Madame la rapporteure spéciale, messieurs les rapporteurs pour avis, comme vous l'avez souligné dans vos interventions, dont je veux vous remercier, ce ministère incarne notre pacte républicain et s'inscrit de plus en plus dans une politique européenne partagée, comme l'a également souligné M. Rudy Salles.
Ce budget respecte quatre grandes priorités.
Premièrement, maintenir notre tradition d'accueil et garantir le droit d'asile dans un contexte, rappelé par plusieurs orateurs, de forte augmentation du nombre de demandeurs.
Deuxièmement, maintenir l'équilibre entre humanité et fermeté, par la maîtrise des flux migratoires et la lutte contre l'immigration irrégulière.
Troisièmement, poursuivre une politique résolue d'intégration.
Quatrièmement, renforcer notre politique de développement solidaire avec les pays sources d'immigration.
La première priorité est donc le maintien de notre tradition d'accueil. L'asile a un coût, vous l'avez tous rappelé, mesdames et messieurs. Il représente plus de la moitié des dépenses de ce ministère. La France reste fidèle à sa tradition républicaine d'accueil des réfugiés. Elle est le premier pays en Europe et le deuxième dans le monde par le nombre de demandes reçues. Comme vous l'avez noté, et je réponds en même temps aux préoccupations légitimes d'Étienne Pinte, l'année 2010 voit la demande d'asile croître de plus 8,5 % : ce seront cette année près de 50 000 personnes qui viendront demander l'asile en France, contre 35 500 en 2007.
Cette tradition d'accueil est menacée par ceux qui y voient une porte ouverte à l'immigration irrégulière.
Face à une telle situation, seules des solutions européennes et internationales coordonnées permettront d'éviter une concentration de la demande d'asile sur un nombre limité de pays, à commencer par le nôtre. C'est le sens des propositions faites ces derniers mois à nos partenaires européens.
Conséquence directe de cette augmentation des flux, et malgré le renforcement des moyens financiers de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la professionnalisation de la Cour nationale du droit d'asile, les délais de traitement des dossiers se sont accrus fortement pour atteindre presque quatre mois devant l'OFPRA et plus de quinze mois devant la CNDA.
Le Gouvernement a donc décidé d'augmenter à nouveau en 2011 les moyens de l'OFPRA. Celui-ci bénéficiera de 30 agents contractuels pendant dix-huit mois, et la CNDA de 50 emplois sur trois ans, dont 20 dès l'an prochain.
J'ajoute que le projet de loi que vous avez récemment adopté en première lecture devrait mettre fin à la possibilité de demander l'aide juridictionnelle le jour même de l'audience, ce qui provoquait de nombreux reports d'audience.
La réduction des délais permet de donner une réponse plus rapide aux demandeurs. Elle est également source d'économies, estimées à plus de 10 millions d'euros par mois de délai gagné. Ainsi, si la CNDA parvient, sur trois ans, à ramener ses délais à six mois comme elle l'escompte, c'est une économie proche de 100 millions d'euros qui serait envisageable.
Pour faire face à la saturation de nos capacités d'accueil et d'hébergement, nous avons prévu des moyens significatifs, avec près de 21 700 places en centre d'accueil des demandeurs d'asile et des crédits d'hébergement d'urgence portés à 40 millions d'euros. Si ces moyens se révélaient insuffisants, nous avons la garantie de recevoir en gestion les crédits nécessaires.
Deuxième priorité, il nous faut mener une politique déterminée de lutte contre l'immigration illégale pour conforter la maîtrise des flux migratoires.
Le principe doit être que les étrangers sans visa ni titre de séjour n'entrent pas sur notre territoire et que tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine.
Nous continuons donc à lutter contre les filières qui organisent cette immigration irrégulière, qui en profitent et en abusent. Ainsi, sur les huit premiers mois de l'année, 128 filières ont été démantelées, soit une augmentation de 34,7 %, et les interpellations de trafiquants de migrants ont progressé de 13 %. Le nombre d'éloignements de migrants en situation irrégulière, 19 042, est, quant à lui, conforme à nos prévisions de 28 000 reconduites.
