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Intervention de Marc Mortureux

Réunion du 27 octobre 2010 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Marc Mortureux, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail :

Vous m'avez interrogé sur les modalités concrètes de la fusion. Il est vrai qu'une fusion n'est jamais un processus simple. Nous avons mis en place des instances de concertation avec nos partenaires extérieurs et, dès le mois de février, un comité de pilotage interne. Nous avons organisé de nombreuses rencontres entre les représentants des personnels des deux agences. Surtout, nous avons organisé de nombreux séminaires scientifiques réunissant les experts des deux agences. Il s'agissait de mettre à plat les différences d'approche et de faire remonter les inquiétudes. Grâce à cela, beaucoup de sujets d'inquiétude étaient déjà clairement identifiés et beaucoup de réponses apportées au moment de la fusion effective. C'est ce qui a permis à l'Agence de regrouper ses équipes en fonction de leurs domaines d'activité dès début juillet – il est vrai que nous avions la chance que les deux agences soient situées à Maisons-Alfort. Cela nous a permis de donner une réalité concrète à la fusion, et de marquer qu'il s'agissait de créer du neuf, et non pas de faire disparaître l'une des agences au profit de l'autre.

Cette création s'appuie sur les acquis et les richesses de l'une et de l'autre. Fondée sur nos similitudes, elle s'enrichit aussi de nos différences. Du mariage de la culture de l'urgence et de la réactivité de l'AFSSA, née des crises au cours desquelles cette agence a dû intervenir, et de la démarche de l'AFSSET, marquée par l'ouverture aux parties prenantes et l'apport des sciences humaines et sociales, doit naître quelque chose dont la valeur dépasse l'addition des deux éléments.

Concrètement, en dépit des inquiétudes qui s'étaient manifestées, chacun a pu trouver sa place dans l'organisation, qui avait été pratiquement décidée dès février. Je pense que c'est le résultat de la concertation menée avec les parties prenantes, qui a été extrêmement intense. Outre qu'elle a permis d'apporter des réponses, elle a surtout permis aux uns et aux autres de s'apprivoiser. C'est pourquoi les inquiétudes n'ont pas empêché la conviction que ce nouvel ensemble avait du sens, y compris en interne : s'ouvrir à des domaines scientifiques nouveaux renforce l'attractivité des métiers et l'intégration dans un ensemble plus large multiplie les opportunités d'évolution professionnelle.

Nous dialoguons aujourd'hui avec les partenaires sociaux, de manière très constructive, afin d'harmoniser les conditions statutaires des personnels des deux anciennes agences. Je puis dire, je le crois, que cette fusion s'est passée aussi bien que possible. Je ne sous-estime pas le chemin restant à parcourir. Je ne minimise pas les différences qui demeurent ni les inquiétudes qui peuvent encore se faire jour. Mais c'est ainsi que, dans le respect mutuel, nous pourrons durablement construire un futur commun.

Nous avons le projet de construire sur le campus de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort un bâtiment qui permettra de regrouper toutes nos équipes en un même lieu. Ce choix est le plus économique, sachant que sont déjà implantés sur ce site deux laboratoires employant plus d'une centaine de personnes. Ce regroupement constituera une étape importante car l'actuelle dispersion géographique constitue clairement un handicap.

L'ANSES est placée sous la tutelle de cinq ministères, je l'ai dit, et ses crédits relèvent de quatre programmes, celui du ministère de l'écologie se subdivisant en une subvention générale et une subvention spécifique pour les programmes de recherche santé-environnement. Toutes nos dotations budgétaires augmentent, à l'exception de celle en provenance du ministère du travail. Celle du ministère de l'agriculture progresse fortement du fait d'un rebasage à hauteur de 5,4 millions d'euros au titre des investissements ainsi que de l'intégration à l'Agence du Laboratoire national de la protection des végétaux à compter du 1er janvier 2011– 8 millions d'euros sont prévus à cet effet. Mais à périmètre constant et hors abondement lié aux investissements, elle diminue. Celle du ministère de la santé régresse de même légèrement, si l'on fait abstraction des 0,8 million d'euros octroyés là encore au titre des investissements. Dans un contexte budgétaire général difficile pour l'État, le rebasage – indispensable – auquel il est procédé pour nos investissements est la marque de l'importance donnée à nos missions.

