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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 10 novembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Au nom de tous mes collègues du groupe SRC, je voudrais dire combien cette proposition de loi, dont je suis cosignataire, est novatrice et intéressante. Elle pose dans sa globalité un problème qui avait été débattu en 2009 lors de la discussion de la loi pénitentiaire et s'inscrit dans le prolongement de ce que, à l'issue d'une commission mixte paritaire productive, la loi pénitentiaire avait posé comme principes.

L'État est de plus en plus souvent condamné, tant au niveau européen que par la justice administrative, pour l'indignité des conditions de détention dans notre pays. C'est ainsi encore qu'un jeune homme qui avait été violé en 2001 par un codétenu, dont l'administration pénitentiaire ne pouvait ignorer la dangerosité, vient de se voir accorder une indemnisation de 10 000 euros – qui ne réparera évidemment pas son traumatisme.

Les gouvernements successifs ont lancé un programme, en voie d'achèvement, de 13 200 nouvelles places, auxquelles le Président de la République, dans un mouvement un peu inconsidéré, a ajouté 5 000 autres. Cela fait donc au total 18 000 places. Mais Mme la garde des sceaux elle-même a reconnu que si les nouvelles places apportent davantage de confort matériel, en revanche elles posent problème sur le plan de l'humanisation des prisons, tant pour les détenus que pour le personnel pénitentiaire – d'autant que les nouveaux établissements sont souvent très éloignés des centres urbains, ce qui, notamment, ne facilite pas les rapports avec la famille.

À ce programme de construction s'ajoute un programme de rénovation complète de 12 000 places, que nous n'avons jamais critiqué tant la situation est indigne.

Comme l'a dit notre collègue Raimbourg, – et il faut évoquer aussi la situation particulièrement difficile de l'outre-mer –, l'encombrement des prisons entraîne inégalités, mauvaises conditions de détention et difficultés de réinsertion. Ce que l'administration pénitentiaire pratique déjà, et depuis longtemps, en établissement pour peines et particulièrement en maison centrale, à savoir ce qu'il est convenu d'appeler un numerus clausus, mais qui est tout simplement l'adéquation entre les places et les besoins, reste impossible dans les maisons d'arrêt – où, je le rappelle, environ un tiers des détenus sont des prévenus, les autres étant condamnés à de courtes peines.

Voulons-nous allègrement piétiner une grande avancée de la loi pénitentiaire, la réaffirmation du principe de l'encellulement individuel ? On constate aussi, en dépit de ce que nous avions voté, le faible nombre de détenus en activité professionnelle ou en formation : pas plus du tiers au total, et certainement moins dans certains établissements. N'oublions pas non plus les difficultés du personnel pénitentiaire, souvent confronté à des détenus manifestant des troubles psychiatriques qui, à l'évidence, ne peuvent être qu'aggravés par la promiscuité.

Bref, nous avons toutes les raisons de souscrire à cette proposition de loi. Elle est équilibrée, mesurée, respectueuse des individus, mais aussi des juges – puisque, comme il est écrit dans l'exposé des motifs, le mécanisme proposé vise notamment à assurer « la mise à exécution immédiate de toute peine d'emprisonnement ». Elle n'est nullement laxiste, mais répond à la volonté que les peines soient exécutées dans des conditions dignes. Elle donne la place qui convient au service d'insertion et de probation et au juge de l'application des peines. Elle traduit une réelle volonté de prévention de la surpopulation pénitentiaire, sans se limiter à une déclaration de principe.

J'observe au passage que les lois sur les peines planchers et sur la récidive ont provoqué une forte augmentation du nombre des entrées pour de courtes peines. Par voie de conséquence, beaucoup de personnes condamnées – on parle de 30 000 à 40 000 – n'ont pas exécuté leur peine faute de place. La victime d'une agression peut ainsi continuer à croiser dans la rue son agresseur, pourtant condamné : c'est pour le moins curieux comme résultat, venant d'une majorité qui se prétend sécuritaire.

Ce texte apporte des solutions, sans obliger à construire toujours plus de places de prison – je rappelle que la journée coûte 80 euros, contre 15 euros pour un détenu non hébergé. Si l'on veut que la prison soit utile au détenu et à la société, il faut voter cette proposition de loi.

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