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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 10 novembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, rapporteur :

Nous savons tous que la France est confrontée au problème de la surpopulation carcérale. La situation s'est un peu améliorée dans la période récente, en raison de l'augmentation du nombre de places et du développement des aménagements de peine. Néanmoins la surpopulation demeure : au 1er octobre 2010, on dénombrait 41 041 détenus pour 34 000 places dans les maisons d'arrêt. Le cas des établissements pour peines est différent puisqu'on y pratique le numerus clausus : un détenu ne peut y entrer qu'à la condition qu'une place soit vacante. Dans les maisons d'arrêt, la situation est très inégale, mais la surpopulation atteint à certains endroits un niveau difficilement supportable : en Vendée, l'un des départements les plus touchés, on compte 101 détenus pour 40 places à la maison d'arrêt de La Roche-sur-Yon, et 99 détenus, également pour une quarantaine de places, à celle de Fontenay-le-Comte.

Cette situation rend le travail de réinsertion extrêmement difficile, de même que le travail des surveillants. J'ai visité hier la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, où on dénombre 750 détenus pour 500 places. Le personnel pénitentiaire est tellement habitué à cette situation qu'il considère qu'elle devient insupportable seulement lorsqu'on frôle les 1 000 détenus et qu'il faut mettre trois lits dans une cellule de 10 mètres carrés. Je me suis fait ouvrir une cellule de 10 mètres carrés avec trois lits : j'ai constaté – il faut l'avoir vu pour le réaliser – qu'il était impossible à trois personnes d'être debout en même temps.

La proposition de loi que je vous présente a donc pour but d'instaurer un double mécanisme.

Lorsqu'un détenu arrive en surnombre, nous proposons que celui qui est le plus proche de la fin de peine bénéficie de l'un des deux aménagements votés dans la loi pénitentiaire, à savoir l'aménagement de peine simplifié et la procédure de fin de peine sous bracelet électronique. Cela sera toujours possible puisque, selon les informations fournies par l'administration pénitentiaire, dont la coopération a été parfaite, la proportion des détenus qui sont à moins de trois mois de la fin de leur peine est de 21 %.

En deuxième lieu, nous proposons d'instaurer un mécanisme de libération conditionnelle à deux tiers de peine. Cette libération conditionnelle dite « automatique » serait applicable sauf avis contraire du juge d'application des peines. Ce mécanisme existe en Angleterre – où la libération est prévue à mi-peine –, en Belgique et en Finlande. Le rapport 2009 de l'administration pénitentiaire rappelle que la libération conditionnelle, qui n'est accordée qu'à 7 000 détenus par an, sur les 85 000 sortants, pourrait être rendue plus attractive si un mécanisme de ce type était mis en place. C'est dire que cette administration, intellectuellement au moins, n'est pas opposée à ce système.

En retenant cette double solution, on éviterait dans la plupart des cas les sorties sèches. Celles-ci ne se produiraient que dans le cas de détenus proches de la fin de peine qui refuseraient un aménagement – ce qui n'est pas une hypothèse d'école, certains délinquants préférant éviter tout contrôle.

La première objection que l'on peut nous faire est, sur le plan des droits de l'homme, que le système proposé revient à mettre en place un contrôle social. C'est vrai. Mais c'est précisément le but et cela n'a rien d'anormal, puisque l'on est dans le cadre d'une peine.

Certains pourraient nous dire qu'une partie de l'opinion est très attachée au fait que les peines soient exécutées jusqu'au bout : je crois que ce n'est pas exact. L'opinion, me semble-t-il, nous demande d'être efficaces dans la lutte contre la délinquance et contre la récidive ; mais dès lors que nous mettons en place des mécanismes de contrôle, elle peut nous soutenir si nous prévoyons qu'une partie de la peine va s'exercer à l'extérieur.

Autre critique possible : la rupture d'égalité, dès lors que la durée de la peine varie selon l'encombrement de la maison d'arrêt. C'est vrai, mais l'exécution de la peine n'est-elle pas, d'ores et déjà, différente selon que la maison d'arrêt est ou non surpeuplée ? Ce n'est pas du tout la même chose d'exécuter une peine dans une prison où il y a un détenu par cellule, ou dans une autre où il y a trois détenus par cellule… La rupture d'égalité me paraît donc un argument recevable sur le plan théorique, mais à écarter dans la pratique. On peut d'ailleurs ajouter que la façon dont on est jugé varie elle-même selon les tribunaux.

Les dispositions que nous proposons pourraient aussi être considérées comme laxistes. Mais ce n'est pas le cas, dès lors qu'elles ne concernent en rien l'entrée en prison : elles n'empêchent nullement de mener une politique pénale très ferme. Ce n'est pas l'entrée qui est visée, mais la sortie.

Enfin, on pourrait nous reprocher de vouloir mener une politique onéreuse. Non : alors qu'un détenu hébergé coûte 80 euros par jour, un détenu non hébergé coûte 15 euros par jour. Par ailleurs, si l'on observe les condamnations prononcées par les tribunaux administratifs à l'encontre de l'État pour conditions de détention contraires à la dignité, on constate qu'en 2008, où il y a eu un seul cas, le détenu a obtenu une indemnisation de 3 000 euros, tandis que les 30 détenus qui ont obtenu une indemnisation en 2010 ont reçu à eux tous un total 140 250 euros : ce n'est pas grand-chose comparé au budget de la justice mais, outre le fait qu'il est regrettable pour l'État d'être condamné pour conditions de détention indignes, l'argent que l'on consacre à ces indemnisations pourrait, si l'on décidait d'appliquer le mécanisme de prévention de la surpopulation pénale que je vous propose, être mieux utilisé ailleurs.

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