Ces conditions sont symptomatiques de votre mépris pour le travail parlementaire, et plus généralement pour le débat démocratique.
Examen à marche forcée, absence de concertation : ce sont les mêmes recettes que vous avez appliquées, avec le succès que l'on constate, pour la réforme des retraites, dont ce texte poursuit la logique de transfert vers les assurés sociaux d'une part toujours plus grande des dépenses de protection sociale.
Le temps dont nous avons disposé pour étudier ce texte est inversement proportionnel à l'autosatisfaction manifestée par le Gouvernement.
Pourtant, il n'y a vraiment pas de raisons de se réjouir : le déficit prévu cette année sera le second plus important de l'histoire de la sécurité sociale, après celui de l'an dernier ; toutes les caisses sont dans le rouge et ont unanimement rejeté votre projet de loi, ce qui est exceptionnel.
Pour tenter de contenir ce déficit, vous présentez de ridicules mesures de maîtrise des dépenses qui, si elles n'ont qu'un effet homéopathique sur les déficits, sont autrement plus dommageables en ce qui concerne l'accès aux soins de nos concitoyens.
Quant aux hôpitaux publics, qui sont au bord de l'asphyxie depuis quelques années, ils sont aujourd'hui maintenus en respiration artificielle.
Nos concitoyens, qui ont de plus en plus de mal à faire face aux dépenses de santé, payent le prix de votre inaction.
Le reste à charge a considérablement augmenté, notamment depuis 2005. À partir de cette date sont en effet venus s'ajouter au forfait hospitalier : la participation forfaitaire de 1 euro pour chaque acte réalisé par un médecin ou analyse de biologie médicale ; la participation forfaitaire de 18 euros sur les actes supérieurs à 91 euros ; la pénalité pour les consultations hors parcours de soins ; la baisse du remboursement, voire le déremboursement total, d'un certain nombre de médicaments ; les franchises médicales ; et, cette année, de nouveaux déremboursements de médicaments et de dispositifs médicaux.
Le mensuel Que choisir a calculé que les dépenses en volume qui restent à la charge des ménages ont augmenté de 50 % sur la période courant de 2001 à 2008, quand, dans le même temps, le revenu disponible des ménages ne progressait que de 29 %.
Aujourd'hui, le reste à charge pour les personnes qui ne sont pas en ALD est estimé à 45 % des dépenses de santé. Encore ce calcul n'intègre-t-il ni le prix des mutuelles ni les dépassements d'honoraires. Ainsi, selon le calcul de l'UFC-Que choisir, en transférant 500 millions d'euros de dépenses supplémentaires aux complémentaires, les nouvelles mesures de déremboursement prévues par ce PLFSS pourraient représenter, si elles étaient intégralement reportées sur les consommateurs, un surcoût annuel des primes d'assurance santé de 22 euros par personne. Quant à la taxe sur les contrats d'assurance elle pourrait entraîner un surcoût de 26 euros par an de ces mêmes primes d'assurance.
Il faut encore ajouter les dépassements d'honoraires que vous refusez de plafonner dans la loi, malgré nos demandes réitérées. Ils sont de plus en plus indécents et ne sont pas pris en compte dans le calcul du reste à charge. Ils sont particulièrement lourds pour les actes chirurgicaux. Que choisir en donne quelques exemples édifiants : 1 142 euros à la charge d'une femme ayant dû subir une hystéroscopie avec curetage, et cela après déduction des remboursements de sa mutuelle ; 612 euros pour une opération de la prostate ; et jusqu'à 4 500 euros de dépassement pour la pose d'une prothèse de la hanche dans une clinique huppée dont je tairai le nom, mais que vous pouvez trouver dans cette publication.
Une étude du CREDOC publiée en juillet dernier montre que le sentiment d'être mieux soigné lorsque l'on a de l'argent ou des relations et de vivre dans un système de soins à deux vitesses s'est diffusé dans la société française. La proportion de nos concitoyens qui déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons budgétaires est ainsi passée de 3 % en 1980 à 13 % aujourd'hui, avec une forte dégradation à partir de 2005. Il n'y a donc vraiment aucune raison de se réjouir.
La pénurie médicale, contre laquelle vous ne faites pas grand-chose, vient encore aggraver ces difficultés d'accès aux soins. Je ne comprends pas pourquoi vous persistez dans votre refus de donner à la filière universitaire de médecine générale les moyens de son développement, alors que cette discipline, pilier de notre système de santé, est l'une des plus touchée par le manque de médecins.
Quelques mesures courageuses figuraient dans la loi HPST, telle la déclaration d'absence des médecins de ville, qui permettait d'organiser la permanence des soins, dont je rappelle qu'elle concerne tous les médecins, et pas seulement les généralistes. Hélas, vous êtes revenus sur ces mesures – ce qui prouve, au passage, que vous pouvez revenir sur un texte voté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est dans les hôpitaux publics que l'asphyxie de notre système de santé est la plus forte et la plus visible. La généralisation de la tarification à l'activité vous donne la possibilité de réduire de façon drastique les budgets des hôpitaux. À force de supprimer des postes et des services, ça craque de tous côtés et nous sommes parvenus aujourd'hui à un point de rupture.
La situation à l'AP-HP en fournit une édifiante illustration. La réduction du personnel soignant et non soignant soumet ceux qui restent à une formidable pression, à des cadences de travail infernales, voire au harcèlement de leur direction, jusqu'au moment où le dévouement fait place à la fatigue, au découragement et à l'arrêt maladie de trop, qui finit de dégrader la situation. C'est ce qui s'est passé au début du mois dans le service des urgences de l'hôpital Tenon qui a dû fermer, faute de personnel. Nous n'avions encore jamais vu ça !