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Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 18 novembre 2010 à 9h30
Sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à remercier et à féliciter ma collègue Odile Saugues pour le travail qu'elle a réalisé dans le cadre de cette proposition de loi ainsi que pour l'ensemble des actions qu'elle a entreprises ces dernières années pour contribuer à l'amélioration de la sécurité dans le secteur des transports aériens.

En effet, si tout le monde s'accorde à dire que le transport aérien est le mode de transport le plus sûr au monde, il n'en reste pas moins que les accidents suscitent toujours une émotion particulière et qu'ils appellent la mise en oeuvre d'outils de prévention et d'information toujours plus performants dans le but de renforcer le niveau de fiabilité et de sécurité.

Les accidents sont rares et leurs causes bien souvent nombreuses ; ils peuvent même arriver à une compagnie aérienne à haut niveau de sécurité. Je pense ici, bien évidemment, à l'accident survenu au mois de juin 2009 sur le vol Air France 447 Rio-Paris, qui a entraîné la mort de 228 personnes sans que nous disposions, pour l'heure, d'explications certaines quant à ses causes, explications qui pourraient permettre la mise en oeuvre de nouveaux outils de prévention.

La présente proposition de loi est donc plus que conforme à l'objectif d'amélioration continue de la sécurité des transports aériens. Elle complète les mesures qui existent actuellement, enrichissant ainsi la palette des outils dont nous disposons pour promouvoir la sécurité aérienne. Cette palette d'outils s'appuie essentiellement sur trois types de mesures : la prévention, le contrôle et la sanction.

La prévention est bien évidemment l'outil qui intervient le plus en amont dans la sécurité du transport aérien. Elle se traduit par l'établissement de règles strictes qui, depuis de nombreuses années désormais, s'organisent, d'une part, au niveau international dans le cadre de la convention de Chicago qui a créé l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI, et, d'autre part, au niveau européen avec la création, en 2002, de l'Agence européenne de sécurité aérienne, l'AESA. Cette internationalisation de la réglementation régissant le transport aérien garantit ainsi une homogénéisation profitable à tous.

La prévention se traduit également par une formation de haut niveau dispensée à l'ensemble des personnels, qu'ils soient navigants ou au sol, couplée à une haute qualité des aéronefs au niveau de la production, de l'exploitation et de l'entretien. La direction de la sécurité de l'aviation civile et la direction des services de la navigation aérienne sont deux piliers majeurs de cette sécurité active. La première organise la certification des aéronefs et le suivi du contrôle technique tout au long de la vie des avions. La seconde assure un suivi permanent de tous les événements qui surviennent en matière de navigation aérienne et effectue toute analyse de sécurité, a priori et a posteriori.

Enfin, la prévention passe également par la compréhension des incidents ou des accidents pour en tirer des enseignements afin de s'assurer qu'ils ne se reproduiront pas ultérieurement. À cet égard, le rôle du Bureau d'enquêtes et d'analyses est primordial puisqu'il effectue les enquêtes consécutives aux événements survenus sur le territoire français, et participe également aux enquêtes étrangères concernant les aéronefs immatriculés, exploités ou construits en France. Le retour d'expérience qui résulte de ces enquêtes est essentiel pour l'amélioration continue de la qualité de la sécurité dans les transports aériens.

Pour ce qui est du contrôle et de la sanction, ils s'expriment notamment par la liste noire des transporteurs aériens faisant l'objet d'une interdiction d'exploitation dans le ciel européen car ne répondant pas aux règles minimales en matière de sécurité. Le principe de cette liste a été posé dans le règlement n° 21112005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005. Cette liste constitue désormais une pièce maîtresse de la politique européenne de sécurité aérienne. Établie à partir d'audits et d'inspections menés sur les aéroports européens, et faisant l'objet de « mises à jour » régulières, elle constitue une protection utile et judicieuse puisqu'elle fait appel à la mutualisation des informations des différentes autorités de contrôle au niveau de l'Union européenne.

Néanmoins, cette liste noire laisse entière la question de la sécurisation de l'ensemble d'un voyage pour les vols au départ du territoire national ou communautaire et dont la destination finale se situe en dehors des frontières européennes. C'est là que la proposition de loi élaborée par notre collègue Odile Saugues trouve tout son sens. Elle marque une étape nouvelle et importante dans le renforcement de la sécurité aérienne.

