Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de André Joffre

Réunion du 16 novembre 2010 à 18h00
Commission des affaires économiques

André Joffre, président de Qualit'ENR et vice-président d'Enerplan :

Il est très difficile d'obtenir des informations concernant la file d'attente : cela semble relever du secret défense. Pourtant, elle sert de support au rapport Charpin. C'est donc un élément très important. On pourrait se demander si les projets développés par EDF et ses filiales doivent entrer dans la file d'attente. Bien entendu, les installations d'EDF EN ou d'EDF ENR ont accès au tarif, mais dans la mesure où EDF verse alors de l'argent à sa filiale, cet argent tourne en rond. Il ne s'agit pas pour autant d'interdire à EDF EN de faire du solaire en France – c'est un acteur de premier plan – mais selon que les projets d'EDF et de ses filiales sont pris en compte ou non, l'importance de la file d'attente varie grandement.

Par ailleurs, près de la moitié des projets de la file d'attente émanent d'entreprises qui n'ont pas les moyens de les développer, faute de fonds propres. Selon une étude du BET (bureau d'études thermiques) à la demande du syndicat des énergies renouvelables, deux tiers des projets auraient du mal à être financés. J'ajoute que les banques se montrent plus exigeantes désormais. J'ai vu, en tant que président d'une Banque populaire régionale, des personnes demander un milliard d'euros, soi-disant pour construire des hangars agricoles : ce n'est pas sérieux ! Pour les installations en toiture, les prêteurs s'assurent que d'éventuels problèmes techniques ne mettront pas en défaut l'entreprise. Investir sur une toiture représente, en effet, un risque industriel dans la mesure où aucun fabricant de panneaux ne peut garantir une performance de production dans le temps.

Si la file d'attente est si importante, c'est que le dépôt d'un projet auprès d'ERDF est gratuit, tout comme la déclaration de travaux en mairie. Nombre de développeurs ont pris des positions en espérant les vendre ensuite à des investisseurs. Mais cela ne marche plus : les nombreux portefeuilles mis sur le marché ne trouvent pas preneur. En fait, la file d'attente pourrait bien se dégonfler comme une baudruche.

En ce qui concerne l'intégration au bâti, j'ai participé en 2006 à la négociation sur le premier arrêté tarifaire. Nous souhaitions alors limiter l'intégration de panneaux solaires au secteur du neuf en prévoyant des obstacles techniques. Nous n'y sommes pas parvenus car beaucoup de Français n'hésitent pas à défaire les tuiles de leur toit ou, pour des raisons sanitaires, à remplacer leur toiture en éverite ou en amiante-ciment, ou encore à installer des panneaux solaires sur des membranes d'étanchéité. Les logements anciens représentent ainsi un gisement considérable de clients.

Aujourd'hui, un groupe de travail est en place, piloté par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l'ADEME, pour réfléchir aux tarifs qui doivent être appliqués aux installations selon qu'elles dépassent la hauteur de la toiture de 3 ou de 7 centimètres. C'est dire à quels détails nous nous confrontons.

Ce qui importe, c'est que les règles du jeu soient connues. Ce n'est pas le cas, puisqu'elles doivent encore changer le 1er janvier. On ne peut structurer une industrie dans ces conditions. Il y a un an, nous avons eu le courage de déclarer dans Les Échos que la baisse des tarifs était nécessaire. Tout en étant d'accord sur ce point, la profession nous a reproché de le dire ouvertement. De fait, si les tarifs avaient diminué au cours de l'année 2009, il n'y aurait pas eu une telle inflation de projets. Depuis, les subventions sont devenues raisonnables, la rentabilité n'est pas trop élevée et les projets ne produisent pas tous 200 KWh par an. En raison d'anomalies, de jours de panne, la réalité des chiffres est bien loin des calculs théoriques présentés aux banquiers. Quoi qu'il en soit, les installations solaires seront beaucoup moins coûteuses pour la CSPE qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Au sein du pôle de compétitivité DERBI, que je préside dans le midi de la France, nous avons travaillé sur l'industrialisation des projets relatifs aux cellules issues de la technologie développée à l'INES et à Grenoble. Mais n'oublions pas ces PME qui ont investi sur fonds propres, comme Fonroche à Agen, ou encore une entreprise de Perpignan qui s'est découvert un vrai savoir-faire sur les profilés aluminium.

Le pôle DERBI a labellisé l'an dernier un projet permettant la convergence entre technologies de l'information et énergies renouvelables. Avec IBM pour leader et une douzaine d'entreprises partenaires, cette opération va créer de la richesse. Nous n'avons pas encore perdu la guerre de la production de panneaux photovoltaïques. À ce sujet, j'ai pu constater, en visitant l'usine Yingli en Chine, que ce secteur ne crée pas d'emplois : tout y est automatisé. J'ai également découvert à cette occasion que la Proparco, filiale de l'Agence française de développement, venait d'investir 15 millions de dollars au capital de Yingli ! Est-ce bien cohérent ?

J'en termine avec un exemple qui, s'il est à la marge du sujet, n'en est pas moins éloquent : le solaire thermique. En France, nous installons 400 000 m2 de panneaux solaires destinés à produire de l'eau chaude. En Chine, ils en installent 148 millions de m2 ! Et néanmoins, il n'y a pas un panneau chinois sur le marché français. En effet, dans ce secteur, nous avons de grandes entreprises – parfois à capitaux allemands – qui fabriquent des produits de qualité, et nous sommes exportateurs nets.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion