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Intervention de Pascal Viné

Réunion du 10 novembre 2010 à 9h30
Commission des affaires économiques

Pascal Viné :

Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de vos questions qui m'éclairent sur les problèmes que vous rencontrez et les interrogations qui sont les vôtres. Si vous m'accordez votre confiance pour que je sois le futur directeur général de l'ONF, toutes vos observations me seront des plus utiles. Il est essentiel d'écouter les parlementaires avant de prendre des fonctions telles que celle qu'il est envisagé de me confier. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de la nouvelle procédure prévue par la Constitution.

Beaucoup d'entre vous, Mme Poursinoff, M. Le Déaut, Mme Massat, M. Peiro, M. Dumas, Mme Marcel, ont abordé la question des personnels et pointé des difficultés particulières. Je prends la question très au sérieux. La situation est tendue. J'ai la conviction qu'il nous faut, au-delà de l'audit social déjà commandité par le président du conseil d'administration, rétablir le dialogue social avec les organisations syndicales représentatives et échanger davantage avec elles. Je suis disposé à consacrer autant de temps qu'il le faudra à ce dialogue. Je l'ai fait lorsque j'étais directeur général du CEMAGREF, je l'ai fait dans mes fonctions de directeur de cabinet du ministre de l'agriculture, je le ferai à l'ONF.

Il faudra aussi dialoguer avec tous les acteurs de la filière, de la production jusqu'à la transformation. Il n'est pas acceptable que la balance commerciale d'un pays dont près d'un tiers du territoire est recouvert de forêts soit déficitaire de quelque six milliards d'euros sur le poste bois. Les relations entre un établissement public comme l'ONF et les autres acteurs de la filière ne devraient pas être tendues, comme plusieurs d'entre vous l'ont déploré. Il faut améliorer ces relations, approfondir le dialogue et parvenir à des objectifs partagés. L'élaboration du contrat d'objectifs doit en être l'occasion. Je militerai pour une approche globale de la filière forestière française car il importe, vous l'avez dit, de raisonner sur le long terme. La filière ne peut pas continuer de fonctionner comme aujourd'hui avec deux interprofessions, l'une d'amont, l'autre d'aval – l'ONF est membre de l'interprofession France Bois Forêt.

Il faudra également approfondir le dialogue avec les élus, notamment les maires. Je connais bien le président de la fédération des communes forestières, M. Jean-Claude Monin, avec lequel j'entretiens des relations de confiance. Je souhaite, comme l'a proposé Hervé Gaymard, que le prochain contrat d'objectifs associe ces communes. Cela permettrait d'ailleurs d'aborder d'emblée la question, déterminante, du financement, évoquée notamment par M. Brottes. Le versement compensateur avait été sanctuarisé dans le précédent contrat d'objectifs. Le sera-t-il dans le prochain ? La question demeure posée. Se pose également la question des frais de garderie, sur lesquels beaucoup s'interrogent et qui ont fait l'objet d'observations de la Cour des comptes. L'Inspection générale des finances, le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et le conseil général de l'environnement et du développement durable mènent actuellement une mission conjointe sur ces sujets. Il s'agit d'ouvrir de nouvelles pistes, non de remettre en cause un dispositif qui fonctionne. Je suis personnellement très attaché au maintien d'un dispositif homogène de gestion des forêts publiques par un établissement unique, avec un appui de l'État.

Le dialogue devra aussi s'étendre aux acteurs de la recherche. M. Le Déaut a évoqué les relations existant déjà entre l'INRA et l'ONF. Je serai extrêmement attentif au renforcement des liens entre l'ONF, l'ensemble de la filière et le monde de la recherche agricole, que je connais bien pour avoir été directeur général du CEMAGREF. Mes expériences antérieures devraient me faciliter la tâche.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question de la gouvernance de l'ONF. Chaque acteur doit jouer pleinement son rôle et l'équilibre entre tous doit être respecté. La question, posée par Hervé Gaymard, de savoir s'il est plus pertinent d'avoir un président et un directeur général, ou un président-directeur général cumulant les deux fonctions, devra être traitée dans le cadre du prochain contrat d'objectifs. La réunion des deux fonctions n'est pas la panacée. Ce n'est en tout cas pas pour moi un sujet majeur. L'essentiel me paraît plutôt résider dans la qualité des relations entre le président et le directeur général. Lorsqu'ils s'entendent bien, tout se passe bien, comme j'en ai fait l'expérience au CEMAGREF où, avec Thierry Klinger, président du conseil d'administration, nous avons élaboré sans aucune difficulté un contrat d'objectifs, partagé avec les personnels. Le fonctionnement du conseil d'administration constitue, lui, en revanche une vraie question. Certains jugent qu'avec 28 membres, il est trop important et manque de réactivité. Certains pensent aussi qu'il traite de sujets qui ne relèvent peut-être pas de sa compétence. Il faudra en débattre avec toutes les parties intéressées, au premier rang desquelles les élus.

La mobilisation de la ressource bois et le bon équilibre à trouver entre l'exploitation du bois-énergie, du bois d'industrie et du bois d'oeuvre, sont des sujets essentiels. Parti a été pris à un moment de tirer l'offre par la demande, ce qui fait le beau jeu des importations en provenance des autres pays européens ou plus lointains. Monsieur Peiro, qui m'avez demandé quelles seraient mes deux priorités, en voici une : travailler avec l'ensemble de la filière à mieux mobiliser nos ressources forestières nationales.

