Mesdames et Messieurs les députés, je vois derrière le visage de chacun d'entre vous une route, un port, un aéroport ou une aérogare qui vous tiennent à coeur… (sourires) et je remercie le président Jacob de son invitation.
J'en viens à l'avant-projet de SNIT, présenté le 12 juillet dernier au Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE), au sein duquel siègent Serge Grouard pour l'Assemblée nationale et Bruno Sido pour le Sénat. Cet avant-projet représente la première mouture d'un document d'orientation qui dessine la politique d'infrastructures de notre pays pour les trois prochaines décennies. Le SNIT définit des axes prioritaires pour aménager les réseaux de transport selon une stratégie multimodale. Si chaque mode a un rôle à jouer, la priorité est clairement donnée aux alternatives à la route et à l'aérien. Conformément aux engagements du Grenelle de l'environnement dont Jean-Louis Borloo a présenté ce matin une première évaluation, la part des transports ferroviaires, maritimes et fluviaux doit, d'ici à 2022, passer de 14 % à 25 %.
A ce stade de son élaboration, les propositions du SNIT se déclinent en près de 60 actions, dont 26 projets ferroviaires, 9 projets portuaires, 3 projets fluviaux et 19 projets routiers. Tous sont jugés prioritaires à moyen terme.
Le schéma national comporte des projets de LGV, tels que Sud-Europe-Atlantique (SEA), Rhin-Rhône et Provence Alpes Côte d'Azur, de fret ferroviaire avec l'électrification de la ligne Serqueux-Gisors ou la création du Lyon-Turin, ou encore de transport fluvial, comprenant notamment la desserte des grands ports maritimes ou le canal Seine-Nord-Europe. Il inclut également les projets de transports collectifs urbains, dans le cadre du Grand Paris en Ile-de-France et des appels à projets de transports collectifs en site propre (TCSP) dans les régions. Le SNIT comprend en outre des projets d'optimisation du transport aérien, de lutte contre le désenclavement et de sécurité routière.
Le SNIT ne mentionne pas les dix projets routiers ayant d'ores et déjà fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique (DUP), tels que l'A 45 entre Lyon et Saint-Etienne ou l'A 831 Bordeaux-Saintes-Nantes. Contrairement à ce qu'ont pu laisser entendre certains organes de presse régionaux, ces projets ne sont pas abandonnés ; c'est bien parce qu'ils sont déjà engagés qu'il n'était pas nécessaire de les faire figurer dans l'avant-projets. Toutefois, en vue de donner plus de lisibilité au schéma, ces projets dits « coups partis » seront intégrés dans la version consolidée.
Pour figurer dans le SNIT, les projets d'infrastructures doivent être structurants et présenter une envergure nationale ou au moins régionale. Ce qui relève déjà des CPER ou des PDMI – comme la RN 164 en Bretagne – n'a pas vocation à l'intégrer. Je tenais, Mesdames et Messieurs les députés, à vous livrer cette « méthode de lecture » du SNIT pour prévenir tout malentendu.
Ayant pour but de développer les alternatives à la route, le SNIT ne retient qu'assez peu de projets de construction de routes nouvelles. C'est ainsi que ne figurent plus dans l'avant-projet 900 kilomètres de programmes d'infrastructures routières arrêtés lors du CIADT de décembre 2003, d'où un possible redéploiement de 15 milliards d'euros vers les autres modes.
Je tiens également à rappeler que le SNIT est un schéma d'infrastructures de l'État, qui n'intègre pas les projets relevant de la compétence des autorités organisatrices de transport (AOT) ou d'opérateurs privés. Reste le cas des autoroutes de la mer, qui se situent pour ainsi dire à la limite du SNIT, et des grandes gares ferroviaires, que je souhaite voir figurer dans la version consolidée du schéma en tant que grands équipements structurants.
Le SNIT est un document d'orientation et non un outil de programmation, car celle-ci relève de la responsabilité conjointe de l'État et du Parlement. La concertation en cours débouchera sur un projet consolidé, chaque projet retenu devant ensuite faire l'objet d'un passage devant le CNDDGE, d'une DUP et d'un plan de financement.
Le schéma national évalue à 170 milliards d'euros le montant des investissements à réaliser au cours des 20 à 30 prochaines années. Au regard des engagements financiers antérieurs, ce chiffre me semble tout à fait réaliste puisqu'il correspond à un investissement public annuel de 4 milliards durant 25 ans, ce qui est l'équivalent de la dotation accordée chaque année par l'État et les collectivités à l'AFITF depuis 2008.
Réaliste, ce programme d'investissements n'en reste pas moins extrêmement ambitieux et sa réalisation profitera de l'introduction dès 2012 de l'éco-redevance poids lourds, laquelle générera une recette annuelle au profit de l'AFITF d'environ 1,2 milliard d'euros.
S'agissant du SNIT, rien n'est encore figé et les concertations en cours avec les élus ont déjà permis des ajouts importants. La version consolidée sera plus robuste que celle que vous connaissez déjà. Prochainement, le document sera l'objet d'échanges interministériels, d'une consultation des élus locaux, du Conseil économique social et environnemental (CESE) – dont la mise en place aura été plus tardive que prévu – et, avant la fin de l'année, d'un débat public au Parlement. Ce calendrier permet d'augurer la mise au point définitive du schéma national dans les tout prochains mois.
J'en viens au deuxième thème de mon intervention qui porte sur la mise en application de la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) et portant diverses dispositions relatives aux transports. Qu'il me soit tout d'abord permis de saluer une nouvelle fois l'excellence de la collaboration entre le Parlement et le Gouvernement, et de remercier votre rapporteur, Yanick Paternotte, de s'être autant impliqué dans le traitement de sujets qu'il connaît bien. Quant à la mise en place rapide d'une mission d'information conduite par MM. Paternotte et Bono pour veiller à sa bonne application, c'est du bon travail parlementaire ! Il est bien d'aller aussi vite dans ce qu'il est convenu d'appeler, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le « service après-vote ».
Cette loi permet notamment d'ouvrir à la concurrence certains services internationaux de voyageurs, sous le contrôle d'une autorité de régulation, l'ARAF, dont le Secrétaire général, Michel Vermeulen, est aujourd'hui présent parmi nous. Ce faisant, le texte met la France en conformité avec le règlement européen OSP du 23 octobre 2007, notamment pour ce qui concerne l'organisation des transports collectifs de voyageurs en Ile-de-France.
Comme l'a prévu la loi « Grenelle II », l'ARAF sera pleinement opérationnelle à compter du 2 décembre prochain. Je remercie Pierre Cardo d'en avoir accepté la présidence, de même que les autres membres du collège de l'Autorité nommés par un décret du 20 juillet dernier : M. Dominique Bureau, désigné par le président de l'Assemblée nationale, M. Jacques Bernot, désigné par le président du Sénat, M. Daniel Tardy, désigné par le président du CESE, ainsi que MM. Jean Puech, Claude Martinand et Henri Lamotte, toutes personnes expérimentées et fines connaisseuses du secteur de la concurrence.
Au plan juridique, l'installation de l'ARAF a été finalisée par la publication de deux décrets et d'un arrêté. Le décret du 1er septembre 2010 porte sur l'organisation et le fonctionnement de l'autorité ; il adapte les procédures existantes en soumettant la fixation des redevances d'infrastructure liées à l'utilisation du réseau ferré national – les péages – à l'avis conforme de l'ARAF et en précisant le régime applicable aux recours contre les décisions de l'autorité devant la Cour d'appel de Paris. Un autre décret fixe au Mans le siège de l'ARAF. Enfin, l'arrêté du 7 octobre dernier rend opérationnel le dispositif assurant le financement de l'autorité publique indépendante. Sur le réseau ferré national, il s'agit d'un droit perçu à partir d'une assiette sur les péages ; cette ressource garantit l'autonomie financière de l'ARAF, gage de son intégrité et de son indépendance.
