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Intervention de Marc Mortureux

Réunion du 27 octobre 2010 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Marc Mortureux, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail :

Je vous remercie de toutes ces questions qui me donnent l'occasion de dire un mot de quantité de sujets que je n'ai pas eu le temps d'aborder dans mon propos liminaire, comme les nanotechnologies qui constituent bien pour nous un enjeu majeur.

En matière de démoustication, nous sommes intervenus sur les produits utilisés, notamment pour voir comment assurer la protection de ceux qui les dispersent. Mais nous ne sommes pas en première ligne sur le sujet. A la demande de la direction générale de la santé et du ministère de l'agriculture, nous mettons en place un comité national de surveillance des maladies vectorielles. Fédérant les compétences existantes en entomologie, ce comité aidera à la surveillance des espèces animales nouvellement apparues sur notre territoire, potentiellement vectrices de nouvelles maladies.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question de l'articulation des niveaux national et européen. Je partage votre souci d'éviter les doublons. Des progrès demeurent nécessaires sur ce point. Mais il faut bien avoir en tête les différences dans les modes de fonctionnement. L'EFSA par exemple, qui a compétence dans le domaine alimentaire, ne privilégie pas la complémentarité avec les agences nationales. Chargée d'examiner les fondements scientifiques des allégations nutritionnelles ou de santé fournies par certains industriels, elle a pris beaucoup de retard, n'ayant à ce jour pu étudier que 1 500 des 4 500 allégations aujourd'hui recensées. Nous regrettons clairement que cette agence ne fonctionne pas comme l'Agence européenne du médicament où, sur la base d'une méthodologie définie et harmonisée au niveau européen, des rapporteurs des différentes agences nationales viennent présenter leurs travaux. Nous le regrettons d'autant plus que l'AFSSA avait beaucoup travaillé sur ce sujet des allégations, avant que la tâche ne soit confiée à l'EFSA. Nous souhaiterions pouvoir mieux articuler les compétences qui existent dans les différents pays et optimiser les moyens disponibles.

Pour ce qui est d'un risque de contradiction des avis rendus au niveau européen et au niveau national, il faut avouer que le nombre de cas d'avis nettement divergents est très faible. L'intérêt des agences nationales est qu'elles ont plus facilement accès aux données d'exposition, dont la collecte et l'exploitation sont essentielles pour évaluer l'exposition réelle des individus et le passage du danger au risque. Sur cette approche, il existe une complémentarité au niveau européen. Quelle que soit l'organisation retenue à l'avenir, il faudra toujours privilégier les remontées du terrain. Les écarts peuvent en effet être considérables entre les conditions théoriques prises en considération pour faire des évaluations ex ante et les conditions de terrain. L'une des missions essentielles de l'ANSES, que je n'ai pas citée tout à l'heure, est de piloter plusieurs observatoires et bases de données dans ses divers champs de compétences, sur lesquels s'appuient les agences européennes. Pour l'application du règlement REACH, l'agence européenne ad hoc exploite très largement nos recueils de données. Je suis tout aussi attaché que vous à éviter les doublons, mais il y a tant à faire que le risque de redondance est vraiment minime ! Ce risque est par ailleurs limité par le fait que l'ANSES travaille très largement sur saisine, notamment des pouvoirs publics, dans le cadre de grands plans nationaux comme Santé-travail, Santé-environnement ou Écophyto 2018.

Ce n'est pas l'ANSES qui réalise le contrôle des importations, notamment de produits alimentaires, n'étant pas chargée de la gestion du risque. La sécurité sanitaire des produits importés n'en est pas moins une de nos préoccupations. Nous préconisons que les contrôles soient mieux ciblés et que ce ciblage s'appuie sur une évaluation préalable des risques. Mais de tels contrôles n'ont bien entendu de sens qu'au niveau européen. C'est d'ailleurs pourquoi une proposition en ce sens avait été faite pendant la présidence française de l'Union.

De même, ce n'est pas l'ANSES, mais l'ONEMA qui est chargée du contrôle des pollutions environnementales, notamment des rejets de médicaments vétérinaires dans le milieu aquatique. Il n'y a donc pas de conflit d'intérêts potentiel avec le fait que nous soyons aussi par ailleurs agence nationale du médicament vétérinaire.

S'agissant d'Écophyto 2018, l'ANSES a un rôle d'évaluation des produits avant leur mise sur le marché, les autorisations étant in fine délivrées par les ministères. Le Grenelle a préconisé le retrait d'un certain nombre de substances actives. Nous y travaillons. Nous mettons également au point diverses méthodes d'évaluation des produits de substitution, ainsi que des préparations naturelles dites « peu préoccupantes ». L'Observatoire des résidus de pesticides, l'ORP, créé au sein de l'agence, collecte les données qui permettront de suivre le respect des engagements du plan.