Nos effectifs diminueront de 18 ETP, soit 1,5% de l'effectif total. La fusion a permis d'optimiser les moyens des services-supports et d'économiser dix postes. Nous avons réalisé des économies partout où cela était possible sans dommage pour nos missions ni nos métiers – services financiers, administratifs, … Nous cherchons à améliorer sans cesse nos procédures internes et des investissements informatiques devraient nous permettre de progresser encore dans cette voie.

Les missions de l'ANSES sont-elles trop larges ? J'ai pleinement conscience de l'ampleur de nos responsabilités. Nous avons affaire à des enjeux complexes, variés, avec des incidences économiques et sanitaires potentiellement considérables. Nous nous devons d'être toujours prêts à intervenir en cas de crise. Nous nous appuyons sur un réseau de quelque 800 experts externes, aux compétences très diverses. L'un de nos objectifs est de continuer d'attirer les meilleurs chercheurs. De ce point de vue, la fusion constitue un atout, faisant disparaître le risque de concurrence entre agences et limitant celui d'avis divergents, qui désorientent toujours nos concitoyens. Outre qu'elle permet d'optimiser les moyens, la fusion est aussi gage d'une meilleure cohérence, garantie par la généralisation de process transversaux. Nous avons notamment mis en place un comité de traitement des saisines afin de veiller le plus en amont possible à la cohérence des approches. Le défi est vaste, vous le voyez, mais nous avons les moyens de le relever.

Existe-t-il un risque que nous soyons prisonniers du prisme politique ou médiatique ? L'extrême rigueur de notre démarche vise à nous en protéger. Nos recommandations, formulées en toute objectivité, ne reposent que sur des éléments scientifiques. Reste que nous devons mieux communiquer sur nos travaux. Nous ne sommes, hélas, pas encore bien outillés pour le faire en direction du grand public. Mais les liens étroits avec l'ensemble des « parties prenantes » – associations de consommateurs, associations de victimes d'accidents du travail, ONG, organisations professionnelles, partenaires sociaux… – constituent heureusement pour nous autant de relais d'opinion. Nous devons améliorer notre site internet : nous y travaillons et cela devrait être terminé en 2011. Nous portons une large responsabilité dans la façon dont sont restitués nos travaux. L'une de nos ambitions est qu'ils fassent référence, non en tant que parole unique tant il ne saurait y en avoir dans nos domaines de compétence, mais comme base de travail facilitant la tâche de tous les acteurs chargés de la gestion, éminemment complexe, des risques sanitaires.

Vous avez cité, monsieur le député, l'exemple de l'eau et du plomb. L'une des difficultés que nous rencontrons, notamment auprès des acteurs et du grand public, est de faire comprendre la différence entre danger et risque. L'expologie, qui fait le lien entre la présence d'une substance toxique dans l'environnement et l'apparition d'un dommage, constitue l'essentiel de notre travail. Cela exige de croiser beaucoup de données. Ainsi dans le domaine alimentaire, il faut, pour évaluer l'exposition réelle à un risque, croiser les résultats d'enquêtes très fines sur les habitudes de consommation alimentaire sur une longue période et ceux d'enquêtes dites d'alimentation totale (EAT) visant à identifier tous les résidus contaminants susceptibles d'être retrouvés dans 20 000 aliments. De 39 contaminants analysés il y a quelques années, on est arrivé aujourd'hui à 280. Pour jouer pleinement notre rôle de veille, nous travaillons sur une palette extrêmement large de substances, bien au-delà des exigences posées par la réglementation. Il nous appartient de faire comprendre que ce n'est pas parce qu'une substance est intrinsèquement porteuse de dangers qu'il y a nécessairement matière à légiférer ou réglementer à son sujet. Le niveau d'exposition réelle peut en effet être si faible qu'il conduit à un niveau de risque acceptable. Mais ce n'est pas là message facile à faire entendre !

