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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 19 décembre 2007 à 15h00
Pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce :

L'improvisation du Gouvernement est au moins égale à l'imagination dont vous faites preuve, cher collègue.

Ces mesures sont enfin excessivement coûteuses, et c'est peut-être là que le débat est le plus douloureux pour vous et pour le pays. En prétendant distribuer du pouvoir d'achat via les heures supplémentaires, vous déconnectez l'évolution des rémunérations de celle de la valeur créée. Ce faisant, vous encourez le reproche de favoriser les effets d'aubaine – je n'y insiste pas – et de produire par ricochet, ce qui est un comble, des effets indirects et négatifs sur le pouvoir d'achat, puisqu'il faudra bien compenser d'une manière ou d'une autre, dans le budget de l'État ou dans celui de la sécurité sociale, les exonérations sociales et fiscales que vous accordez généreusement alors que les caisses sont vides.

M. Woerth nous a dit que nous aurions des réponses dans un certain temps. Il serait temps que les réponses arrivent, car les caisses se vident – et cela, c'est concret. Ces exonérations, je le souligne, ne sont gagées par aucune progression de l'activité, laquelle ne dépend pas de votre loi, mais des commandes et du niveau général de la croissance.

La triste réalité, c'est que la situation vous échappe et que vous vous livrez à un exercice d'improvisation qui serait peut-être acceptable si la situation de nos finances publiques et sociales n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. Ne serait-il pas temps, madame la ministre, de revenir à la raison ?

Ne serait-il pas souhaitable que vous vous appliquiez à vous-même les recommandations que vous nous faisiez, nous répétant sans cesse de ne pas utiliser la durée du travail à des fins qui n'ont rien à voir avec l'objet de cette réglementation. C'est pourtant ce que vous faites, car vous voulez utiliser la durée du travail – sans résultat d'ailleurs, comme on peut facilement le démontrer – pour favoriser le pouvoir d'achat. Votre argumentaire contre les 35 heures s'en trouve, permettez-moi de vous le faire remarquer, singulièrement affaibli.

Où se trouve en effet la source de nos difficultés ? Tous les économistes s'accordent désormais sur ce point : il s'agit de l'insuffisance de notre croissance, qui fait que notre richesse nationale est désormais inférieure de près d'un tiers à celle des États-Unis. Ce constat est d'ailleurs valable pour l'ensemble de l'Union européenne.

Cet écart est dû d'abord, pour un tiers, à une productivité insuffisante – que n'en faites-vous d'ailleurs une priorité, plutôt que d'amuser la galerie avec des dispositifs bricolés hâtivement ! Il est dû, pour un second tiers, à la faiblesse de notre taux d'emploi, en particulier des jeunes et des seniors, pour lesquels nous attendons toujours le commencement du début d'une proposition, et, pour un tiers enfin – pour un tiers seulement, devrais-je dire –, à la durée du travail. Pourquoi, alors, plutôt que de faire de la durée légale du travail une tunique de Nessus, ne pas laisser aux partenaires sociaux, par branche professionnelle, le soin d'en discuter ? Il faut, j'y insiste, dans l'intérêt de notre économie, de nos entreprises et des salariés, cesser de faire de la durée du travail l'enjeu de polémiques politiques stériles.

Fixée à 35 heures, la durée légale du travail est désormais une donnée à laquelle vous ne pouvez pas échapper. Vous ne pouvez pas réellement vous y attaquer sans remettre en cause l'équilibre d'accords complexes conclus dans la grande industrie ni susciter une très forte réaction de la part des salariés qui en bénéficient. Son relèvement uniforme n'aurait d'ailleurs aucun sens d'un point de vue économique ni en termes d'emploi.

Cependant, les exceptions à cette durée, que vous multipliez, complexifient la législation, créent la confusion et coûtent cher à nos finances publiques. Ne serait-il pas temps de clore cette querelle et de redéfinir une bonne fois les rôles respectifs de l'État et des partenaires sociaux sur ce sujet ?

À l'État, la durée légale, les durées maximales, les jours de repos et le taux de base de rémunération des heures supplémentaires ; tout le reste, aux partenaires sociaux, dans le cadre d'accords majoritaires, ce qui suppose que vous ayez fait la réforme de la représentativité pour prendre en compte la réalité mouvante de la situation des branches professionnelles.

Il est vrai que nous avons, pour notre part, chercher à jouer sur la durée du travail pour favoriser l'emploi.

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