Je vous remercie de m'avoir invité à exposer l'action de la direction générale de l'armement (DGA) dans le cadre de l'examen par votre commission du projet du budget de la défense pour l'année 2011.
Après une année 2009 exceptionnelle tant par l'emploi des crédits, dont le niveau a été accru dans le cadre du plan de relance, que par le niveau des commandes pluriannuelles passées, l'année 2010 aura été une année de transition. C'est vrai sur le plan financier, à la fois parce que le basculement du ministère vers le progiciel de gestion financière Chorus s'est révélé plus délicat que prévu et parce que l'effort de maîtrise de l'endettement de l'État ne sera pas sans conséquences sur le projet de budget triennal 2011-2013. C'est vrai aussi sur le plan de la modernisation du ministère de la défense, avec la mise en place effective du comité ministériel d'investissement, présidé par le ministre, et la finalisation des textes instaurant la nouvelle gouvernance. La DGA a par ailleurs poursuivi dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) les évolutions qui doivent lui permettre de conduire sa mission dans un format resserré et pour un coût d'intervention réduit : ses effectifs s'établiront à 11 300 personnes à la fin de l'année, au lieu de 14 500 en 2007, avec une cible à 9 800 personnes en 2014.
L'année 2010 est également celle du changement de gouvernement au Royaume-Uni et de la relance de la coopération entre nos deux pays, sur fond de fortes contraintes budgétaires. Le prochain sommet franco-britannique du 2 novembre ouvrira probablement une page supplémentaire des relations bilatérales.
En 2010, la DGA a participé à la modernisation de l'outil de défense avec la réception le 20 septembre du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE NG) Le Terrible, avec la mise en service opérationnel le 21 septembre du missile M 51, et avec celle de l'ASMP-A sous le Rafale en juillet à Saint-Dizier et à Istres. Les échéances qui nous avaient été fixées en matière de dissuasion nucléaire par les plus hautes autorités de l'État ont donc été respectées jusqu'à présent. La prochaine étape est le chargement du SNLE Le Terrible avec sa dotation de missiles M51 et son départ en patrouille.
J'aimerais vous détailler en quelques mots les conditions de l'exécution budgétaire en 2010. Hors plan de relance, les engagements pour le programme 146 se monteront à près de 9 milliards d'euros en fin d'année et les paiements à 11 milliards environ ; ces chiffres sont donnés hors impact de la norme de dépense, qui n'est pas encore fixée par Bercy, et en supposant que les sommes prélevées au titre du décret d'avance sur les opérations extérieures seront effectivement remboursées. Les ressources attendues en 2010 sur le compte d'affectation spéciale (CAS) fréquences, soit 600 millions d'euros, ne seront pas disponibles ; cela se traduira par un report de charges d'environ un milliard d'euros fin 2010 pour le programme 146. Nous constatons, en ce domaine, une dégradation par rapport à la situation constatée fin 2009. S'agissant de la part de la DGA dans le programme 144, nos prévisions d'engagements et de paiements s'établissent respectivement à 620 et 720 millions d'euros environ pour les études amont contractualisées avec l'industrie.
Je reviens brièvement sur le progiciel Chorus. Les spécificités du ministère de la défense, et en particulier celles de la DGA, notamment la complexité des marchés d'armement, ayant été largement sous-estimées par l'agence pour l'informatique financière de l'État, le basculement vers le progiciel Chorus a très fortement perturbé notre gestion en 2010. De graves difficultés en ont résulté. Notre objectif premier a été d'éviter les défaillances des fournisseurs, singulièrement les PME. À ce jour, les difficultés majeures ont été évitées. Mais le nombre de factures encore en stock est encore d'environ 2 000 pour les études amont du programme 144 pour un montant de 150 millions d'euros et de l'ordre de 10 000 pour le programme 146 pour un montant de près de 1,2 milliard d'euros. Dans l'état actuel des choses, la situation ne reviendra pas à la normale avant la fin de l'année. Ces difficultés se traduiront par une augmentation des intérêts moratoires qui pourraient s'élever à plus de 30 millions d'euros au titre de la gestion 2010. Il reste de plus à vérifier si, une fois le fonctionnement normal atteint, les gains de productivité promis par Chorus seront effectivement au rendez-vous.
Beaucoup de commandes pluriannuelles ayant été passées en 2009, peu de commandes emblématiques étaient prévues en 2010. Nous avons commandé la réalisation de la composante spatiale optique de MUSIS et des travaux de la première indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) du premier SNLE NG au cours de laquelle sera réalisée l'adaptation au nouveau missile balistique M 51. La négociation de l'avenant au contrat A400M, destiné à mettre en oeuvre l'accord dont je vous ai présenté les grandes lignes en mars dernier, se poursuit entre les États participants et Airbus Military Sociedad Limitada, l'objectif étant une notification avant la fin de l'année.
J'ai mentionné les livraisons intervenues en 2010 dans le domaine de la dissuasion. Pour les armements conventionnels, je signale la livraison, attendue depuis bien longtemps, des premiers hélicoptères NH 90 NFH pour la marine, dont l'évaluation opérationnelle se déroule de façon satisfaisante, tout comme celle des premiers systèmes FELIN.
