Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, chers collègues, dans un contexte de réduction globale des dépenses publiques, les crédits du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire s'élèvent à 563,76 millions d'euros en autorisations d'engagement et 561,51 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau équivalent, voire en légère diminution par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour 2010. En outre, la nouvelle loi de programmation des finances publiques suppose que les crédits consacrés à la mission continuent à baisser sur les deux exercices suivants, afin de contribuer à l'effort général de réduction des dépenses de l'État.
La mission « Immigration, asile et intégration » regroupe deux programmes. Le programme 303, « Immigration et asile », doté de 490 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 488 millions d'euros en crédits de paiement, regroupe les crédits relatifs aux centres de rétention administrative, aux reconduites à la frontière, au fonctionnement de l'administration des visas, à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, et au traitement de leur demande par l'OFPRA. Le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité », doté de 72,88 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, finance l'accueil des étrangers par la voie du contrat d'accueil et d'intégration mis en oeuvre par l'OFII.
Ce budget s'inscrit dans la droite ligne des années précédentes, confirmant les priorités selon trois axes stratégiques.
Premièrement, la maîtrise des flux migratoires, d'une part en renforçant les efforts en matière de lutte contre l'immigration illégale – notamment les filières –, contre le travail illégal et les fraudes, et d'autre part grâce à une meilleure organisation de l'immigration légale afin de rééquilibrer les flux migratoires au profit de l'immigration professionnelle, la maîtrise des flux migratoires constituant l'enjeu central de l'organisation d'une immigration légale.
Deuxièmement, la mise en oeuvre d'une politique d'intégration fondée sur l'institution d'un véritable parcours individuel d'intégration, la signature d'un contrat d'accueil d'intégration, l'apprentissage de la langue française et sur un accompagnement adapté favorisant l'accès à l'emploi et au logement.
Troisièmement, la poursuite de notre politique séculaire d'accueil des réfugiés politiques, la tradition républicaine de l'asile demeurant pour la France un impératif juridique autant qu'une exigence morale.
Sans détailler davantage la structure de la mission, je voudrais recentrer mon intervention sur les points positifs concernant l'administration centrale et sur mes différentes recommandations ou questions.
Dans un contexte de budget contraint, je voudrais tout d'abord saluer et encourager les efforts du ministère et de ses opérateurs pour rationaliser les procédures et la gestion. Ces efforts se traduisent notamment par la déconcentration de l'instruction des demandes de naturalisation, généralisée sur le territoire depuis juillet, ce qui supprime le double niveau d'instruction et réduit les délais tout en assurant l'égalité de traitement ; par l'externalisation dans le recueil des demandes de visa, ce qui améliore l'accueil et supprime les files d'attente, pour une constitution plus rapide des dossiers – précisons ici que l'externalisation du recueil des données biométriques constitue la dernière phase de ce chantier – ; par la simplification et l'automatisation enfin des contrôles aux frontières, avec la mise en place des sas automatiques de contrôle, dans le cadre du dispositif PARAFES, dont un bilan sera réalisé fin 2010 pour décider de son développement en 2011-2013.
Par ailleurs, conformément à l'une des préconisations de la RGPP, le VLS-TS, visa long séjour valant titre de séjour, instauré depuis juin 2009, sera étendu à de nouvelles catégories de bénéficiaires afin de contribuer au rééquilibrage des flux en faveur de l'immigration professionnelle.
Le MIINDS favorise également le développement, la maintenance, l'exploitation et la mise en convergence d'applications interministérielles. Les crédits, en progression de 26,74 %, dans le cadre de l'action 4, « Soutien du programme 303 », atteignent 16,4 millions d'euros. Ces systèmes d'information doivent permettre de renforcer l'efficacité des politiques de gestion de la circulation des étrangers, des contrôles aux frontières, et de lutte contre les fraudes ; il s'agit des dispositifs VISABIO, VIS, PARAFES – pour le passage automatisé aux frontières –, AGDREF 2 – pour les titres de séjour et éloignements –, EURODAC – pour le relevé des empreintes des demandeurs d'asile.
Cette réorganisation doit limiter les doublons, réduire le travail de contrôle et permettre une meilleure affectation des moyens en personnel, tandis que les dispositifs EURODAC et OSCAR doivent respectivement permettre de mieux identifier les étrangers ayant déjà sollicité l'asile dans un autre pays ou ceux ayant bénéficié de l'aide au retour.
La rationalisation des procédures et de la gestion, visant à une maîtrise plus poussée des dépenses, permet ainsi de réduire sensiblement les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière, tout en renforçant les dotations allouées à la garantie de l'exercice du droit d'asile.
