Le problème est plus qu'ancien, vous le savez, vous qui, dans votre excellent rapport, faites remonter le phénomène au XIXe siècle.
Depuis trente ans, seule la majorité à laquelle je m'honore d'appartenir a lancé des programmes de construction de places de prison. Les mesures que nous avons prises nous conduisent, sans doute trop lentement, mais sûrement, au résultat que vous souhaitez, à savoir une cellule pour chaque détenu.
Concernant le programme immobilier, je ne crois pas devoir rappeler à l'opposition que notre majorité a lancé un programme de construction et de rénovation sans précédent des prisons dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, que vous n'avez pas votée. Ce vaste mouvement de construction portera en 2012 à 63 000 places la capacité d'accueil du parc pénitentiaire français.
Ce n'est pas seulement un voeu pieu. En 2009 et 2010, pas moins de neuf établissements ont été ouverts. Le 19 janvier 2009, le centre de détention de Roanne a été inauguré par la garde des sceaux et le Premier ministre, c'est le premier établissement pénitentiaire réalisé selon les modalités du partenariat public-privé, et c'est notre majorité qui l'a réalisé. La réouverture de la maison centrale d'Arles, puis la mise en oeuvre de 445 places supplémentaires dans la dernière unité hospitalière sécurisée interrégionale et dans la première unité hospitalière spécialement aménagée, c'est grâce à notre majorité.
La création d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté, notamment des établissements pénitentiaires, c'est encore à la majorité présidentielle qu'en revient l'initiative.
Sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération, vous n'avez pas non plus de leçon à nous donner. La systématisation des mesures d'aménagement des peines, à laquelle a particulièrement contribué le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, en 2004 puis en 2009, qui l'a votée ? Notre majorité. L'assignation à résidence grâce à la généralisation du bracelet électronique, qui l'a mise en place ? Notre majorité !
Même si, à court terme, cette politique volontariste peut encore paraître insuffisante, que propose l'opposition dans le texte que nous examinons ?
Ce que vous proposez, chers collègues, excusez du peu, c'est d'interdire la détention dans un établissement pénitentiaire au-delà du nombre de places disponibles et, pour ce faire, vous instaureriez un système de libération conditionnelle de droit pour tous les condamnés ayant purgé les deux tiers de leur peine. Mieux encore, l'admission d'un nouveau détenu pourrait conduire automatiquement à un aménagement de peine ou à un placement sous surveillance d'un détenu plus ancien, histoire de libérer la place.
Ce n'est pas sérieux ! Que reste-t-il de la notion de justice et de la chose jugée, si vous êtes capables de prétendre que, pour vider les prisons, tous les artifices sont possibles ? Ainsi, vous commettez une infraction grave et on ne vous incarcère pas parce que les prisons sont pleines. C'est aberrant. Ou encore : il n'y a pas de place, libérons le moins dangereux des deux, ou celui qui a commencé à purger sa peine en premier.
Comme l'a parfaitement démontré, lors de l'examen du texte en commission, notre collègue Philippe Houillon : « L'un rentre, donc l'autre sort : on ne peut pas raisonner de cette façon, sur la base de critères de sortie qui font penser aux critères de licenciement collectif et qui aboutissent à une loterie. »
Sous prétexte de vouloir vider les prisons, vous bafouez la justice et la Constitution, car il semble plus qu'évident que cette proposition de loi est inconstitutionnelle.
Elle est, en fait, profondément inégalitaire, car comment pourrait-on accepter qu'une peine de prison ne s'exécute pas de la même façon selon les différentes périodes de l'année, puisque chacun sait que les prisons connaissent un taux d'occupation variable l'hiver et l'été ? Comment pourrait-on accepter qu'une peine de prison ne s'exécute pas de la même façon selon la région où l'on habite ?
Alors oui, je n'hésite pas à dire que ces propositions ne sont pas tenables et qu'elles ne servent pas l'objectif recherché. Laissons l'excellente loi pénitentiaire de 2009 porter ses fruits et veillons à ce que l'administration pénitentiaire ait les moyens nécessaires à l'indispensable modernisation de nos lieux de privation de liberté.
Il nous faut en effet, concomitamment et impérativement, assurer l'effectivité de l'application des peines prononcées, et ce dans des conditions qui s'accordent avec le respect de la personne humaine. Votre texte, monsieur le rapporteur, ne répondant pas à ces critères, les députés du groupe UMP ne le voteront pas.