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Intervention de Pascal Viné

Réunion du 10 novembre 2010 à 9h30
Commission des affaires économiques

Pascal Viné :

C'est un moment d'autant plus important pour moi que je suis le premier candidat à la direction d'un établissement public à être auditionné par votre commission dans le cadre de la nouvelle procédure. Je tiens à remercier le ministre de l'agriculture et le ministre d'État chargé de l'environnement d'avoir proposé mon nom pour ce poste de haute responsabilité qu'il serait un honneur pour moi d'occuper. Je ressens également une très grande émotion à m'exprimer devant votre commission où j'ai plutôt l'habitude que prenne la parole le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire, moi-même ne faisant que l'accompagner. Et c'est aussi une grande émotion pour le Lorrain que je suis, Vosgien de souche, qui a été bercé pendant toute sa jeunesse par les questions forestières, d'autant que l'École des forêts occupe à Nancy dont je suis originaire, une place toute particulière, d'être pressenti pour exercer les fonctions de directeur général de l'ONF

J'ai quarante-sept ans. Je suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, avec une formation de base d'agronome. J'ai fait l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts en 1987. Je suis également titulaire d'un doctorat en environnement de l'université de Grenoble, ce qui m'a amené à travailler sur la cartographie forestière, en particulier sur celle des feux de forêt dans le Sud-est de la France et sur les grands incendies de 1990 dans le massif des Maures. J'ai en particulier étudié l'incidence des feux de forêt sur le régime des eaux dans les bassins versants méditerranéens. J'ai également occupé divers postes en administration territoriale – dans le département de l'Eure –, en administration centrale et en cabinet ministériel. J'ai eu l'occasion de travailler avec bon nombre d'entre vous pour des missions que j'ai effectuées auprès de différents ministres et même Premiers ministres. Je suis actuellement directeur de cabinet de Bruno Le Maire, après avoir été directeur général d'un établissement public à caractère scientifique et technologique, le CEMAGREF, institut de recherche en environnement qui traite également des questions forestières, emploie 1 300 personnes et dispose d'un budget annuel de 100 millions d'euros.

Je me propose de vous brosser un rapide tableau de la situation de l'ONF et de vous dire comment je vois les choses si vous m'accordez votre confiance pour en occuper le poste de directeur général, auprès d'Hervé Gaymard, président du conseil d'administration, que je salue. L'Office national des forêts, créé en 1966, est une très grande institution. Établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère chargé de la forêt et du ministère chargé de l'écologie, il est au coeur des enjeux de développement territorial et de développement durable, à l'heure où le Grenelle de l'environnement invite à « produire plus tout en préservant mieux ». C'est un acteur majeur de la filière forestière puisqu'il assure la gestion durable de 4,7 millions d'hectares de forêts domaniales et communales sur le territoire métropolitain et 6 millions d'hectares outre-mer, et assure 40 % des approvisionnements annuels nationaux en bois. L'ONF exerce également des missions d'intérêt général. Aucune réflexion sur son avenir ne saurait faire abstraction du contexte global de l'ensemble de la filière bois et forêt, française et européenne, puisque les enjeux agricoles ou forestiers sont désormais européens.

Pour remplir ses tâches, l'ONF peut s'appuyer sur un ensemble d'agents compétents – 6 600 fonctionnaires et 3 200 ouvriers forestiers, qui représentent 9 500 équivalents temps plein –, connus par tous les Français. Cette vaste communauté de travail est au contact quotidien de toute une partie de la population sur l'ensemble du territoire national, métropolitain et outre-mer. L'ONF dispose d'un budget de 750 millions d'euros, dont 30 % des produits proviennent des ventes de bois et 60 % des dépenses sont des charges de personnel. C'est un établissement en évolution permanente. Depuis les tempêtes de 1999, une politique plus rigoureuse de maîtrise des coûts y a été mise en place. Les structures, notamment de pilotage et de soutien, ont été rationalisées. Il n'y a plus que neuf directions territoriales, au lieu de vingt et une directions régionales en 2001. Les agences territoriales ont également été réduites. L'ONF a participé à la révision générale des politiques publiques. Des élus se demandent d'ailleurs s'il pourra, dans ces conditions, continuer à assurer ses missions de service public avec la même qualité.

L'ONF a plusieurs défis majeurs à relever. Internes tout d'abord : l'établissement possède une longue histoire et une très forte culture, sur lesquelles nulle réflexion quant à son avenir ne peut faire l'impasse. Il faut de même tenir compte des inquiétudes exprimées par les personnels. Le président Hervé Gaymard a proposé à son arrivée à la présidence du conseil d'administration un audit social qui sera lancé, si vous m'accordez votre confiance, dès que je serai en poste.

L'Office doit aussi relever des défis externes. Du fait du régime forestier, l'un des piliers de son fonctionnement, l'Office travaille au quotidien avec les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui ont signé le contrat d'objectifs 2007-2011 – le président Hervé Gaymard propose qu'elles signent aussi le prochain contrat 2012-2016. Des protocoles particuliers sont aussi conclus avec les communes forestières, comme celui pour les mille chaufferies bois en milieu rural.

L'ONF est un acteur majeur de la filière forêt-bois. Un certain nombre de partenaires, parmi les coopératives, les experts forestiers, les scieries, les entreprises de deuxième transformation et de travaux forestiers, sont inquiets quant au rôle et au poids de l'Office. Qu'ils se rassurent : le rôle de l'ONF n'est pas de se substituer aux différents acteurs, mais d'assurer ses missions de service public, de mener des actions commerciales dans certains secteurs, et surtout d'être un partenaire et un facilitateur du développement de la filière. Que ce soit dans le cadre du Fonds stratégique d'investissement récemment créé ou lors d'événements tels que la tempête Klaus, l'ONF se tient aux côtés des acteurs de la filière.

