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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 10 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

La mission dont vous nous proposez d'approuver les crédits, si elle présente le caractère d'un document comptable de nature très technocratique, s'adosse à une question très politique, celle de la gestion budgétaire.

C'est particulièrement vrai de la gestion de la dette publique.

Depuis 2007, la dette a progressé de près de vingt points de PIB. Pour 2011, le Gouvernement prévoit une augmentation de la dette publique de 3,3 % passant de 82,9 % à 86,2 % du PIB, résultant pour trois points du déficit public et pour 0,3 point de l'effet des flux de créances de l'année.

Le risque est aujourd'hui que ces dérapages conduisent, comme la Cour des comptes l'a souligné pour s'en alarmer à de multiples reprises, à une situation où la dette serait hors de contrôle.

La Cour des comptes a observé dans son rapport public annuel de janvier 2010 que la hausse du déficit en 2009 était principalement imputable à la crise, mais qu'elle avait aussi été aggravée, structurellement, par une maîtrise insuffisante des dépenses et des mesures de baisse durable des impôts.

Pour notre part, nous jugeons l'emballement de la dette dangereux pour trois motifs.

Le premier de ces motifs est que la dette ne résulte pas de dépenses excessives, comme le Gouvernement voudrait nous le faire croire. La dette a été principalement engendrée par les cadeaux fiscaux accordés au fil des ans et qui ont à peu près exclusivement bénéficié aux entreprises et aux plus favorisés, sans aucune contrepartie identifiable, notamment en termes d'investissement et de création d'emploi. Je fais référence à l'article paru ce matin dans le quotidien Libération.

Le second motif d'inquiétude est que le scénario proposé par le Gouvernement d'une réduction de la dette à compter de 2013 repose, comme le souligne notre rapporteur, sur des prévisions macroéconomiques particulièrement optimistes. Elles supposent en effet, rappelle-t-il, un « retour de la croissance économique à 2,5 % en volume dès 2012 ». Cette hypothèse semble fantaisiste si l'on veut bien se rappeler que la croissance n'a jamais excédé 1,5 % depuis 2002. Autant dire que cette hypothèse repose sur la méthode Coué qui prévaut depuis le début de la crise.

Cette hypothèse paraît d'autant moins étayée que nous avons tout à craindre des effets du plan de rigueur sur la croissance et l'emploi. Car conformément à l'engagement pris par les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro le 7 mai dernier, l'heure est aux coupes sombres dans les crédits.

Comme le souligne très justement notre collègue Dominique Baert : « le tabou régnant autour de toute idée de relèvement de la pression fiscale conduit le Gouvernement à faire porter l'essentiel de l'ajustement budgétaire annoncé pour 2011-2013 sur la limitation des dépenses publiques. » Un « ajustement gigantesque », si vous me permettez l'oxymore, puisque le Gouvernement propose une réduction drastique du déficit public qui passerait de 7,7 % en 2010 à 2 % en 2014.

Ce sont là des chiffres que l'on peut mettre en doute mais qui ne sont en réalité avancés que pour servir de prétexte à de nouvelles restrictions budgétaires : gel des salaires de la fonction publique ; gel des dotations aux collectivités locales, qui assurent 75 % de l'investissement public ; ou encore réduction massive des emplois dans la fonction publique, au risque d'une nouvelle détérioration du fonctionnement des services publics.

Nous considérons pour notre part que priorité doit être accordée à la réduction des cadeaux fiscaux consentis ces dernières années.

Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur « entreprises et niches fiscales et sociales » a ouvert des pistes.

Selon ce récent rapport, les 293 « niches » applicables aux entreprises ont représenté un manque à gagner pour les finances publiques de 35,3 milliards d'euros en 2010. S'ajoutent à ces dépenses fiscales, les nombreux dispositifs dérogatoires qui ont été déclassés en 2006. Leur poids est plus de deux fois supérieur à celui des niches proprement dites et s'élèverait à 71,3 milliards d'euros en 2010, contre 19,5 milliards d'euros en 2005. Nous voyons là qu'il y a matière à réaliser d'importantes économies !

Plusieurs centaines de milliards d'euros de nouvelles dépenses fiscales, demeurées pour la plupart sans effets tangibles sur la croissance et l'emploi, ont été gaspillés depuis 2002.

Une vraie réponse passe donc par une véritable réforme fiscale qui reviendrait sur les acquis antisociaux, pour reprendre une expression de l'économiste Michel Husson.

L'urgence d'une telle réforme nous invite à exprimer aujourd'hui un vote de défiance. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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