Pour ce qui est de la tenue des coûts, la DGA a maintenu sa performance de gestion à un niveau satisfaisant : en 2010, la hausse moyenne des devis, pour l'ensemble des opérations d'armement du programme 146, sera largement inférieure à 1 %, en incluant l'impact de la renégociation du contrat A400M, qui représentait à la fin du mois d'août 0,6 % de la hausse à lui seul. C'est en matière de maîtrise des délais des programmes que l'effort doit manifestement être poursuivi, tant par la DGA que par les industriels : fin août, nous en étions à 1,7 mois de retard pour un objectif de 2,25 mois. Toutefois, la situation de cet indicateur tient pour une grande part à l'A400M, ainsi qu'à un arbitrage en faveur de l'exportation d'un hélicoptère Caracal qui a été prélevé à cette fin sur la chaîne de production parmi les appareils initialement prévus pour équiper nos forces.
Les commandes pour les urgences opérationnelles devraient représenter 160 millions d'euros en 2010, la moitié portant sur des dispositifs de protection du combattant. Le délai moyen entre la réception de la demande de l'état-major des armées et la commande au fournisseur est de quatre mois, ce que l'on peut juger très satisfaisant, d'autant que dans certains cas nous avons l'obligation de mener une mise en compétition des fournisseurs.
Sur le plan européen, la relation franco-allemande au plan de l'armement est relativement atone. Un groupe d'impulsion a été créé en septembre sur décision des deux ministres de la défense pour tenter de relancer la coopération bilatérale ; les perspectives ouvertes avec l'Allemagne restent malheureusement assez minces à ce stade. Nous attendons la présentation du nouveau programme au Bundestag par le ministère de la défense allemand en novembre prochain pour mieux apprécier les opportunités à venir. Une semblable relance de la coopération a été engagée avec l'Italie qui est le pays avec lequel nous avons le plus grand nombre de projets en cours. Enfin, un rapprochement a été engagé avec le Royaume-Uni à l'occasion de sa revue stratégique de défense et de sécurité. Ceci devrait se concrétiser lors du sommet franco-britannique du 2 novembre prochain en particulier dans le domaine des programmes et de la R&T et dans le domaine industriel.
Pour ce qui concerne l'OTAN, je soulignerai la nomination de Patrick Auroy, précédemment directeur général adjoint de la DGA, au poste de secrétaire général adjoint de l'Alliance pour les investissements de défense. C'est la première fois que ce poste n'est pas occupé par un Américain. Au sommet de l'OTAN qui se tiendra à Lisbonne le 20 novembre prochain seront abordés notamment la défense anti-missiles balistiques et la cyber-défense, pour lesquelles des décisions structurantes pour les années à venir pourraient être prises.
J'ai dit que l'effectif de la DGA s'établira à 11 300 personnes à la fin 2010. Le resserrement des effectifs se fait conformément aux prévisions. Les fermetures de sites et notamment celles du laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques et de l'établissement d'Angers, où sera tout de même maintenue une antenne avec les pistes d'essais, sont des opérations lourdes qui demandent du temps, en particulier pour traiter l'avenir des personnels avec toute la considération requise. Nous nous efforçons de ne laisser personne au bord du chemin et pour le moment nous sommes parvenus à trouver un emploi pour chacun.
S'agissant des exportations, les perspectives de commandes 2010 sont d'environ 5 milliards d'euros, hors commande Rafale, et les prises de commande s'établissent à ce jour à quelque 3 milliards ; la régression sera assez nette au regard des 8 milliards de commandes enregistrées en 2009. Les résultats constatés sont inférieurs aux prévisions dont nous vous avions fait part lors de l'examen du PLF 2010. Outre que l'absence de contrats étrangers pour le Rafale pénalise les prises de commandes de nos exportations, elle a des conséquences sur notre programmation car des dispositions contractuelles nous obligent à maintenir une production de onze avions par an, ces appareils étant affectés à nos forces faute de client export.
Le dispositif d'accompagnement des exportations créé pour donner suite au rapport de M. Yves Fromion porte néanmoins ses fruits. La coordination entre les services est infiniment meilleure, grâce, notamment, à l'animation très efficace conduite par M. Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet du Premier ministre.
J'en viens au projet de loi de finances pour 2011. Il marque une inflexion par rapport à la trajectoire de ressources prévues au titre de la loi de programmation militaire (LPM) en raison de l'exigence de réduction des déficits publics. Des ajustements ont été opérés pour respecter les arbitrages d'élaboration du budget triennal 2011-2013, ce qui conduit à soustraire aux programmes d'armement dont j'ai la charge un peu plus de 2 milliards d'euros par rapport à ce que prévoyait la LPM. L'objectif d'engagement qui en résultera est de l'ordre de 10 milliards pour le programme 146, et de 700 millions d'euros pour les études amont au titre du programme 144.