La France est la première terre d'accueil des demandeurs d'asile en Europe et connaît depuis deux ans une croissance très forte des demandes. Pour répondre à cette progression constante de la demande d'asile, les crédits sont en hausse, soit 490,8 millions d'euros, contre 485,7 millions en 2010, en autorisations d'engagement.
Les demandes d'asile, qui s'élevaient à 47 686 en 2009, sont en augmentation de 8,5 % sur le premier semestre 2010. Le nombre de premières demandes continue également à évoluer – 42 118 et 5 568 en réexamen. Le MIINDS considère que l'accélération constatée les années précédentes devrait s'atténuer, de même qu'il attend d'importantes réductions des délais procéduraux de l'OFPRA et de la CNDA.
Concernant l'OFPRA, celui-ci a fait de gros efforts de productivité, suite à la signature en 2009 du contrat d'objectifs et de moyens. Toutefois l'instruction des premières demandes, en constante augmentation, pèse de plus en plus sur les indicateurs de productivité. Le nombre de dossiers en stock ne cesse de croître – 8 411 fin 2006, 16 532 au 1er juillet 2010. Le MIINDS a donc autorisé le recrutement de trente officiers de protection supplémentaires pendant dix-huit mois, le plafond d'emplois restant fixé à 412 ETP depuis 2009. La subvention pour charges de service public sera de 34,5 millions d'euros, soit une augmentation de 2,5 millions par rapport à 2010. Ces moyens supplémentaires permettront également de numériser les dossiers, afin de faciliter l'archivage et les échanges avec la CNDA.
Concernant la CNDA, le délai moyen de jugement est aujourd'hui de treize mois, du fait de l'augmentation des demandes d'asile, puis des contentieux – 21 626 recours en 2008, 25 039 en 2009, et déjà 13 709 au premier semestre 2010. Le MIINDS espère réduire ces délais grâce à la forte augmentation des équipes du greffe, les crédits du programme 165, « Conseil d'État et autres juridictions administratives », de la mission « Conseil et contrôle de l'État » ayant été portés à 20,5 millions d'euros. Le nombre de rapporteurs à la Cour devrait donc quasiment doubler en quatre ans, atteignant 135 à l'horizon 2013 contre 70 en 2009. Cela permettra à la Cour d'accroître significativement sa capacité de jugement, pour retrouver un délai moyen de jugement de dix mois en 2011 et atteindre l'objectif d'un délai de six mois en 2013.
Ce budget propose également une connaissance plus précise des coûts des centres d'accueil des demandeurs d'asile, après que le MIINDS a développé un logiciel de contrôle de gestion sur les prestations, qui sera généralisé en 2011. Le nombre de places en CADA est cette année de 21 410, contre 5 282 en 2001, et le prix moyen national est estimé à 25,13 euros par jour, soit une dotation de 199 millions d'euros en 2011. Le taux d'occupation est, quant à lui, de 98,7 % pour une durée moyenne en jours en progression.
Trois observations sur ce point. Tout d'abord, il est probable que, même améliorés, les délais d'instruction continuent de peser négativement en 2011, bien que dans une moindre mesure, et aucun indicateur ne permet aujourd'hui d'affirmer que le nombre des demandes d'asile va diminuer. Il est important ensuite de réduire les délais de sortie des demandeurs déboutés et des réfugiés des centres d'accueil, pour les réorienter vers des dispositifs de droit commun. Votre rapporteure craint enfin que les dotations prévues ne se révèlent encore insuffisantes, même si l'on doit compter en 2011 sur près de 5 millions d'euros provenant des fonds européens pour les réfugiés.
Ce budget s'inscrit également dans une rationalisation et une optimisation des dépenses de fonctionnement des CRA et des coûts de reconduite à la frontière. Si l'on peut constater une saturation de certains centres, notamment en région parisienne, le taux d'occupation sur le plan national est de 31 %.
Le budget alloué à l'investissement des CRA est de 15,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13,6 millions d'euros en crédits de paiement. L'ensemble des 26 centres seront sous la responsabilité de la PAF en 2011, seuls ceux de la préfecture de police de Paris restant hors de son champ de responsabilité.
Cette gestion vise l'harmonisation des méthodes de gestion et d'organisation des structures, avec la mise en place d'un tableau de bord de performance. Cela permet d'aboutir à un coût annuel par retenu de 2 924 euros, coût qui intègre les dépenses de personnels affectés aux centres ou intervenant en renfort, réparties entre le programme 176, « Police nationale » et le programme 303, « Immigration et asile ».