Vous m'avez demandé un exemple concret de la plus-value apportée par la fusion. Je citerai le cas des nanotechnologies, sur lesquelles l'AFSSA et l'AFSSET avaient déjà rendu un avis. L'ensemble des acteurs a souhaité la mise au point d'une procédure réglementaire visant à ce que l'utilisation de nanoparticules soit déclarée en amont de la mise sur le marché d'un produit. Nous sommes en train de mettre au point une méthode d'évaluation simplifiée des risques liées à la présence de telles particules, au demeurant fort difficiles à détecter, dans différents produits ou milieux. Voilà l'exemple d'un travail de fond transversal mené au sein de l'ANSES.

Nous n'avons pas encore de contacts avec le Conseil de l'Europe, mais c'est avec plaisir que nous coopérerions avec ses instances travaillant dans les mêmes domaines que nous. Il est important que l'ANSES noue de tels liens et que nos chercheurs puissent être sollicités au même titre que ceux d'Allemagne ou d'autres pays.

Avons-nous parfois recours à des contrats externes ? Jamais dans notre coeur de métier. L'évaluation des risques est toujours conduite par nos collectifs d'experts. En revanche, nous pouvons y avoir recours pour la collecte de données. Nous avons par exemple passé des contrats avec l'INRS pour l'étude des perturbateurs endocriniens.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la Fondation Santé radiofréquences. Les missions en ont bien été reprises par l'AFSSET tout d'abord, puis maintenant par l'ANSES. Il s'agit d'une part de lancer des appels à projets pour poursuivre les recherches sur l'impact sanitaire éventuel de l'exposition aux rayonnements, croissante du fait de l'essor des réseaux sans fil ; d'autre part, de relancer l'instance de dialogue qui existait au sein de la Fondation, en parant à la critique qui lui était adressée de n'être pas totalement indépendante, les industriels participant pour moitié à son financement. Une taxe additionnelle à l'IFER devait rapporter deux millions d'euros par an pour financer ces appels à projets. L'institution de cette taxe est en débat dans le projet de loi de finances pour 2011. Ce qui est certain, c'est que nous ne pourrons pas remplir ces missions, comme l'engagement en a pourtant été pris auprès des parties prenantes, sans ce financement supplémentaire, destiné à éviter tout soupçon de liens d'intérêts avec les opérateurs.

Le suivi de nos recommandations est l'une de nos préoccupations constantes. Notre premier souci est en effet d'être utile. Dès lors que des recommandations concernent les pouvoirs publics, nous leur proposons systématiquement des restitutions afin de nourrir le débat. Les comités de directeurs généraux sont par excellence le lieu où faire régulièrement le point sur les suites données à nos avis.

L'ANSES ne pourrait en aucun cas évaluer un rapport établi par Areva, la radioactivité n'entrant pas dans notre champ de compétences : cela relèverait de l'IRSN, l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. De fait, nous ne sommes amenés à évaluer les travaux de groupes industriels dans nos champs de compétences que dans le cadre de processus réglementaires prédéfinis.

Faisons-nous appel à des experts européens ? Nous avons en tout cas la ferme volonté d'être très présents dans les projets de recherche européens, notamment du PCRD. Un grand programme, Nanogénotox, visant à évaluer le caractère potentiellement génotoxique des nanomatériaux, a été lancé, dans lequel nous jouerons un rôle de premier plan.

J'en viens au sujet de la surmortalité des abeilles, phénomène observé partout dans le monde, très complexe car multifactoriel. Il est vrai que nos relations avec les apiculteurs ont pu être complexes par le passé, mais cela tient aussi à l'extrême hétérogénéité du monde apicole. Mais soyez assurés que nous nous sentons très concernés par le problème. Le mandat européen que nous venons d'obtenir pour être laboratoire de référence sur le sujet nous permettra de renforcer nos compétences, de nouer le dialogue avec de nouveaux interlocuteurs, bref de conforter notre rôle et notre positionnement, en lien bien sûr avec d'autres partenaires comme l'INRA et en restant ouverts à toute coopération internationale. Nous suivons de près la mise en place de l'INSAP, l'institut technique apicole. Nous souhaitons sincèrement pouvoir le faire profiter de notre expertise et espérons parvenir à créer les conditions d'un dialogue serein et d'une coopération fructueuse.

Avec Airparif ou Bruitparif, nous entretenons des relations par nature, dirais-je, parce que d'ex-collaborateurs de ces organismes travaillent maintenant à l'Agence ou vice versa. Mais nous n'avons pas de liens institutionnels avec ces structures. En revanche, nous avons déjà mené des travaux sur l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique.

Pour terminer, un mot des relations que pourrait entretenir l'ANSES avec le Parlement. Leurs modalités restent encore à inventer, et je vous invite à y réfléchir. Les représentants des élus que compte le conseil d'administration de l'Agence, au travers de l'Association des maires de France et de l'Association des départements de France, peuvent la saisir, comme tous les autres administrateurs. Nous souhaitons être au service de tous les acteurs, en particulier du Parlement, de par la volonté duquel les agences sanitaires ont été créées. Tous nos travaux passés et en cours sont à votre disposition. Par ailleurs, tout parlementaire, s'il ne peut saisir directement l'Agence, peut toujours s'ouvrir à nous d'un sujet dont il souhaiterait que nous nous saisissions, puisque nous avons capacité d'autosaisine.

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