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Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 17 novembre 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président :

Considérez-vous la réélection d'Ahmadinejad comme parfaitement légitime ?

Général Michel Aoun. Oui. Avant même l'élection, je savais qu'il en serait ainsi. J'étais allé en Iran le 13 octobre 2008 et j'avais interrogé des ministres et des membres du Parlement sur son éventuelle candidature. On m'avait expliqué que la région de Téhéran, ville dont il avait été maire, était avec ses 14 millions d'habitants son premier bastion électoral et qu'ailleurs, il avait gagné la sympathie des Iraniens. Self-made man, vivant simplement – aujourd'hui encore, il travaille au palais présidentiel mais n'y habite pas –, il a réussi la décentralisation, au profit du développement économique des régions autres que celle de Téhéran et de leurs 56 millions d'habitants. Il y a gagné en popularité, au point de pouvoir sans aucun doute y réunir plus de 60 % des suffrages. À l'inverse, dans la région de Téhéran, il est devenu minoritaire.

S'agissant des faux témoins, le procès a été refusé au Liban parce que certaines personnalités, à commencer par le Procureur général, étaient compromises – et ont été couvertes par le Conseil des ministres. Que diriez-vous si le Président de la République française, M. Sarkozy, refusait qu'un faux témoin soit déféré à la justice, au motif que cela va diviser le pays ?

L'intégrisme ne peut pas être chiite : dans leur interprétation du Coran, les chiites s'adaptent à l'évolution de la société. Les sunnites, en revanche, se fondent sur des traditions remontant au temps du Prophète, ce qui conduit à un monolithisme totalement étranger à notre propre démarche.

Les Libanais qui ont émigré à partir de 1983 ne sont pas encore très nombreux à revenir. Beaucoup d'entre eux attendent que je les appelle à le faire. Tant que le pays n'est pas stable, je leur dis d'attendre. Je prépare les conditions de leur retour, par l'élargissement de l'espace de sécurité du Liban – qui s'étend sur tout le Moyen-Orient. Il faut aussi créer les conditions économiques de ce retour ; le Liban n'est pas un pays en faillite, mais depuis vingt ans il a été pillé – avec la participation de personnes extérieures.

Quelle que soit la situation du village de Ghajar ou des fermes de Chebaa, le problème restera la présence chez nous de 500 000 réfugiés palestiniens. Notre pays est surpeuplé : sa densité est de 400 habitants par kilomètre carré. Nous manquons de ressources. Pour un Libanais présent dans le pays, on en compte trois ou quatre en dehors. Parmi les pays arabes, le nôtre est le plus dense et le moins riche en ressources.

Les chrétiens, qui étaient majoritaires, ne représentent plus maintenant que 38 % de la population. Les 62 % de musulmans se partagent de manière égale entre chiites et sunnites.

La présence française est malheureusement en régression. La culture française reste dominante, mais les Libanais étudient l'anglais autant que le français et actuellement, il y a douze universités américaines, contre trois qui enseignent en français.

Le Hezbollah est un parti libanais, de résistance à l'occupation israélienne. Ce n'est pas un parti terroriste, comme beaucoup le disent, mais un parti patriote qui a essayé de libérer le territoire libanais. À tous les ambassadeurs et diplomates venus me dire qu'ils voulaient le combattre, j'ai toujours demandé de me citer un seul acte terroriste qu'il aurait commis. Il y a sur ce sujet une terrible intoxication, due aux Américains : c'est sous l'influence du mouvement sioniste américain que l'on a essayé de diaboliser le Hezbollah. Quant à moi, je peux vous assurer que vous rencontrerez certainement beaucoup d'intégristes islamistes en cravate, alors que chez les personnes dont l'aspect vous dérange parfois, vous pourriez découvrir des hommes religieux très tolérants.

Le problème palestinien est très difficile à résoudre car c'est celui des réfugiés et de l'entité palestinienne, beaucoup plus que du territoire. Ce que veut Israël pour les Palestiniens, ce n'est pas une patrie, mais plutôt une réserve, comme pour les Peaux-Rouges… En déclarant qu'il n'y aurait plus de retour de Palestiniens, Israël a contredit la résolution 194 des Nations Unies du 11 décembre 1948. Personne ne s'en est indigné, mais ce n'est pas ainsi que l'on va avancer vers une solution.

Israël a joué au Liban un rôle très néfaste, notamment en encourageant le conflit entre les chrétiens et les druzes. La présence d'Israël au Liban a eu les mêmes résultats qu'à Jérusalem et à Bethléem.

Pour redresser la situation des finances publiques, il faudrait commencer par régulariser la comptabilité publique, puis s'attaquer au redressement économique.

Quant aux chrétiens, il faut simplement les laisser exister. Il n'y a pas de pays à majorité chrétienne, ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde – il y a seulement des cultures d'inspiration chrétienne. Le christianisme n'est pas un parti politique. Nous avons surtout un rôle culturel, appuyé sur les relations que nous avons nouées dès le seizième siècle avec l'Occident, et d'abord avec l'Italie et avec la France ; nous incarnons la synthèse de la pensée religieuse levantine et de la pensée rationnelle occidentale. Le rôle des chrétiens est d'être la porte d'entrée des autres cultures. Fort heureusement, nous ne sommes pas monolithiques et nous sommes bien loin des théocraties autocratiques.

L'Iran est une puissance régionale mais, je vous l'assure, n'intervient pas dans nos affaires intérieures. Lors de l'agression israélienne en 2006, l'Iran et la Syrie nous ont aidés.

J'étais contre la présence syrienne au Liban, mais quand la Syrie s'est retirée, j'ai respecté ce que j'avais affirmé pendant mon engagement militaire contre elle : ce retrait étant effectué, nous devons avoir les meilleures relations avec elle, comme il convient entre pays voisins.

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