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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits alloués pour 2011 au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » atteignent 563,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 561,5 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une légère diminution par rapport aux crédits initiaux pour 2010.

On pourrait presque se satisfaire de ce genre d'annonce. Mais il suffit de regarder précisément les programmes 303 et 104 de cette mission pour se rendre compte qu'il s'agit d'un budget en baisse. Le programme 303 notamment subit une réduction importante de près de 4 % qui va toucher le budget des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, en 2011.

À hauteur de 202,63 millions d'euros en loi de finances pour 2010, le budget CADA tombe à 199 millions d'euros alors même qu'il finance 1 000 places supplémentaires en année pleine. Le prix de journée passe ainsi de 26,20 euros en loi de finances initiale pour 2010 à 25,14 euros en projet de loi de finances pour 2011. Pour mémoire, je rappelle que le prix d'une place CADA est consacré au logement des demandeurs d'asile à hauteur de 30 %, à l'allocation mensuelle de subsistance à hauteur de 15 %, et aux personnels à hauteur de 38 %.

Pourtant, face à ces missions essentielles pour les hommes et les femmes qui demandent à être accueillis sur le territoire français, vous préférez noyer cette baisse significative du budget des CADA en présentant, de manière artificielle, une augmentation globale du budget « Asile » de 3,6 %. Cette baisse de fonctionnement annonce une période difficile pour l'ensemble du secteur, et ce seront les plus précaires qui vont payer le prix fort de cette rigueur budgétaire.

En ce qui concerne l'action 1 du programme 303, portant sur la circulation des étrangers et la politique des visas, il faut signaler des situations scandaleuses qui prévalent dans certains consulats de France. Je pense notamment au consulat de France en Algérie, où le record en matière de refus de demandes de visa est battu, avec une moyenne de 35 % de dossiers rejetés – alors que le taux moyen de refus par les consulats de France dans le monde ne dépasse pas les 9,6 %. Il suffit de se référer aux conclusions du rapport de la CIMADE, qui confirment les inégalités dans le traitement des dossiers et surtout un manque systématique de raisons au refus. À quand une politique des visas permettant le respect effectif du droit des uns et des autres de circuler librement ? Quant au programme 104, qui devrait permettre d'améliorer les conditions d'accueil et d'intégration, il reste insuffisant. Il n'est qu'à venir à la préfecture de Bobigny pour constater les files d'attente interminables, le filtrage préalable avant d'accéder à l'accueil, le temps d'attente au guichet dépassant la demi-journée, le délai de traitement des dossiers pouvant aller jusqu'à un an. Au point que de nombreuses associations travaillant sur ce lieu ont publié, au mois de septembre dernier, un livre noir dans lequel il est demandé la mise en oeuvre de moyens matériels et humains permettant à ce service public d'accueillir les ressortissants étrangers dans le respect de leur dignité, ainsi qu'une politique d'accueil en préfecture plus compatible avec le respect des droits fondamentaux et des principes d'égalité et de fraternité qui fondent la République.

Avec le projet de loi contre lequel nous nous sommes battus, nous avons vu ce que la notion d'immigration signifiait pour le Gouvernement : synonyme de réduction du droit des migrants, elle s'inscrit dans une véritable logique répressive, à tel point que nous avons été nombreux, y compris dans les rangs de la majorité, à souligner le fait que certains éléments du texte rompent profondément avec nos valeurs d'humanité et de justice. Ce qui est visé, c'est la fragmentation de la société française, et votre budget ne fait que renforcer logiquement cette volonté politique.

Privés d'accès aux soins, traqués, contrôlés, menacés d'être enfermés plus longtemps et expulsés plus facilement, les migrants seront même dissuadés par avance de tenter de régulariser leur situation, en raison des risques de se faire arrêter au cours de leurs démarches. Ils se retrouveront ainsi au ban de la société, jugés indésirables et traités comme tels, condamnés à une clandestinité sans espoir.

En ce sens, ce budget montre que le Gouvernement n'a aucune ambition pour la société française en train de se construire. La traque des sans-papiers, le durcissement incessant des conditions d'accès au séjour, les tests ADN, le débat assez nauséabond sur le thème de l'« identité nationale » étatisée, les encouragements à la délation, le ciblage des « délinquants de la solidarité », voilà la politique que vous nous proposez. À cela s'ajoutent l'injustice fiscale, les inégalités scolaires, territoriales, générationnelles, qui contribuent à la création d'une situation invivable, lourde d'injustices et de périls.

Pour toutes ces raisons, vous conviendrez que nous ne pourrons voter un tel budget, qui continue à autoriser la violation des engagements et des obligations de l'État.

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