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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission de la défense et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet :

Mes observations, monsieur le secrétaire d'État, porteront à la fois sur la méthode et sur le fond.

Quant à la méthode, le président Guy Teissier a justement fait remarquer que c'est la première fois que le budget des anciens combattants est examiné en commission élargie, et non dans l'hémicycle. Ce n'est pas là un point de détail à mes yeux. Le budget des anciens combattants n'est pas un budget comme les autres : il traduit un droit imprescriptible à réparation et un devoir de mémoire. D'autres l'ont dit avant moi : les anciens combattants ont des droits sur nous et sur la représentation nationale. Pour ma part, je m'honorais que nous débattions de ce budget dans l'hémicycle. Ce n'est pas un faux procès que je vous fais : c'est le constat d'un état de choses que je déplore.

Je déplore également les délais qui enferment l'examen de ce budget, comme d'autres, ou encore l'absence de bleu papier, le bleu dématérialisé ne nous ayant quant à lui été accessible que la veille du dépôt des amendements. Siégeant depuis quelques années dans cette assemblée, je pense qu'il est temps que nous reconnaissions, les uns et les autres, que ce ne sont pas là de bonnes conditions de travail, surtout lorsqu'on affiche la volonté de renforcer les droits du Parlement…

Quant au fond, votre affirmation selon laquelle, face à la crise, les anciens combattants devraient participer à l'effort est sujette à débat. Non qu'on puisse nier l'existence d'une crise et la nécessité de consentir des efforts et de les répartir équitablement – même si le sens de cette notion est débattu sur l'ensemble de ces bancs. En revanche, à la question de savoir si les anciens combattants doivent être appelés à participer à cet effort, ma réponse est non : comment pourrait-on les appeler à la réduction des déficits publics alors qu'ils ont déjà tout donné, sans compter, jusqu'à payer le prix du sang ? S'il est légitime qu'ils contribuent à l'effort commun en tant que citoyens, en tant qu'anciens combattants ils ne sauraient être traités de la même façon que les autres.

C'est précisément parce qu'il ne s'agit pas d'un budget comme les autres que nous devons veiller à son exécution avec un soin particulier. En tant que traduction de la reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants, ces sommes doivent être effectivement affectées aux anciens combattants. Quand, pour des raisons démographiques ou autres, ce budget n'est pas intégralement consommé, nous devons veiller à ce que les crédits soient redéployés au bénéfice des anciens combattants. Je salue de ce point de vue l'initiative du Président Teissier de charger une commission du suivi de l'exécution du budget de la défense, et je serais heureux si nous profitions de cet examen en commission élargie pour décider d'étendre cette initiative au budget des anciens combattants. Cela nous permettrait d'évaluer, année après année et en cours d'année, l'exécution de ce budget et apporter les corrections nécessaires pour que les anciens combattants bénéficient effectivement de l'intégralité de la reconnaissance votée par la Nation à travers la représentation nationale.

La retraite du combattant est précisément la première reconnaissance de la nation envers les anciens combattants. Sans vouloir entrer dans une polémique stérile, je voudrais rappeler l'engagement pris par la nation, et par nous tous, envers les anciens combattants : la retraite du combattant devait atteindre les 48 points d'indice en 2012. Or voilà que vous nous expliquez que du fait de la crise, elle ne serait revalorisée que d'un point en 2011. À ce rythme, comment serait-il possible d'atteindre l'objectif en 2012 ? Faut-il comprendre que c'est impossible dès lors que vous nous renvoyez à 2013 ? Comme on dit dans ma campagne, d'une manière certes un peu triviale, « on ne compte pas lesoeufs dans le cul de la poule » : tenons-nous en à 2011, au plus tard à 2012. Sera-t-on alors aux 48 points, oui ou non ? Si on ne doit pas y être, il faut le dire, et il faut expliquer pourquoi, alors que certains crédits pourraient être redéployés : nous le devons aux anciens combattants.

La question de la campagne double est un débat en soi. À l'inverse de la campagne simple, qui bénéficie à la majorité des anciens combattants, la campagne double n'est attribuée qu'aux anciens combattants fonctionnaires et assimilés pour le temps passé sous l'uniforme en temps de guerre. Or ce n'est que depuis 1999 que la loi reconnaît aux événements d'Algérie la qualité de guerre, et cela à l'initiative, comme vous l'avez vous-même souligné, de la majorité parlementaire de l'époque. Selon la décision du Conseil d'État que vous avez évoquée, le bénéfice de la campagne double devait être attribué à tous ces anciens combattants ayant participé à des opérations de guerre, à charge pour vous de vérifier la réalité de cette participation. Je doute qu'on dispose de tous les journaux de marche et que ceux-ci mentionnent toutes les actions de combat, le critère des quatre mois de présence ayant été retenu précisément parce qu'on était incapable de déterminer le nombre de jours passés au combat. Si les journaux de la gendarmerie sont les plus complets de ce point de vue, celle-ci n'était pas présente sur tous les lieux de combat. C'est pourquoi je vous avais demandé par le biais d'une question écrite de m'indiquer le nombre d'anciens combattants éligibles à la campagne double, et celui de ceux qui en bénéficieront effectivement.

En outre, la plupart de ces anciens combattants d'Afrique du Nord ayant liquidé leur retraite avant 1999 – cela concerne, non seulement des cheminots, mais également des infirmiers hospitaliers, des fonctionnaires de police, des postiers, etc. – qui bénéficiera en définitive de ce décret ? Là non plus, monsieur le secrétaire d'État, je ne cherche pas à vous faire un mauvais procès en soulevant cette difficulté, évoquée par le Conseil d'État lui-même. Je constate simplement que, du fait du traitement particulier qu'on réserve aux anciens combattants d'Algérie, très peu d'entre eux bénéficieront effectivement de la campagne double, à laquelle tous les combattants des autres conflits ont droit. Il me semble que tout ce qui touche à cette guerre est déjà suffisamment complexe pour qu'on n'aggrave pas encore ces difficultés. Si la loi de 1999 a omis de tirer toutes les conséquences de la reconnaissance de la situation de guerre, le Parlement ne devrait-il pas prendre l'initiative de rectifier le tir ?

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