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Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

Monsieur le ministre, je veux tout d'abord saluer votre geste, après le carnage qui a eu lieu à Bagdad. Témoignant de l'ouverture de la France, prête à accueillir sur son sol une partie des chrétiens d'Irak massacrés, ce geste, évidemment approuvé par l'ensemble de l'Assemblée, nous va droit au coeur. Pour autant, il ne doit pas favoriser l'exode, qui serait la pire des solutions et qui a, du reste, été dénoncé par le Patriarche. Le ministère de l'immigration n'est donc pas la caricature que l'on se plaît souvent à présenter.

À cet égard, je me félicite que, d'année en année, se constitue, autour des notions d'intégration, d'immigration et de nationalité, un ministère dont je ne peux que souhaiter, comme Rudy Salles, qu'il s'ouvre au co-développement. Ainsi, j'ai toujours suggéré qu'il ait la tutelle sur l'AFD, actuellement rattachée à Bercy, qui est le bras armé du co-développement. Certes, ce souhait ne plaira guère au ministère des finances, mais je ne vois pas comment on peut favoriser le co-développement sans maîtriser les moyens financiers qui lui sont alloués. Néanmoins, quoi qu'on en dise, ce ministère est une réussite.

Tout a été à peu près dit par les rapporteurs ; je me contenterai donc d'exprimer deux préoccupations. La première concerne les territoires d'outre-mer. Dans quelques jours, je me rendrai, avec une délégation, à Mayotte qui, comme l'ensemble des territoires d'outre-mer, connaît une immigration mal maîtrisée dont le développement peut générer des problèmes au regard de la politique d'intégration. Mais c'est un sujet très vaste, dont il nous faudra reparler.

Ma seconde préoccupation concerne le droit d'asile, qui a valeur constitutionnelle et auquel une part essentielle de votre budget est consacrée. Il s'agit d'un droit fondamental, qui doit être considéré comme tel. Mais, pour cela, il faut éviter de confondre les demandes qui relèvent réellement du droit d'asile et celles qui détournent celui-ci au profit d'une immigration qui n'a rien à voir avec le droit d'asile. Le débat est né en 1997, lorsque Jean-Pierre Chevènement a fait voter la loi « RESEDA ». À cette époque, la majeure partie de la population immigrée était constituée, en Allemagne, de bénéficiaires du droit d'asile et, en France, de personnes arrivées au titre du regroupement familial. Aujourd'hui, la situation s'est inversée : c'est en Allemagne que le droit d'asile est le mieux contrôlé et en France qu'il est le plus dense.

Surtout, les demandes sont si nombreuses, dans notre pays, qu'elles provoquent un encombrement des procédures dénaturant le droit d'asile. Pour avoir moi-même plaidé devant certains tribunaux, en particulier à Montreuil, je puis vous dire que, juriste ou non, on ne peut qu'être frappé par la désorganisation profonde de ces tribunaux qui n'ont pas été conçus pour accueillir une telle masse de demandes. Certes, on peut ajouter indéfiniment du personnel supplémentaire – vous avez eu raison de le faire et, de ce point de vue, votre budget est irréprochable, encore qu'on aurait pu souhaiter le voir augmenter –, mais les délais d'instruction sont encore trop longs, même si, de trois ans, ils ont été ramenés à une durée comprise entre dix-neuf et vingt-quatre mois. Dès lors, ne faut-il pas imaginer des solutions pour empêcher un certain nombre de personnes de faire une utilisation abusive du droit d'asile ?

Comme j'ai une fâcheuse tendance à penser que nos voisins européens ont, eux aussi, des idées, je me suis penché sur la toute récente législation anglaise en la matière. Celle-ci est évidemment très anglo-saxonne et ne peut donc être transposée telle quelle dans notre tradition juridique. Néanmoins, elle repose sur deux postulats : premièrement, le droit d'asile est sacré et son utilisation à des fins abusives est une faute qui doit être sanctionnée ; deuxièmement, si la collectivité nationale se doit d'accueillir dans les meilleures conditions ceux qui se réclament à juste titre du droit d'asile, elle ne peut le faire sans leur demander des contreparties. C'est pourquoi je soulève cette question, dont je ne nie pas la difficulté, car il y a un risque d'appel d'air : une contrepartie ne pourrait-elle pas être liée au droit au travail de ceux qui veulent bénéficier du droit d'asile ?

En effet, le droit d'asile implique également des devoirs. Parce que nous restons dans une situation intermédiaire, parce que beaucoup détournent ce droit, nous faisons vivre dans des conditions extrêmement difficiles ceux qui le réclament à juste titre. Je vous suggère donc, monsieur le ministre, d'organiser le plus rapidement possible une réflexion approfondie sur ce sujet. À ce propos, je vous remercie d'avoir permis qu'une réflexion parallèle soit également menée sur le droit de la nationalité dans le cadre d'une mission d'information parlementaire, à l'initiative de laquelle vous êtes, avec le président de la commission des lois. Cette mission, dont le président est notre collègue socialiste Manuel Valls et dont je suis le rapporteur, procédera aujourd'hui à ses premières auditions.

La politique d'immigration doit en effet sortir du domaine des chiffres que l'on se jette à la figure et qui sont aléatoires, pour faire l'objet d'une véritable réflexion globale. Si, à une réflexion sur la nationalité tournée vers l'avenir, nous pouvions ajouter une réflexion approfondie sur ce que le droit d'asile doit être dans notre pays, nous ferions un grand pas vers une politique d'immigration dépassionnée. Il faut en finir avec cette tendance très française – qui s'explique probablement par le fait que l'on digère mal notre passé colonial – à jeter l'anathème sitôt que l'on aborde ces problèmes. L'immigration est un sujet noble ; elle est essentielle à une nation, dont elle est en quelque sorte la respiration. Celle-ci impose parfois des sacrifices…

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