Les ressources allouées aux paiements s'établiront à 9,7 milliards pour le programme 146, dont 750 millions d'euros provenant de recettes extrabudgétaires. Ce niveau contraint de ressources aggravera le solde de gestion du programme 146 d'environ 500 millions d'euros supplémentaires. Le montant des crédits alloués aux études amont au sein du programme 144 sera préservé avec un niveau d'environ 700 millions d'euros.
Les ajustements opérés dans le cadre de la construction du budget triennal consistent principalement à reporter le lancement de plusieurs programmes nouveaux. Je rappelle qu'en 2009 nous avions concrétisé beaucoup des commandes pluriannuelles avec notamment les Rafale, les frégates FREMM, les sous-marins Barracuda, les véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), le système FELIN tout en révisant à la baisse les cadences de fabrication. Ces programmes en production sont des facteurs de rigidité certains. Les ajustements réalisables sur ces programmes en cours de réalisation sont en effet maintenant extrêmement limités. Nos marges de flexibilité sont, de ce fait, modestes et portent presque uniquement sur le lancement des programmes nouveaux : c'est ce qui explique en particulier le décalage de la rénovation des Mirage 2000D et du programme MRTT.
Qu'en est-il des principales commandes et livraisons en 2011 ? Le renouvellement des composantes océaniques et aériennes de la dissuasion se poursuivra, notamment par la commande de travaux d'adaptation au missile M 51 des trois premiers SNLE NG lors de leurs IPER respectives, prévues pour s'étaler jusqu'en 2018. Le renforcement de nos capacités de frappe trouvera un prolongement dans la commande d'un troisième sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda et de 900 missiles Mistral rénovés, dans la livraison de 11 avions Rafale et de six hélicoptères d'appui et de protection Tigre qui ont fait la démonstration de leur efficacité en Afghanistan. Des armements air-sol modulaires, des missiles MICA et d'autres équipements sont également prévus.
Le soutien et la mobilité des troupes au sol seront modernisés par la poursuite des livraisons des VBCI, de petits véhicules protégés (PVP), de véhicules blindés légers (VBL), des premiers véhicules articulés chenillés à haute mobilité (VHM) et du premier NH 90 pour l'armée de terre, ainsi que par la poursuite des livraisons de NH 90 pour la marine. Quant à la fonction « Connaissance et anticipation », les livraisons principales porteront sur six POD de reconnaissance de nouvelle génération et deux AWACS rénovés.
Pour ce qui concerne la filière industrielle de la propulsion solide, onze ans après avoir été lancé, le projet Héraklès va pouvoir aboutir avec le rapprochement de SNPE Matériaux énergétiques (SME) et de Safran. L'ensemble constituera un pôle très solide qui permettra d'envisager d'autres opérations ultérieures, notamment au plan européen. La recherche de rationalisation dans les secteurs naval et terrestre sera par ailleurs poursuivie. Enfin, dans les domaines de l'électronique embarquée et de l'optronique, la France ne peut plus se permettre d'entretenir deux filières ; cela nous a conduits à chercher à rectifier les périmètres d'activité de Thales et de Safran.
Sur le plan européen, l'axe principal pour 2011 sera la mise en oeuvre avec les Britanniques des décisions qui devraient être prises lors du prochain sommet franco-britannique.
Concernant les institutions internationales, le processus de remplacement du directeur actuel de l'agence européenne de défense devrait aboutir d'ici à la fin de l'année ; le nouveau directeur devra impulser une nouvelle dynamique.
Au-delà de 2011, nous commencerons à élaborer notre contribution aux travaux préparatoires à la révision du Livre blanc et à la prochaine LPM. Nous poursuivrons aussi, je l'espère, le rapprochement franco-britannique, et nous finaliserons la mise en oeuvre de la modernisation de la DGA.
S'agissant de l'état d'avancement des négociations relatives à l'A400M, je peux vous indiquer qu'elles progressent normalement. Il y a un point technique délicat qui concerne le flight management system (FMS) réalisé par Thales. Airbus et Thales nous proposent une solution conduisant à augmenter le nombre de standards de l'avion, proposition que nous étudions avec circonspection. Des dispositions financières contractuelles, prenant la forme de rétentions de paiement, sont en cours de négociation afin de garantir la mise à hauteur par l'industriel de tous les aéronefs aux standards successifs. Les discussions sur le projet d'avenant ont progressé récemment. L'objectif est de les avoir conclues pour le 5 novembre prochain. Cela permettrait la signature du document avant la fin de l'année 2010. Dans le même temps, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France mettent en place avec Airbus le dispositif d'aide financière à l'exportation, dit export levy facility. Les nouvelles bases du programme sont donc à présent établies. L'attention se portera donc à présent sur la suite des travaux de développement de l'appareil. L'avion est actuellement en phase d'essai en vol et se comporte excellemment, mais nous apporterons une grande vigilance à la bonne exécution des travaux par l'industrie. La première livraison d'un A400M à l'armée de l'air française est prévue en 2013 dans un premier standard opérationnel. Les standards s'échelonneront ensuite jusqu'en 2018 ; les derniers standards portent sur des fonctionnalités plus particulièrement requises par la Luftwaffe.