…pour s'en prendre à la grande avancée institutionnelle que représente la décentralisation.
C'est notamment cela qui justifie notre opposition à ce projet de loi et aux conclusions de la commission mixte paritaire, conclusions dont le rapporteur a largement fait état. Cette commission mixte paritaire s'est déroulée dans un contexte particulier, puisque les trois premiers votes ont permis de constater qu'il n'y avait pas d'accord. Il a fallu un passage en force de son président, notre collègue Warsmann. La réunion de cette commission mixte paritaire a été levée sans qu'elle ait conclu – le procès-verbal en fait foi –, puis elle a repris et le sénateur Détraigne a été kidnappé par les députés et les sénateurs UMP à l'occasion d'une suspension de séance. Je ne sais trop ce qui lui a été promis ou ce qui lui a été fait pendant cette suspension de séance. Toujours est-il que, de retour en CMP, soit il s'est abstenu soit il a voté avec l'UMP.
Lorsque l'on compare ce texte avec les grandes lois de décentralisation de 1982 et 1983 initiées par Pierre Mauroy, on ne peut qu'être frappé par la différence de niveau d'ambition entre ces deux réformes.
Celle qui a conduit à l'organisation décentralisée de la République française poursuivait des objectifs forts et instaurait des dispositifs définis en cohérence avec ces objectifs. En 1982, il s'agissait de renforcer la démocratie locale et de permettre que les décisions soient prises au plus près des besoins de la population.
Il s'agissait encore de consacrer la libre autonomie des collectivités territoriales et de les doter des moyens nécessaires à l'exercice de cette autonomie : des moyens politiques, avec des élus de proximité à même d'apprécier les besoins de la population ; des moyens juridiques, avec cette clause générale de compétence attribuée à tous les niveaux de collectivités territoriales reconnus par la Constitution ; des moyens financiers, avec la garantie pour ces collectivités de disposer de ressources propres en vue de l'exercice effectif de leurs compétences.
Il s'agissait encore de reconnaître aux collectivités la possibilité de décider seules selon quelles modalités les services publics dont elles avaient la charge seraient gérés. La décentralisation a ainsi offert aux collectivités territoriales une véritable marge de manoeuvre pour déterminer leurs propres politiques.
À l'inverse, les objectifs poursuivis par votre réforme sont beaucoup moins clairs. Vous avez complètement raté le but affiché, monsieur le ministre. Par contre, vous arriverez à satisfaire l'ambition de pouvoir démesurée de M. Sarkozy, qui ne supporte pas que, dans ce pays, une majorité de collectivités territoriales – communes, départements, régions – soient animées par des élus de gauche.
Il s'agissait de « simplifier » et de « clarifier » – combien de fois nous l'avez-vous répété – notre organisation institutionnelle. Je m'en rapporte à ce discours présidentiel qui a lancé le débat dans le pays.
Toutefois, comme on l'a dit et répété tout au long du débat, et aujourd'hui encore, les dispositifs instaurés par ce projet de loi contredisent ces belles affirmations. Bien au contraire, lorsqu'on lit le contenu même de ces dispositions, on ne peut qu'être frappé par leur extrême complexité et par les difficultés que leur mise en oeuvre ne manquera pas de susciter.
Aux communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines, qui perdurent, vous ajoutez les métropoles, les pôles métropolitains, les nouvelles communes, sans supprimer quoi que ce soit.
Cette réforme semble directement inspirée d'une époque révolue. Nous sommes revenus au temps où les institutions de notre pays étaient encore organisées autour d'un pouvoir centralisé et où la démocratie de proximité et la libre administration des collectivités territoriales n'existaient pas encore.
Cette marche à rebours du sens de l'histoire est confirmée par les atteintes portées à tous les principes fondateurs que je viens d'évoquer. L'organisation décentralisée de la République et la démocratie locale sont ainsi mises à mal par la création des conseillers territoriaux.
Le 9 novembre dernier, monsieur le ministre, vous tentiez de convaincre les sénateurs que cette organisation devait être comprise comme « un acte de confiance à l'égard des élus locaux », mais tout démontre, jour après jour, que le Gouvernement n'a pas confiance en eux.
Selon vous, les conseillers territoriaux seraient à même de clarifier l'action publique locale « au plus près des réalités ». Certains, à droite, et vous en êtes sûrement, monsieur le ministre, essaient de nous faire croire qu'un conseiller territorial n'ira pas défendre un même projet devant chacune des deux assemblées dont il serait membre.