…mais vous savez bien la difficulté, et notamment vous, monsieur de Courson, qui connaissez bien les finances publiques : il ne faudrait pas que l'État contrôle d'un côté ses finances, tandis que, de l'autre, certains dépensent allègrement. C'est ce qui se passe parfois !
J'ai déjà cité plusieurs fois M. Caresche, pour lui dire à quel point j'ai été frappé par les convergences qui existent entre nous. J'en relèverai encore une autre : il faut naturellement éviter, comme il l'a dit, le risque qu'un assainissement précipité nous conduise à une rechute, à ce que les Américains appellent un double dip.
Il ne sert à rien de cacher qu'il y a en ce moment aux États-Unis des inquiétudes devant les cures d'austérité et les réductions des déficits que l'on observe un peu partout. Les dernières en date, en Grande-Bretagne, sont tellement fortes qu'elles ont envoyé une secousse considérable jusqu'à Washington.
Est-ce que cette cure de réduction des déficits publics – et j'en viens en même temps à ce qu'a dit M. Asensi – constitue un asservissement de nos économies à la logique libérale ? Je pense que ce n'est pas seulement de cela qu'il s'agit. Sur ce point, il faut faire attention. D'ailleurs, cela va peut-être vous surprendre, mais je ne suis pas totalement en désaccord avec vous. Il y a, dans ce que vous disiez, des choses qui me semblent frappées au coin du bon sens.
Il y a évidemment, dans le dérapage du capitalisme mondial, dans sa financiarisation et dans la rapacité des opérateurs financiers, l'une des causes majeures de la crise et des souffrances des peuples, auxquelles – je vous prie de le croire – je ne suis pas aveugle. Mais la solution n'est pas de continuer à dire aux Européens qu'ils peuvent vivre à crédit pour toujours.
La vérité, c'est que nous vivons à l'époque de la mondialisation. Nous, Français, avons vanté la multipolarité depuis des années. Eh bien, ça y est, nous y sommes ! Les Chinois, les Brésiliens ou encore les Turcs, bref des puissances régionales émergentes, travaillent plus et ont plus faim que nous.
Si vous dites aux peuples européens qu'ils peuvent continuer à dépenser allègrement tout en conservant leur modèle social que quelqu'un d'autre va financer, vous les condamnez à des lendemains qui vont déchanter très durement ; vous les condamnez à la faillite.
C'est pour cela que la maîtrise des déficits, la compétitivité de notre industrie, sans oublier les politiques communes que nous devons conduire en matière énergétique, industrielle et agricole – et pour lesquelles nous avons besoin de l'Europe –, sont inséparables de la protection de notre modèle social. C'est pour cela que, comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, il y a une totale cohérence entre l'engagement français en Europe – l'Europe est dans notre intérêt, pour la défense de nos valeurs et de notre modèle social – et notre effort pour rendre plus compétitive notre économie pour les emplois de demain, pour nos enfants.
Jusqu'à un certain point, je vous suis donc, monsieur Asensi ; mais pas jusqu'au bout. Il ne s'agit pas seulement d'une mise au pas des économies européennes sur le modèle néolibéral. Au contraire, nous essayons – et c'est la réponse que je voulais donner à M. Caresche – de réduire les déficits, ce qui est nécessaire, tout en évitant le risque de tuer le début de croissance que nous avons. On observe en effet un taux de croissance de 1,5 % , avec la création de 60 000 voire – bientôt, j'espère – 100 000 emplois cette année, ce qui est mieux que pas mal.
Pourquoi l'Allemagne fait-elle mieux ? On a parlé d'un décrochage ou d'un risque de décrochage par rapport à elle, mais il faut quand même dire la vérité, en l'occurrence qu'un gouvernement socialiste a fait là-bas, il y a dix ans, une cure d'austérité en réformant le coût du travail, le temps de travail et les retraites, ce qui fait qu'aujourd'hui la machine économique allemande est beaucoup plus compétitive que toutes les autres à l'exportation.