Comme vous l'avez perçu, ce volontarisme n'exclut pas des efforts d'économie, déjà réalisés sur le coût du transport dans le cadre des reconduites. Nous allons également travailler à une réduction du coût de fonctionnement des centres de rétention administrative, grâce à la généralisation d'un contrôle de gestion, et étudier les solutions permettant de réduire le coût des escortes policières.
L'humanité reste, dans le même temps, le corollaire de notre fermeté. C'est pour cela que nous poursuivons notre politique d'encouragement des départs volontaires, plus respectueux de la dignité humaine et moins coûteux que les départs forcés.
De même, notre souci d'améliorer la qualité de l'accueil dans les centres de rétention administrative reste constant. Le programme d'investissements pour 2011 prévoit la construction d'un nouveau CRA à Mayotte, en remplacement de l'actuel bâtiment, vétuste et indigne de notre pays, mais également l'amélioration des conditions d'hébergement au sein du CRA de Coquelles. Si notre pays reste parmi les plus respectueux des droits des étrangers en situation irrégulière, c'est parce que nous prévoyons des moyens importants pour l'accompagnement sanitaire et juridique des étrangers placés en rétention : 13,3 millions d'euros en 2011.
Troisième priorité, nous voulons renforcer notre politique d'intégration, et je réponds en cela aux préoccupations exprimées, entre autres, par Jean-Pierre Dufau. La France s'honore de veiller sans cesse à bien accueillir et intégrer celles et ceux à qui elle a donné le droit de séjour. Cette politique est assurée par le ministère mais également par son principal opérateur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a notamment la responsabilité du contrat d'accueil et d'intégration signé chaque année par 100 000 primo-arrivants. Celui-ci consacrera, en 2011, près de 84 millions d'euros à cette mission d'intégration.
Sur les crédits propres du ministère, trois actions majeures illustrent notre volonté constante d'améliorer l'intégration des étrangers qui viennent sur notre sol.
Nous accordons une priorité aux projets de terrain menés dans le cadre d'une nouvelle génération de programmes régionaux d'intégration des populations immigrées, avec des moyens accrus.
Nous amplifions le dispositif « École ouverte aux parents », en l'étendant dès 2011 à dix nouveaux départements, portant le total à quarante et un départements.
Nous poursuivons le développement du label Diversité, dont je veux souligner le succès. Il a déjà été attribué à 219 entreprises, privées et publiques, ou organismes publics, soit plus de 15 000 sites de travail et près de 580 000 salariés. Ces dispositifs donnent d'excellents résultats.
Quatrième priorité, et non des moindres, c'est le développement solidaire, grâce à des partenariats avec les pays d'immigration vers la France.
Nous mettons ainsi en oeuvre les quinze accords déjà conclus avec des pays partenaires et nous poursuivons la signature de nouveaux accords, cela conformément à l'objectif, fixé par le Président de la République et le Premier ministre, de vingt accords conclus à l'horizon 2012.
Cette politique s'adresse, bien sûr, à nos partenaires traditionnels du Maghreb ou de l'Afrique sub-saharienne, mais nous avons voulu aussi développer nos relations avec de nouveaux pays tels que la Macédoine, le Monténégro, la Serbie, la Géorgie, avec lesquels nous cherchons à encourager la mobilité des jeunes.
C'est aussi ce qui nous conduit à promouvoir, vous le savez, la création ambitieuse d'une sorte d'Erasmus méditerranéen, le futur office méditerranéen de la jeunesse, avec quinze autres pays riverains et six États membres de l'Union européenne.
J'en viens maintenant aux questions qui ont été abordées par Mmes et MM. les rapporteurs ainsi que par les orateurs.
Je m'intéresserai d'abord aux sujets abordés par Mme la rapporteure spéciale.
Madame Pavy, s'agissant des indicateurs de suivi et de performance, je comprends vos préoccupations, mais une certaine stabilité des indicateurs est nécessaire pour suivre les effets à long terme d'une politique. Vous en êtes d'ailleurs pleinement consciente.