Les axes importants de son action ont été tracées, aussi bien dans le discours d'Urmatt du Président de la République, qui s'appuyait sur les conclusions du rapport de M. Jean Puech, que dans le volet forestier de la récente loi de modernisation de l'agriculture et la révision générale des politiques publiques. Ces lignes fortes guideront l'action de l'ONF au cours des prochaines années. D'autres pistes ont aussi été ouvertes, notamment par Hervé Gaymard dans le rapport qu'il a rendu il y a quelques semaines au Président de la République et dont les propositions sont en cours de discussion interministérielle.

Beaucoup s'interrogent sur le modèle économique de l'Office. Mais le bois a le vent en poupe – bois industrie, bois d'oeuvre, bois énergie. C'est une fabuleuse opportunité. Le Grenelle de l'environnement a donné également de nouvelles perspectives à la filière : multiplier par dix l'incorporation du bois dans les constructions neuves, renforcer l'isolation thermique, développer l'usage du bois-énergie, sans parler du bois carbone… Il faudrait aussi s'intéresser davantage aux bâtiments en bois, trop peu nombreux en France.

L'ONF assure un service d'intérêt économique général (SIEG) de gestion des forêts publiques, validé par la Commission européenne en 2000. Son statut est donc parfaitement légitime et adapté. Le versement compensateur n'est nullement une aide d'État mais une contrepartie financière à l'exercice de missions de service public. La gestion des forêts publiques par un établissement unique permet une mutualisation, un regroupement de l'offre de bois et une stratégie d'investissement de très long terme permettant à la fois de valoriser au mieux ce patrimoine et le transmettre aux générations futures. L'ONF commercialise 13 millions de mètres cubes de bois, soit 37 % de la récolte totale en France, issus à peu près pour moitié des forêts domaniales et pour moitié des forêts communales. Depuis 1966, ce modèle de gestion a fait ses preuves, même si l'Office a été fortement déséquilibré par la crise économique de 2009, comme en attestent ses difficultés actuelles à redresser ses comptes. Il n'a pas empêché l'ONF d'avoir une démarche dynamique en matière économique, puisque celui-ci a créé des filiales, en particulier autour de l'énergie, mais aussi des marques communes, comme Forêt Énergie pour les plaquettes de bois. Ce modèle, qui a du sens et a montré son efficacité, n'en doit pas moins continuer à évoluer.

Au-delà de son importance économique, la forêt représente aussi un enjeu environnemental et social. Les forêts françaises accueillent chaque année 500 millions de visiteurs. L'ONF participe activement à la préservation de la biodiversité. Il a la certification environnementale ISO 14001 et l'ensemble des forêts domaniales sont sous label PEFC, le programme de reconnaissance des certifications forestières. Cinq cent mille hectares de forêts de l'ONF sont classés en réserve biologique et naturelle et 30 % des forêts publiques sont couvertes par Natura 2000. L'ONF tient toujours compte, dans ses aménagements forestiers, de l'impératif de préserver la biodiversité et les sols. Il est également confronté au défi majeur du changement climatique, puisque la forêt représente un paramètre-clé d'atténuation et d'adaptation en la matière.

J'en viens à la question du modèle de gouvernance de l'ONF. Certains trouvent le mécanisme actuel de décision un peu lourd – le conseil d'administration mérite sans doute d'être adapté, pour être plus réactif. Le rapport du président Gaymard formule des propositions dont il faut discuter. Lorsque j'étais directeur général du CEMAGREF, je travaillais aux côtés d'un président. Nous avons conclu en moins d'un an un contrat d'objectifs pour cinq ans. D'autres organismes fonctionnent, eux, avec un président-directeur général. L'essentiel me paraît résider plutôt dans l'entente entre le président et son directeur général. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut des règles de fonctionnement claires qui donnent leur rôle distinct aux tutelles, au conseil d'administration, à son président, au directeur général, aux organisations représentatives du personnel et à l'ensemble des partenaires.

Il faut une grande rigueur dans la méthode d'élaboration de la décision. J'y veillerai. La ligne stratégique a été fixée, je l'ai dit, dans le discours d'Urmatt. La voie pour y parvenir, c'est le contrat d'objectifs 2012-2016. Mon objectif dans les prochains mois sera de le mettre en place. Après le temps des études – les propositions sont aujourd'hui sur la table – il faudra prendre le temps du dialogue. Viendront ensuite le temps de la décision puis celui de la mise en oeuvre. Je serai très attentif au respect de toutes ces étapes, comme je l'ai été dans mes fonctions de directeur général du CEMAGREF ou de directeur de cabinet de Bruno Le Maire. L'ONF a besoin de visibilité et de stabilité. C'est ce que je me propose de lui donner avec votre aide, avec celle du président Hervé Gaymard et avec celle de l'ensemble des personnels de l'établissement.

Si vous m'accordez votre confiance, outre conclure le contrat d'objectifs, il me faudra établir très vite des contacts. Une réunion est prévue dès décembre avec l'encadrement de l'établissement. Des rencontres devront aussi avoir immédiatement lieu avec les organisations syndicales et sur le terrain. Si je connais les enjeux forestiers, je n'ai jamais travaillé à l'ONF et la première des choses à faire me semble de rencontrer les acteurs au plus près du terrain, en métropole et outre-mer. Il faudra également rencontrer les partenaires de la filière, transformateurs, propriétaires privés ou organisations non gouvernementales, que j'ai déjà eu l'occasion de recevoir plusieurs fois dans l'exercice de mes fonctions actuelles. Enfin s'ouvrira tout aussi vite la discussion du budget, enjeu crucial pour l'établissement.

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