Des économies sont attendues de ces mesures de rationalisation, ainsi que du développement de la visioconférence et des salles d'audience délocalisées, créées pour réduire les temps d'escorte.
Toutefois, cet outil ne permet pas d'évaluer l'accompagnement des retenus par l'OFII ou par les associations, les coûts relatifs aux interpellations, à l'exécution des mesures de reconduite après escorte, et les coûts incombant au ministère de la justice. Ne sont imputées au programme 303 que les dépenses de restauration, blanchisserie et autres contrats de maintenance, avec une dotation de 31,3 millions d'euros pour 2011. Votre rapporteure déplore donc l'absence d'information précise sur l'ensemble des coûts budgétaires des dispositifs et l'impossibilité de déterminer, budget après budget, le coût complet réel d'une reconduite à la frontière.
L'action 3 recouvre enfin les crédits alloués à la prise en charge sanitaire – 6,8 millions d'euros – et à l'accompagnement social dans les CRA et zones d'attente. Une question à ce sujet : à quel niveau et dans quel délai les associations seront-elles indemnisées des dépenses qu'elles ont dû supporter suite à la suspension des marchés en mai 2009 ?
L'OFII, Office français de l'immigration et de l'intégration, est un opérateur essentiel de la politique d'immigration, et ce sont plus de 187 000 migrants qui sont passés par ses services en 2009. Outre l'intégration des migrants primo-arrivants et la formation des étrangers à la langue française, l'OFII a pour mission de participer à toutes les actions administratives, sanitaires et sociales touchant les étrangers.
Il devra de plus faire face, à partir de 2010-2011, aux nouvelles missions qui lui sont imparties et qui concernent le premier accueil des demandeurs d'asile, l'augmentation de la participation au dispositif des CRA, la montée en charge des mesures d'intégration prévues par la loi de 2007, notamment le bilan de compétences professionnelles.
Il est également demandé à l'OFII d'obtenir d'importants gains de productivité et de poursuivre la réduction de son plafond d'emplois : il doit passer de 874 emplois temps plein en 2009, à 835 en 2012, voire 825 en 2013. Cette restriction est rendue possible par une amélioration de ses moyens informatiques et par la généralisation de la démarche de régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile.
Pour assurer à l'OFII les moyens de mener à bien ses missions essentielles à l'intégration des étrangers souhaitant s'installer en France, son budget est en évolution de 15,2 % à périmètre constant – hors transfert de charges nouvelles, la progression est de 3,6 %. Les crédits de l'OFII s'élèveront en 2010 à 150,3 millions d'euros, dont 30,1 % pour les dépenses de personnels, 9,8 % pour les dépenses de fonctionnement et 52,9 % pour les dépenses d'intervention.
La subvention pour charges de service public, prévue au programme 104, « Intégration et accès à la citoyenneté », s'élève à 14,86 millions d'euros. J'émets bien sûr un avis favorable à la proposition faite à l'article 74 rattaché de revaloriser des droits de timbres qui lui sont affectés. Cela permettra de consolider durablement la situation financière de l'OFII et d'assurer la pérennité de ses actions en faveur de l'accueil et de l'intégration des migrants et demandeurs d'asile.
J'observe qu'il n'existe qu'un seul indicateur pour définir les objectifs impartis à l'OFII et retracer les résultats de son activité. Il s'agit de l'indicateur 1.1 relatif aux « taux d'étrangers (non francophones) bénéficiaires d'une prescription linguistique dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration qui obtiennent le DILF ». Compte tenu de la très grande diversité des missions et des actions de l'OFII, votre rapporteure souhaiterait que les objectifs de politique publique, de gestion et de modernisation de l'établissement, correspondent désormais à de nouveaux indicateurs, plus détaillés, et qu'un suivi de ces indicateurs apparaisse dans les projets et rapports annuels de performance.
Pour conclure, le document de politique transversale offre une vision d'ensemble de la politique d'immigration, asile et intégration. Onze ministères participent à la mise en oeuvre de la politique via dix-huit programmes répartis en treize missions différentes au sein du budget de l'État. Le budget de la mission présentée aujourd'hui ne représente que 13,7 % de la totalité des moyens mobilisés pour l'ensemble de cette politique qui sont évalués à 4,268 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,253 milliards d'euros en crédits de paiement.
Si votre rapporteure note des progrès en matière de suivi des dépenses, avec notamment le développement des indicateurs de contrôle de gestion et la signature du contrat de moyens et de performance de l'OFII, elle souhaiterait que ces démarches permettent d'aller jusqu'à la connaissance des coûts complets des politiques menées et que cela rende possible une réelle évaluation de la performance des moyens mobilisés.