Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Bur

Réunion du 26 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général :

Madame la présidente, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, au sortir d'une crise financière exceptionnelle qui aura durement impacté les finances publiques comme les finances sociales, ce PLFSS, que je qualifierai de convalescence, illustre à la fois les dégâts financiers causés par cette crise et les défis qui sont encore devant nous.

Alors que nous n'arrêtons pas, depuis quinze ans, de courir derrière un équilibre financier dont l'horizon, hélas, semble toujours s'éloigner, alors que notre pays a été et reste incapable de générer une croissance forte et durable, il s'agit pour nous d'apporter enfin de vraies réponses aux défis qui se posent à la France et qui sont la condition de tout redressement.

Ces défis sont de trois ordres.

Comment renforcer la compétitivité du « site France » pour créer plus de croissance, plus d'emplois et plus de richesses au service des Français ?

Comment renoncer aux facilités des déficits et de l'endettement social, et imposer l'équilibre des dépenses sociales comme la norme et non plus l'exception budgétaire, s'agissant des dépenses courantes ?

Comment accélérer les réformes structurelles de notre système de soins, pour le rendre réellement plus performant, à dépense égale ?

Alors que la crise constitue, pour tous les pays qui nous entourent, une occasion de revoir et moderniser le fonctionnement de leurs États et de l'ensemble de leurs dispositifs de solidarité, alors que l'Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas, sans parler bien sûr de l'Espagne ou de la Grande-Bretagne, taillent résolument dans les dépenses publiques, qu'ils considèrent comme un handicap incompatible avec une compétition européenne et internationale féroce, serons-nous les derniers à entretenir l'illusion que seule la France pourra continuer à financer à crédit un millefeuille social qui semble être hors de contrôle de toute volonté politique ?

Notre premier devoir, c'est l'ardente obligation de replacer la France dans une situation de compétitivité offensive afin de mieux profiter de toutes les opportunités de la globalisation et de la croissance mondiale.

Dans un rapport que j'ai remis au Premier ministre l'an dernier, j'avais souligné cette priorité pour sortir notre pays, pour sortir le « site France », d'une léthargie économique qui nous condamnerait longtemps encore à une croissance limitée à 1 ou 1,5 % du PIB.

Comme l'Allemagne, nous devons tout faire pour que nos entreprises redeviennent les fers de lance de la croissance en encourageant l'innovation, en supprimant toute bureaucratie inutile et en les allégeant de toutes charges qui ne sont pas liées au travail et à l'emploi.

Nous devons faire nôtre ce principe : ce qui est social, c'est ce qui donne du travail.

À cet égard, comme me l'avait demandé le Président de la République, j'avais proposé de substituer au financement de la branche famille par les entreprises un cocktail de contributions, dont la plus emblématique était une augmentation de la TVA de l'ordre de trois points, une TVA compétitivité, pour stimuler nos entreprises et faire participer les importations au financement de notre protection sociale.

Quoi qu'il en soit, il me paraît urgent, mes chers collègues, de faire de la compétitivité notre première priorité.

Seule une France plus compétitive, plus offensive, peut renouer avec une croissance durablement plus forte que les 1,5 % réalisés en moyenne au cours de ces dix ou quinze dernières années. C'est là que se situe la clé des emplois futurs, c'est là que se situe aussi la clé de l'équilibre des finances sociales.

Notre deuxième devoir, c'est de faire de l'équilibre des finances sociales la norme et non plus l'exception, une exception qui n'est que l'expression d'une fuite en avant illustrée il y a quelques heures encore par la préférence donnée aux facilités d'une dette perpétuellement étalée.

La sauvegarde d'une protection sociale solidaire ne sera durablement assurée que par un équilibre financier structurel.

Cela passe bien évidemment par la modernisation de notre millefeuille social, illustration d'un empilement galopant de droits nouveaux qui deviennent autant de droits acquis pour l'éternité, leur financement se faisant évidemment à crédit. Ce millefeuille social est indigeste pour les finances sociales, il pèse sur la croissance et le dynamisme économique et hypothèque gravement l'avenir pour nos jeunes.

Certes, nous devons nous réjouir – il faut le dire et le répéter – que le déficit pour la sécurité sociale soit moindre que prévu en 2010. Il se situe malgré tout à plus de 27 milliards d'euros, FSV compris, et sera encore de 26 milliards en 2011 !

Ce qui devrait nous inquiéter encore davantage, c'est la résistance des déficits à l'horizon 2015, malgré des hypothèses de croissance très volontaristes, pour ne pas dire trop optimistes : une croissance du PIB de 2,5 %, et de la masse salariale de 4,5 %, jusqu'en 2014.