L'article 1er de la loi du 8 décembre 2009 ouvre à la concurrence les services internationaux de transport ferroviaire de voyageurs à compter du 13 décembre 2009 et autorise le cabotage sous deux conditions strictes : l'objet principal du service doit rester international et l'équilibre économique des services existants ne doit pas être compromis par l'activité de cabotage.
Le décret du 24 août 2010 définit quant à lui la procédure que doit suivre toute entreprise ferroviaire exploitant en France un service international de transport ferroviaire de voyageurs comprenant des dessertes intérieures ou candidate à l'exploitation d'un tel service. Comme vous le constatez, nous n'avons pas tardé dans la prise des décrets d'application et nous sommes à ce jour quasiment au point !
Les candidats à l'entrée sur le marché ne se sont pas pressés. Trenitalia a présenté sans le finaliser un projet de liaison Milan-Lyon-Paris et la Deutsche Bahn manifeste un intérêt soutenu pour nombre de projets, en particulier la liaison Rhin-Rhône qui lui offrirait de nouveaux débouchés ou la liaison Francfort-Londres.
Le projet de décret relatif au fonctionnement de la direction des circulations ferroviaires (DCF) de la SNCF est en cours d'examen devant le Conseil d'État. Ce service joue un rôle essentiel puisqu'il est chargé de veiller, selon les principes définis par RFF, au respect des règles d'une concurrence libre et loyale entre opérateurs. Le directeur de ce service, M. Bertrand, qui est un ancien dirigeant d'Eurotunnel, sera bientôt nommé. Un second décret, qui prévoit que la gestion des gares est assurée par une direction autonome de la SNCF, sera publié début 2011 : l'enjeu est de définir le modèle économique des gares, à destination des AOT, de RFF et de la SNCF elle-même. Le Conseil d'État en sera saisi dans les prochaines semaines.
J'en viens aux transports collectifs de voyageurs en Ile-de-France. Deux projets de décrets précisent les évolutions du rôle de la RATP et du STIF. Le premier porte sur les missions de gestionnaire d'infrastructures exercées par la RATP et sur les transferts d'actifs entre le STIF et la RATP. Le second traite de l'organisation des services de transport en Ile-de-France et sera prochainement transmis au Conseil d'État.
La loi prévoit également la remise de deux rapports au Parlement : le premier, relatif aux modalités et à l'impact d'un transfert à RFF des gares de fret, sera transmis prochainement ; le second, censé présenter des solutions pour le remboursement de la dette de RFF nécessite un travail préalable de révision de la trajectoire économique de l'EPIC, suite à la crise économique de 2009.
La loi ORTF comporte également plusieurs dispositions relatives au transport routier, en matière de concessions autoroutières et de régulation du transport routier.
Le décret portant les conditions du transfert de la RN 205 à la société « Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc » (ATMB) a été publié le 28 avril 2010 pour un transfert effectif au 1er mai. Cette opération permet au département de la Haute-Savoie de disposer d'une infrastructure routière et autoroutière concédée cohérente dans son exploitation.
Le décret relatif au cabotage et au détachement dans les transports routiers et fluviaux est intervenu le 19 avril dernier. Il dote les autorités d'un pouvoir de contrôle qui permettra de stabiliser le secteur.
Le décret autorisant des dessertes routières intérieures d'intérêt national dans le cadre de services réguliers internationaux de voyageurs est en cours de signature après avoir reçu un avis favorable du Conseil d'État. Je rappelle que ces services, de type Eurolines, ont démontré tout leur intérêt et leur réactivité lors de l'épisode du volcan islandais.
Au final, il y a lieu de se féliciter du travail accompli. Sur onze décrets concernant le secteur ferroviaire, sept ont été publiés et un, nominatif, est sur le point de l'être. S'agissant des transports collectifs en Ile-de-France, les deux décrets d'application seront pris cette année. En ce qui concerne le transport routier, sur cinq décrets, deux ont paru et trois sont imminents.