Toutefois, nous avons pris en considération les éléments que vous soulignez, en modifiant plusieurs indicateurs au cours des dernières années, afin d'en réduire le nombre et d'en accroître la lisibilité, de supprimer ceux qui se sont révélés imparfaits et de tenir compte de l'amélioration des informations statistiques ou de l'apparition de nouvelles politiques ou procédures – par exemple, la nouvelle procédure de naturalisation, évoquée par plusieurs orateurs.
En outre, les contrats d'objectifs pluriannuels signés avec nos principaux opérateurs – l'OFPRA, l'OFII – comportent désormais des objectifs et des indicateurs qui correspondent à leurs missions essentielles. Certains d'entre eux, comme les délais de traitement des demandes d'asile par l'OFPRA, sont repris dans des documents budgétaires.
Vous avez également souhaité, madame la rapporteure, que soit améliorée la lisibilité budgétaire de l'ensemble des contributions à la politique d'immigration et d'intégration. Vous le savez, ces contributions sont retracées depuis 2009 dans un document de politique transversale, l'un des seize actuellement annexés au projet de loi de finances. Nous nous efforçons de l'améliorer chaque année.
Pour 2011, ce document intègre les contributions de dix-huit programmes budgétaires, relevant de dix ministères, dont, pour la première fois, les programmes de l'éducation nationale consacrés à l'enseignement des premier et second degrés. Au total, il évalue l'ensemble des contributions à la politique d'immigration et d'intégration pour 2011 à 4,25 milliards d'euros – somme importante, convenons-en.
Comme vous, je pense qu'il nous reste des choses à faire. Ainsi, pour 2012, notre objectif sera de mieux harmoniser le mode de calcul des contributions des différents ministères et d'intégrer celles des programmes 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », et 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires ».
En ce qui concerne les demandes d'harmonisation émanant de différentes associations qui s'occupent des étrangers en situation irrégulière et les aident à faire valoir leurs droits, nous discutons avec elles, dans un esprit de coopération et de bienveillance plus que de stricte légalité. En effet, si nous nous en tenions au point de vue légal, le ministère pourrait prouver que nous ne leur devons rien.
Cela étant, et compte tenu des difficultés objectives nées des différentes procédures d'appels d'offres, nous sommes en discussion avec l'Association service social familial migrants, l'Ordre de Malte, Forum réfugiés et France terre d'asile, d'une part, et avec la CIMADE, d'autre part. Ces discussions sont sur le point d'aboutir ; nous vous en communiquerons très rapidement les résultats. L'imputation de principe est le budget pour 2010.
J'en viens aux sujets abordés par le rapporteur pour avis Philippe Cochet.
La réorganisation du premier accueil des demandeurs d'asile pose en effet de véritables problèmes en Île-de-France. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, de souligner l'importance de cette région, qui représente environ 45 % du flux métropolitain. Différentes situations y coexistent, comme vous le savez. À Paris, c'est la Coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile qui gère la plate-forme, laquelle est également associative en Seine-Saint-Denis, alors que, dans les autres départements franciliens, c'est l'OFII qui assure directement le premier accueil.
Vous l'avez souligné, le principal problème observé au cours de l'été 2010 a été la saturation des dispositifs de domiciliation des demandeurs d'asile, qui a entraîné le déport des populations d'un département à l'autre.
Il existe deux pistes principales d'amélioration du dispositif. D'une part, l'homogénéisation des prestations des plates-formes, afin d'assurer dès 2011, sur tout le territoire national, une homogénéité de traitement des usagers et des opérateurs. D'autre part, une coordination régionale en Île-de-France, qui permettrait aux départements de mieux gérer ensemble la domiciliation et favoriserait l'harmonisation des prestations des plates-formes, qu'il s'agisse du premier accueil ou de l'hébergement d'urgence. Cela s'entend indépendamment des efforts de réduction des délais que j'ai évoqués tout à l'heure.
Vous vous êtes légitimement interrogé sur la capacité des CADA, de même que M. Braouezec. Sur ce point, je rappelle d'abord que le nombre de places n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui, s'élevant à 21 689 cette année, contre 5 280 au début de l'année 2001. Cela donne une idée de l'effort consenti par l'État !