Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, comme les orateurs qui m'ont précédé, à saluer l'important travail accompli par Odile Saugues sur ce sujet depuis des années, notamment dans le cadre de ses fonctions de rapporteure de la commission des affaires européennes. Ces travaux ont débouché sur la présente proposition de loi, dont je suis cosignataire mais dont elle est l'ardente initiatrice.
Le sujet qui nous occupe ce matin concerne tous nos concitoyens, ceux qui ont la chance de voyager ou qui, ayant des attaches dans des pays étrangers, souhaitent aller visiter leurs proches, leur famille. Depuis le développement des ventes de billets d'avion par internet, il est plus nécessaire encore de réglementer ce secteur. La dématérialisation, la dépersonnalisation de la vente, les difficultés très concrètes pour obtenir des informations précises imposent cette réglementation.
D'une manière plus générale, la sécurité aérienne est encore plus prégnante depuis le développement du low cost, qui pose la question de la qualité du service acheté par le voyageur et, par ricochet, celle de la pression exercée sur l'ensemble des compagnies aériennes pour faire baisser les coûts et rester compétitives eu égard aux tarifs proposés. J'y reviendrai en évoquant l'accident de la Yemenia et l'Union des Comores.
L'Union européenne a établi une liste noire, dont la première publication date du 22 mars 2006. C'est un acquis important. Sur la base des informations transmises par les États membres, on peut, en principe, interdire le ciel européen à certaines compagnies ne respectant pas les règles de sécurité, et informer les citoyens sur les compagnies jugées peu sûres.
Avec cette proposition de loi, nous souhaitons aller plus loin en prévoyant un devoir d'information. Le secteur aérien est le seul, en effet, où celui qui achète une prestation ne sait pas précisément ce qu'il achète, surtout pour les vols de bout de ligne. En outre, les informations sont toujours très difficiles à obtenir. Ainsi, lorsqu'on achète un vol charter, on ne sait pas précisément à quelle heure on va partir du territoire français et, a fortiori, du territoire étranger, en cas d'escale.
La disposition proposée par ce texte prévoit que, si un passager achète un vol comportant en bout de ligne un trajet sur une compagnie aérienne figurant sur la liste noire européenne, l'opérateur doit lui communiquer une information la plus précise possible et le passager devra exprimer son accord pour voyager sur une telle compagnie.
Lorsque le texte sera voté – j'espère que tel sera très rapidement le cas au Sénat –, il appartiendra au Gouvernement de le mettre en pratique. Comment procédera-t-on, notamment sur internet ? Comment l'accord conscient du passager pourra-t-il se matérialiser ? Il ne faudrait pas que nos débats très consensuels de ce matin se perdent dans les méandres des procédures législatives. Qu'en sera-t-il également de la sanction si l'information n'est pas transmise ?
Nous accomplissons ce matin un pas important, certes, mais ce n'est qu'un pas. Et une fois la loi votée, ici puis au Sénat, et enfin promulguée – soit après-demain (Sourires) – il faudra aller plus loin. Il faudra tout d'abord essayer d'obtenir une liste noire internationale. La Commission européenne serait prête, je crois, à engager des discussions avec les autorités de l'aviation civile de différents pays pour parvenir peut-être à des accords « bilatéraux » entre l'Union européenne et les pays intéressés afin d'accroître la portée de la liste noire. Je souhaiterais bien sûr que la France soit totalement partie prenante dans cette démarche. En effet, sur ce sujet comme sur d'autres, la mondialisation ne peut être heureuse que si elle est contrôlée, régulée, sans laisser le seul marché faire ce que bon lui semble.
Il faut par ailleurs intervenir sur les vols en bout de ligne. Nous agissons au niveau des compagnies. Mais reste la question des modules, des avions utilisés. Or aucune compagnie, qu'elle soit low cost, opérateur historique ou figurant sur la liste noire européenne, ne peut, au moment où le voyageur achète son billet, prévoir quel avion sera utilisé. Sinon, il suffirait de faire figurer le module sur le billet d'avion. Cette solution serait très simple : la compagnie s'engagerait sur un type d'appareil, celui mentionné sur le billet ou un autre de qualité équivalente. Aujourd'hui, il n'y a aucun engagement de la compagnie. Je le souligne à nouveau, il est extrêmement difficile pour le consommateur d'avoir une information précise dans ce secteur. Or nous sommes tous concernés.
Troisièmement, il faudrait que l'obligation européenne soit totalement respectée. Au-delà de la liste noire et des normes de sécurité, peut-être le Gouvernement devrait-il engager avec les professionnels l'élaboration d'une sorte de charte de qualité. Nous avons évoqué le problème des modules. Mais il faut s'intéresser aussi aux escales. Le voyageur ne sait pas toujours quand il repartira vers sa destination finale et dans quelles conditions. On a cité l'exemple de la compagnie Yemenia. Mais bien avant le crash du 29 juin 2009, on m'avait rapporté des problèmes à l'escale de Sanaa : les voyageurs ignoraient souvent quand ils repartiraient de Sanaa et dans quelles conditions ils devraient passer de nombreuses heures sur place. Peut-être pourrait-on envisager une charte de qualité, au moins sur les conditions de transport et d'escale, sur laquelle l'ensemble des compagnies aériennes pourrait s'engager.
Permettez-moi de revenir très précisément sur l'accident de la Yemenia. Vous le savez sans doute, je suis président du groupe d'amitié entre la France et l'Union des Comores. J'étais avec Loïc Bouvard et Bernard Lesterlin en mission aux Comores, il y a tout juste un mois. Après Jean-Paul Lecoq et Jean-Claude Fruteau, j'insiste sur le fait que la publication de l'enquête est absolument nécessaire. J'ai eu l'occasion de le dire également alors que j'ai eu l'honneur de m'exprimer devant le Parlement comorien. J'ai demandé aux autorités comoriennes et à nos collègues parlementaires d'exercer la même pression auprès de leurs autorités. Un an et demi après le drame, le fait que beaucoup de choses se murmurent mais que rien ne soit publié officiellement est un problème, pour la sécurité aérienne et pour les familles, qui ne peuvent faire correctement leur deuil. Si l'enquête n'est pas publiée dans son ensemble, peut-être faut-il demander au BEA que ses conclusions au moins le soient.
À cet égard, et même si cela ne relève pas directement de votre département ministériel, je souhaite vous faire part d'une demande pressante, monsieur le secrétaire d'État, à propos d'une stèle en mémoire des victimes de ce crash. Elle devait être érigée à Mitsamiouli, au nord de Grande Comore. Le gouvernement français, et notamment François Fillon, à l'occasion de sa visite sur place pour commémorer l'accident, s'est engagé en ce sens. Or, pour l'heure, en guise de stèle, il n'y a qu'une dalle de béton. Ce n'est pas suffisant.
Dernier point, enfin, cet accident montre la nécessité d'une desserte sûre, de qualité et directe entre Paris, Marseille, Moroni et Mayotte.
Cela permettrait de symboliser très concrètement la nécessité d'un développement régional partagé dans les quatre îles de l'archipel des Comores, même si elles n'ont pas choisi le même destin du point de vue de la nationalité.
Ce serait également un signe important donné à nos concitoyens de la diaspora comorienne et franco-comorienne installés en métropole. Au moment où une compagnie, Air Austral, est intéressée par la desserte aérienne Paris-Marseille-Moroni-Mayotte, je souhaiterais évidemment que le Gouvernement en facilite la mise en place très rapide, afin que toutes les questions que l'on a posées sur cette destination n'aient plus lieu d'être à l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)