En effet, cette proposition de loi entend répondre à la question des vols de « bout de ligne », ceux qui assurent un transport au départ de l'Union européenne avec une compagnie ayant une autorisation de vol sur le territoire de l'Union et qui terminent le parcours, via une escale située en dehors de l'Union européenne, avec une compagnie figurant sur la liste noire.

Il y a là un vide juridique qui pourrait être comblé grâce à la responsabilisation du vendeur entraînant une augmentation des garanties données aux passagers et un renforcement de leurs droits. Par ailleurs, bien que certaines mesures en matière d'information des passagers aient été prises à la suite du dramatique accident du vol de la compagnie Flash Airlines survenu au large de Charm el-Cheikh le 3 janvier 2004, cette problématique restait, hélas, toujours d'actualité. Les consommateurs qui achètent un voyage ne se soucient pas forcément de savoir sur quelle compagnie ils vont effectuer un vol.

De fait, bien que la liste noire soit un outil indispensable, elle ne protège pas entièrement le voyageur hors du territoire communautaire et les mesures de responsabilisation figurant dans la présente proposition de loi complètent l'arsenal juridique grâce à la création d'une amende dont le montant sera de 7 500 euros, montant qui pourra être doublé en cas de récidive.

En outre, les travaux réalisés par la commission du développement durable ont permis d'affiner les dispositions. Ainsi, pour des trajets qui ne peuvent se faire autrement que sur des compagnies interdites de ciel européen, le vendeur sera dans l'obligation d'informer – par écrit, cela a son importance – le consommateur, qui pourra ensuite, en son âme et conscience, prendre sa décision au vu des informations qui lui auront été apportées.

Mais au-delà de cette avancée notable, nous devrons, à l'avenir, aller encore plus loin dans le but de protéger les passagers européens sur l'ensemble de leur trajet en avion. Je pense notamment à un problème qui reste entier : que pouvons-nous faire pour que les citoyens européens ne soient pas amenés à voyager, de manière subie, à la suite d'une escale, sur des appareils interdits de circulation au sein de l'espace communautaire ?

Je fais bien évidemment référence ici au tragique accident survenu à l'Airbus A310 de la compagnie Yemenia le 30 juin 2009, qui a coûté la vie à 152 passagers dont soixante-deux Français. À cet égard, s'agissant de cette compagnie, je souhaite formuler deux remarques.

Tout d'abord, on peut s'étonner de la lenteur de la publication par les autorités comoriennes du rapport sur cet accident, alors même que notre BEA a déposé ses conclusions auprès desdites autorités. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de mettre tous les moyens en oeuvre pour que ce rapport finisse par être publié. Et le plus tôt sera le mieux. C'est une mesure plus que nécessaire eu égard au droit d'information des familles, mais également un élément important pour la sécurité aérienne et la compréhension totale de cet accident.

Par ailleurs, je suis plus que dubitatif sur le fait que cette compagnie, dont les manquements en matière de sécurité sont avérés, puisse encore opérer dans le ciel européen. En effet, outre le drame survenu pour le vol 639, nous avons évité une catastrophe supplémentaire le 24 août dernier lorsqu'un aéronef de la compagnie Yemenia, sans en avoir préalablement averti le centre de contrôle aérien de Tananarive à Madagascar, a entamé sa descente, pénétrant ainsi dangereusement dans le couloir aérien d'un avion d'Air Austral qui effectuait la liaison entre Paris et Saint-Denis de la Réunion. Heureusement, cet événement a démontré l'efficacité des systèmes d'alerte embarqués, qui ont permis d'éviter une éventuelle collision entre les deux appareils. Néanmoins, le déclenchement de ce filet de sécurité révèle que les règles élémentaires de navigation aérienne n'ont pas été respectées par l'équipage de Yemenia.

J'ose espérer que cet incident aura une suite quant à la nécessité d'un contrôle plus resserré sur cette compagnie en particulier, mais également sur l'ensemble des compagnies aériennes dont on sait de façon à peu près certaine qu'elles ne sont pas suffisamment vigilantes sur les règles de sécurité.

Parce cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans les efforts continus qui sont faits pour améliorer la sécurité aérienne, le groupe SRC votera résolument en sa faveur, et j'espère que l'ensemble de notre assemblée fera de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs.)

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