croyez-vous réellement que le législateur doive, une fois de plus, s'immiscer dans un débat qui, selon nous, relève de la seule éthique professionnelle ? Dans la très grande majorité des pays, les sociétés de journalistes jouent un rôle consultatif. Peut-être sommes-nous trop libéraux à vos yeux, mais nous préférons que la liberté la plus complète soit laissée à l'organisation interne des médias d'information.
Comme cela a été dit au cours des débats, en pratique, plusieurs mécanismes tendent à garantir l'indépendance rédactionnelle des journalistes. Croyez-vous réellement qu'il faille atteindre cette souplesse ou, pour reprendre l'image utilisée par le ministre lors du débat, « substituer l'esprit de géométrie à l'esprit de finance » ? Nous pensons que non.
Votre seconde mesure porte sur le renforcement des obligations d'information sur l'actionnariat, la charge des entreprises éditrices et des actionnaires. Quel besoin d'imposer une telle mesure ? L'article 5 de la loi de 1986 sur la presse oblige déjà les entreprises de presse, personnes morales, à indiquer le nom de leur représentant légal et de leurs trois principaux associés, et à porter à la connaissance des lecteurs le nom du directeur de publication. Pourquoi vouloir distinguer les entreprises de presse des autres à cet égard, même si nous sommes d'accord pour leur reconnaître une mission tout à fait particulière ?
Monsieur le rapporteur, je crois que vous comprendrez notre analyse. Nous considérons que, quelles que soient vos motivations que nous pensons sincères, votre proposition de loi créerait des obligations à la charge des éditeurs qui en supportent déjà suffisamment. En réalité, elle en viendrait à museler les journalistes plutôt qu'à renforcer leur indépendance, a contrario des intentions annoncées.
Voilà pourquoi, monsieur le président, monsieur le rapporteur, le groupe UMP refusera d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)