Les organisations syndicales avaient exprimé diverses inquiétudes quant à la fusion des deux agences. Les grands acteurs qui étaient les interlocuteurs privilégiés de l'AFSSET demeurent dans la nouvelle organisation. J'ai veillé à ce que les équilibres antérieurs soient préservés dans la nouvelle équipe de direction. Garantie a aussi été apportée que les crédits alloués par le ministère du travail dans le domaine de la santé au travail seront intégralement préservés et que les appels à projets de recherche dans les domaines santé-environnement et santé au travail ne seraient pas remis en cause. Bien au contraire, nous pourrons impulser de nouvelles recherches. C'est important, car sur un certain nombre de sujets, nous manquons de connaissances scientifiques pour procéder à l'évaluation des risques.

Une autre avancée est que désormais l'ensemble des acteurs représentés au conseil d'administration de l'Agence peuvent la saisir sur tout sujet d'intérêt général justifiant la mobilisation de moyens publics. Nous tenons à cet esprit d'ouverture. Une organisation syndicale nous a ainsi saisis sur le sujet de l'exposition des travailleurs au bitume, une association de consommateurs sur celui des revêtements d'ustensiles culinaires en Teflon susceptibles de contenir de l'acide perfluorooctanoïque (PFOA). L'Agence a de surcroît la possibilité de s'autosaisir, et elle le fait couramment. C'est la garantie de son indépendance.

Pourquoi avoir choisi l'acronyme ANSES ? Nous avons cherché, en faisant d'ailleurs appel à des compétences externes, un sigle facile à retenir et à prononcer, en France comme à l'étranger. « ANSSAET » était imprononçable. Nous reste maintenant à faire connaître notre sigle.

L'ANSES peut-elle demain constituer un pôle d'expertise sur le modèle de la FDA américaine ? Elle a en tout cas l'ambition d'être un pôle fort, aussi reconnu à l'étranger que l'est la FDA. Cela étant, le mode de fonctionnement des deux agences est très différent puisque la FDA n'a pas seulement la responsabilité de l'évaluation des risques, mais aussi de leur gestion – sans compter qu'elle s'occupe également des médicaments. Une distinction nette entre les missions d'évaluation et de gestion des risques me paraît gage de clarté. Le regroupement de l'AFSSA et de l'AFSSET présente un autre intérêt. Tous les pays qui possèdent des agences sanitaires ont été confrontés, par exemple dans le cas du bisphénol A, à des différences d'approche entre les agences du type AFSSA et celles du type AFSSET. Cela a été le cas aux Etats-Unis entre la FDA et l'EPA, en Allemagne entre le BfR et l'UBA… En un sens, l'ANSES internalise la complexité d'un sujet comme celui des perturbateurs endocriniens sur lequel la communauté scientifique elle-même est assez divisée. Elle peut ainsi d'ailleurs mieux comprendre l'origine des différences d'approche.

Notre quintuple tutelle est-elle source de difficultés, du moins de complexité accrue ? Non. Depuis un an, la coordination a été totale entre les cinq ministères qui, tous, travaillent dans un esprit le plus constructif possible. Un comité regroupant les cinq directeurs généraux des administrations concernées se réunit régulièrement pour faire le point. Les cinq ministères trouvent intérêt à la plus grande transparence que permet la nouvelle organisation.

Manque-t-on de spécialistes dans certains domaines ? C'est indéniable : il n'y a pas assez en France d'écotoxicologues ou d'entomologistes – les compétences de ces derniers nous seraient très utiles pour l'étude des maladies vectorielles. L'un des grands enjeux pour l'Agence est d'être attractive vis-à-vis la communauté scientifique, de façon que les meilleurs chercheurs acceptent de mettre leur expertise à son profit. Sur ce plan, une agence unique est un atout.

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