Je ne souhaite pas qu'on rouvre le débat, que l'on a eu très largement lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture, sur l'intervention de l'ONF dans les forêts privées. Je suis convaincu qu'on peut travailler en bonne intelligence et en bonne coordination, comme on l'a fait après la tempête Klaus avec les communes et les coopératives. Il n'y aura pas de problème si on réussit à instaurer des relations de confiance entre tous, chacun à sa place. A sa place, toute sa place, mais rien que sa place, l'ONF doit travailler avec les autres acteurs économiques, notamment les trois millions et demi de propriétaires forestiers privés qui possèdent les trois quarts de la forêt nationale. Il doit être un facilitateur pour la filière. Soyez en tout cas assurés que je prendrai ce dossier à bras-le-corps et que nous en discuterons avec les personnels et avec les acteurs concernés.

Les problèmes phytosanitaires apparus après le passage de la tempête Klaus dans le Sud-Ouest concernent au premier chef le ministère chargé de la forêt. Bruno Le Maire a indiqué aux propriétaires privés que l'État va débloquer dès à présent sept millions d'euros pour que soient broyés les bois des parcelles infestées ou pouvant l'être par le scolyte, de façon à endiguer la propagation de la maladie causée par cet insecte ravageur. Après qu'on a débloqué 134 millions d'euros pour aider au dégagement des arbres abattus, facilité l'octroi de 250 millions d'euros de prêts bonifiés pour les entreprises, prévu 450 millions d'euros pour la reconstitution des massifs sinistrés et mobilisé autant d'énergies, il serait vraiment dommage que tous ces efforts se trouvent réduits à néant du fait de ce redoutable parasite. Ce serait comme si après la tempête Xynthia, on avait aidé les agriculteurs à remettre en état leurs parcelles inondées sans parallèlement reconstruire les digues ! Soyez pleinement rassurés, madame Got et monsieur Martin : l'ONF prendra toutes ses responsabilités.

Madame Robin-Rodrigo, le développement des fermes photovoltaïques nous préoccupe. La loi de modernisation de l'agriculture pose certaines barrières. Il nous faut être très vigilant.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question des filiales de l'ONF. Si je suis nommé directeur général, je prêterai la plus grande attention à leur fonctionnement. Je m'en suis déjà entretenu avec l'ancien directeur général, Pierre-Olivier Drège. Tout en restant dans son rôle d'établissement public acteur majeur de la politique forestière nationale, l'ONF doit aussi savoir accompagner certaines initiatives privées. La forêt française a tout intérêt à ce que des entreprises et des acteurs privés puissants soient en mesure de prélever le bois, le transformer puis le vendre.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué les conflits d'usage qui pouvaient se faire jour entre usagers de la forêt, notamment dans les forêts péri-urbaines où nos concitoyens ne comprennent pas toujours le pourquoi des coupes à blanc, comme l'a souligné Mme Poursinoff. Un dialogue renforcé et une meilleure information devraient permettre de résoudre ces conflits, et mieux, de les prévenir. Des choix sont toujours nécessaires : l'important est de bien les expliquer. Ce renforcement indispensable du dialogue serait ma deuxième priorité, monsieur Peiro.

Le dispositif RTM est un sujet majeur pour les élus de la montagne, vous avez raison, monsieur Brottes et madame Robin-Rodrigo. J'y ai été sensibilisé pour avoir travaillé avec le CEMAGREF dans le Sud-Est de la France et avoir fait ma thèse de doctorat à Grenoble. L'ONF doit continuer de jouer pleinement son rôle. Bruno Le Maire et Jean-Louis Borloo ont lancé une mission afin d'assurer la pérennité des actions RTM.

Monsieur Proriol, toutes les forêts domaniales et une grande partie des forêts communales sont déjà certifiées PEFC.

Un dernier mot sur Compiègne, monsieur Brottes. La décision de délocaliser le siège parisien de l'ONF à Compiègne, officialisée en mars dernier, avait déjà été prise depuis un certain temps. Il ne m'appartient pas de la commenter. Pour ce qui est de l'aliénation par l'ONF d'une parcelle lui appartenant au profit de la société des courses de Compiègne, il y a eu débat entre le ministère du budget et le ministère de l'agriculture. Un équilibre a pu être trouvé avec la garantie d'une reconstitution du potentiel forestier en dehors de l'hippodrome. Cela pose la question plus générale de la gestion à long terme des forêts domaniales, qui se trouve également posée après certaines restructurations militaires. De nombreuses communes font part de leur souhait de reprendre certaines zones forestières après la fermeture de certains sites. Il serait bon, me semble-t-il, de repréciser la doctrine. Je suis, comme vous, très attaché au respect de la lettre de la loi. Il faut une approche à la fois pragmatique, respectueuse du droit comme des enjeux à long terme, et permettant de trouver des équilibres territoriaux satisfaisants à la fois pour les élus locaux et pour l'État. C'est là encore par le dialogue qu'on y parviendra. Nous serons en tout cas très attentifs à l'avis des parlementaires.

Je vous prie de m'excuser si je n'ai pas répondu à toutes les questions qui m'ont été posées. Je tiens à vous redire combien notre échange a été intéressant pour moi. Vos observations me seront de la plus grande utilité si vous m'accordez votre confiance. Sachez que je serai en permanence à l'écoute des parlementaires et des élus locaux pour que nous relevions ensemble le triple défi économique, environnemental et sociétal de notre forêt.

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