Le vrai défi pour les finances sociales, c'est d'en assurer l'équilibre pour une croissance moyenne du PIB se situant entre 1 et 1,5 %.

Un tel équilibre permettrait d'espérer la constitution de quelques réserves dès que la croissance serait supérieure à ce niveau, pour compenser les déficits inévitables en période de ralentissement économique.

Un tel objectif pourrait être envisagé si la réforme des retraites, dont nous assurons le financement jusqu'à l'horizon 2018, était complétée par un financement supplémentaire pour l'assurance maladie. En effet, la préparation de ce PLFSS a illustré la difficulté de mobiliser des économies supplémentaires portant sur la dépense de santé sans toucher au niveau de prise en charge.

La seule réponse à ce nouveau déficit structurel ne peut pas être le désengagement de l'assurance maladie au profit des assurances complémentaires santé ou du reste à charge personnel ; et ce d'autant plus que, dans le même temps, des taxes nouvelles sur les assurances santé sont imposées pour financer in fine la branche famille, dont le financement est devenu incertain en raison du tour de swap-swap destiné à rassurer les marchés sur la solidité du financement de la CADES.

Dans le cadre de la feuille de route pluriannuelle, cette réflexion s'impose : après la réforme des retraites, c'est la réforme du financement de l'assurance maladie qui est urgente.

Troisième piste de réflexion qui s'impose : comment accélérer les réformes structurelles de notre système de soins pour le rendre réellement plus performant, à dépense égale ?

Les programmes d'économies visant à limiter l'évolution des dépenses – 2,4 milliards d'euros pour 2011 afin de limiter l'évolution de l'ONDAM à 2,9 % – sont de plus en plus difficiles à boucler. Ils le seront davantage encore à l'avenir si l'on ne souhaite pas entamer le coeur même de la solidarité face à la maladie.

Ce qui me préoccupe aujourd'hui, c'est de savoir si nous disposons des moyens pour optimiser de façon soutenue le parcours de soins.

En effet, si les mesures d'économies annuelles semblent encore incontournables, malgré la difficulté, cette approche par la maîtrise des dépenses reste trop ponctuelle et ne semble plus à la hauteur des enjeux.

La mise en place des ARS, madame la ministre, trouve ici tout son sens. Elles devraient être les pilotes d'un parcours de soins optimisé : chaque malade doit être pris en charge là où son état l'exige ; chacun doit bénéficier des soins de qualité requis par son état de santé, avec le souci de l'efficience. C'est à ce prix que nous pourrons enfin économiser des dépenses hospitalières encore excessives par rapport à nos voisins européens.

Ainsi, j'avais estimé à 2 milliards d'euros les économies possibles si les 18 % de personnes séjournant à l'hôpital alors que leur état ne l'exige pas étaient mieux prises en charge en amont comme en aval.

Comment mesurer la performance du parcours de soins afin de pouvoir mesurer celle de notre système de santé ? Voilà un indicateur qui me paraît bien plus opérationnel que les programmes de qualité et d'efficience, qui me semblent bien sommaires par rapport à cet enjeu.

Il est impératif, à cet égard, de renforcer rapidement les systèmes d'information, de pousser le dossier médical, qui a vocation à être un outil au service de la qualité comme de l'efficience.

Sans système d'information réactif, le pilotage de notre système de santé permettra à tous les conservatismes, à tous les corporatismes, de retarder, année après année, les évolutions nécessaires.

L'accélération nécessaire et incontournable de ces réformes structurelles au quotidien ne nous dispensera pas pour autant d'une réflexion sur les recettes supplémentaires dont a besoin notre système de santé.

À défaut de trancher, nous continuerons de régler cette insuffisance de financement par la dette : longue vie à la CADES !

Je conclurai, madame la présidente, en rappelant qu'il est malsain de vouloir rassurer les créanciers de la dette sociale au détriment du financement de la sécurité sociale. Il est essentiel qu'un financement pérenne et dynamique soit garanti à l'assurance maladie comme à la branche famille.

Nous aurons l'occasion, tout au long de ce débat, de finaliser le financement de la réforme des retraites, de gager la reprise d'une dette de 130 milliards d'euros par la CADES, tout en préservant la solidarité face à la maladie grâce un objectif de dépenses qui augmentera de 2,9 %.

Personne ne peut sérieusement affirmer que nous rationnons notre système de santé, alors qu'il bénéficiera d'une rallonge de 4,6 milliards d'euros en 2011.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion