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Intervention de Philippe Cochet

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Cochet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs années successives d'examen des crédits de cette mission en commission élargie, je souhaite profiter de l'occasion qui nous est offerte cette année de l'examiner en séance publique pour souligner les évolutions positives enregistrées par ses crédits et, plus généralement, celles du fonctionnement des services responsables de la mise en oeuvre des politiques liées à l'immigration, à l'asile et à l'intégration. J'évoquerai aussi les questions qui ont été soulevées devant moi lors des différentes visites que j'ai effectuées pour préparer cet avis budgétaire.

Il est clair que la hausse des crédits de la mission de 0,73 %, entre 2010 et 2011, est rendue nécessaire par l'augmentation continue du nombre de demandeurs d'asile depuis 2008. Même si, depuis le début de cette année, cette croissance s'est ralentie, elle était encore de 8,5 % au premier semestre, et les effets de la hausse de la demande enregistrée les années précédentes continuent à se faire sentir au niveau de chacun des maillons de la chaîne de l'examen des demandes et de prise en charge des demandeurs.

Je dirais même que l'augmentation des crédits est très modérée en comparaison de celle de la demande d'asile. En effet, l'afflux de demandeurs d'asile n'a pas empêché les différents intervenants d'enregistrer des gains de productivité et de se réorganiser. Tel est, en particulier, le cas de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile, devant lesquels les délais d'examen, certes en hausse importante sous l'effet de la demande d'asile, auraient encore augmenté plus fortement sans la réalisation de ces importants efforts. Il est néanmoins tout à fait nécessaire de leur donner les moyens de recruter plus de personnel pour accélérer le traitement des demandes et éviter la constitution de stocks de dossiers trop anciens. Le projet de budget prévoit ces moyens supplémentaires sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour l'OFPRA, et ceux de la mission « Conseil et contrôle de l'État » pour la CNDA.

La réorganisation du premier accueil des demandeurs d'asile, dont l'Office français de l'immigration et l'intégration a la responsabilité depuis le 1er janvier 2010, constitue un autre chantier bien avancé. Cette réforme visait à supprimer progressivement le financement de certaines plates-formes associatives dans les départements où le nombre de demandeurs d'asile était très faible, et à développer l'activité de l'OFII dans ce domaine. À l'exception des zones où les demandeurs d'asile sont les plus nombreux, il n'y a plus qu'une plate-forme par région, située dans la ville chef-lieu. Cette réorganisation est cohérente avec les compétences du préfet de région pour autoriser le séjour des demandeurs d'asile.

Parallèlement, a été lancé le chantier de la rationalisation des missions remplies par ces plates-formes et financées par l'OFII. L'objectif est d'harmoniser les prestations offertes par les différentes plates-formes pour éviter les flux secondaires, c'est-à-dire le déplacement des demandeurs d'une plate-forme à l'autre en fonction des services dont ils peuvent bénéficier.

Dans la mesure où elle accueille 45 % des demandeurs d'asile, l'Île-de-France n'a pas été concernée par le processus de régionalisation. Il semble néanmoins que le dispositif de premier accueil des demandeurs d'asile y connaisse des difficultés. La hausse de la demande a été plus sensible encore dans cette région que dans l'ensemble du pays et la capacité des plates-formes paraît saturée. Je me suis rendu à la plate-forme de Créteil, gérée par l'association France terre d'asile. Au cours de l'été dernier, confrontée à un afflux de demandeurs, elle a dû cesser pendant quelque temps toute nouvelle domiciliation. L'OFII a réagi rapidement en lui accordant la possibilité de recruter deux agents à titre temporaire, principalement chargés d'assurer la sécurité sur la plate-forme. Monsieur le ministre, je voudrais néanmoins savoir, si une réflexion est en cours pour une éventuelle réorganisation du premier accueil des demandeurs d'asile en Île-de-France.

Au cours du même déplacement, j'ai visité le centre d'accueil des demandeurs d'asile de Créteil. Il a augmenté son nombre de places en juillet dernier, lorsque 1 000 places supplémentaires ont été ouvertes au niveau national, mais ses responsables estiment que les capacités des centres d'accueil de demandeurs d'asile devraient encore s'accroître. Il est vrai que la part des demandeurs d'asile accueillis en CADA est passée, entre 2008 et 2009, de 48,6 % à 36,7 % de ceux qui pouvaient y prétendre, et que l'afflux de demandeurs s'est traduit par une explosion du coût de l'hébergement d'urgence. Lors d'un déplacement à Berlin, il y a deux ans, j'ai pu observer la situation de surcapacité d'hébergement dans laquelle se trouvait l'Allemagne en raison d'une très forte diminution du nombre de demandeurs d'asile depuis le début des années 2000. Je ne suis donc pas forcément favorable à l'ouverture d'un grand nombre de places de CADA supplémentaires, même si la France est actuellement dans une situation de sous-capacité. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire part de votre position sur ce sujet ?

Les associations gestionnaires de CADA s'inquiètent aussi de la diminution du coût journalier moyen pris en compte dans l'élaboration du projet de budget, car elle fait passer la dotation destinée au fonctionnement des CADA de 202,63 à 199 millions d'euros. Je sais que le ministère a entrepris la mise en place d'un système de contrôle de gestion sur les prestations de ces centres, et que l'inspection générale des affaires sociales réalise actuellement une enquête sur ce sujet. Pourriez-vous nous dire à quelle échéance elle devrait rendre ses conclusions et sur quels postes vous attendez des CADA qu'ils optimisent leur fonctionnement ?

Le ministère a également fixé un objectif de meilleure gestion des centres de rétention administrative, en retenant un coût journalier moyen de 41,56 euros, quand le coût constaté en 2009 était de 43,60 euros. La police aux frontières, à laquelle la responsabilité de la quasi-totalité des centres va être confiée, doit donc consentir un important effort pour harmoniser les coûts entre ces établissements et faire des économies en négociant certains marchés publics.

En 2011, la création de centres supplémentaires n'est pas prévue, mais un nouvel établissement va être construit à Mayotte, ce qui répond à un besoin évident. J'ai visité, à la fin du mois de septembre, les deux nouveaux centres de rétention administrative de Paris-Vincennes qui ont vocation à remplacer celui qui a été détruit par le feu en juin 2008 : j'ai été impressionné par leur fonctionnalité et la réussite architecturale du bâtiment. Le chantier était alors quasiment achevé. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer à quelles dates ils devaient entrer en service ?

Avant de conclure, je voudrais dire un mot de l'excellent travail accompli par l'OFII. Ce jeune établissement public remplit avec beaucoup d'efficacité les missions toujours plus nombreuses qui lui sont confiées. De la mise en oeuvre des contrats d'accueil et d'intégration à la validation des visas de long séjour valant titre de séjour ; de l'organisation des retours volontaires à celle des tests sur la connaissance de la langue française et des valeurs de la République à l'étranger, pour ne citer que quelques exemples, il est incontestablement l'opérateur central des politiques conduites par ce ministère.

Je salue le contenu très ambitieux du contrat d'objectifs et de performance qu'il a signé en juillet dernier, et je me félicite que le projet de loi de finances propose de lui accorder des ressources propres rééquilibrées, à la hauteur de ses besoins. J'ai pu constater à la direction territoriale de Créteil que les agents de l'OFII étaient aussi soucieux du respect de la loi que bienveillants vis-à-vis des personnes qu'ils accueillent.

Les politiques que mène le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sont très dépendantes de paramètres sur lesquels il n'a pas de prise, comme la situation économique et les soubresauts de l'actualité internationale ; cela ne l'empêche pas de faire preuve de volontarisme et de poursuivre les réformes qu'il a lancées. Celles-ci visent principalement à optimiser la gestion des différents dispositifs et à simplifier les démarches pour les étrangers désireux de séjourner légalement dans notre pays ou d'acquérir la nationalité française. Ce ministère constitue ainsi, à son échelle, un modèle pour l'ensemble de l'administration française.

Le projet de budget traduit ce volontarisme et donne à ce ministère les moyens de faire face dans des conditions satisfaisantes à la hausse de la demande d'asile. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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