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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 25 octobre 2010 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Porte-parole des groupes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

La stratégie 2020 est, pour le moment, une coquille vide, un catalogue de bonnes intentions sans financement. Le budget européen n'est pas suffisant pour mener une politique d'investissement européenne ambitieuse.

Quant à la monnaie, l'appréciation de l'euro rend aujourd'hui illusoire toute politique de compétitivité et contribue à l'affaiblissement de l'industrie européenne.

Il est frappant de voir que les propositions visant à rendre des marges de manoeuvre financières aux pays européens ou à donner une impulsion à l'économie européenne restent jusqu'à présent lettre morte. Je pense en particulier à deux d'entre elles qui figurent dans le rapport Attali comme dans de nombreux autres documents : l'une prône la mutualisation d'une partie des dettes souveraines ; l'autre l'émission d'obligations européennes, autrement dit un emprunt pour financer les dépenses d'avenir.

Dans ce contexte, le prochain Conseil européen sera consacré au renforcement du pacte de stabilité. Il devrait reprendre dans ses conclusions le rapport de M. Van Rompuy, celles-ci intégrant également, selon un projet officieux, l'accord politique franco-allemand – M. le secrétaire d'État l'a confirmé. Je ne vais pas commenter l'ensemble du dispositif qui sera présenté : semestre européen, procédure concernant les déficits excessifs, procédure nouvelle concernant les déséquilibres excessifs, c'est-à-dire les problématiques macroéconomiques. Toutefois, il est clair que deux sujets ont été au coeur des discussions.

Il y a eu la question des sanctions : la Commission avait imaginé un processus de sanctions automatiques auxquelles le Conseil ne pouvait s'opposer qu'en réunissant une majorité qualifiée. L'accord franco- allemand a assoupli ce dispositif puisque l'automaticité ne concernera que le volet correctif de la procédure de déficit excessif et que la règle dite de la « majorité inversée » – il fallait l'inventer ! – n'est pas retenue. Le Conseil décidera de la prise des sanctions à la majorité qualifiée et il gardera donc une réelle capacité d'appréciation. C'est une bonne chose car il fallait préserver la possibilité de juger de l'opportunité de prendre des sanctions en fonction de la situation économique et politique des États susceptibles d'être concernés.

Un autre sujet a fait débat avec l'Allemagne, sur lequel M. le secrétaire d'État pourra peut-être nous apporter quelques précisions. Il s'agit de la création d'un « mécanisme permanent et robuste pour assurer un traitement ordonné des crises dans le futur », selon les termes de la déclaration franco-allemande, ainsi que la pérennisation du fonds européen de stabilisation financière qui devait disparaître en 2013. L'Allemagne a accepté la création de ce type de mécanisme, alors qu'elle y était hostile, considérant que le respect du pacte de stabilité suffisait à prévenir les crises. C'est une bonne chose car, à l'évidence, l'Europe a intérêt à signifier très clairement qu'elle viendra en aide à un pays membre pour dissuader la spéculation.

En contrepartie, la France a accepté la possibilité de suspendre le droit de vote d'un État membre qui « violerait gravement les principes de base de l'Union économique et monétaire », situation, il est vrai, fort improbable.

Ces dispositions nécessiteront une révision des traités, limitée, certes, mais toujours incertaine.

J'en viens maintenant au budget européen. Celui-ci devrait être un instrument de relance de l'économie européenne, ce qui supposerait qu'il progresse de manière significative. Plusieurs d'entre nous, sur tous les bancs, l'ont rappelé : certains économistes considèrent que le budget européen, à son niveau actuel, n'assure aucune des trois fonctions budgétaires classiques, ni la fonction d'allocation, ni celle de redistribution et encore moins celle de stabilisation. Ces économistes pensent qu'il faudrait le porter à 2 voire 3 % du PNB communautaire.

Nombreux sont ceux qui se prononcent pour une telle évolution, à commencer par le Parlement européen et la Commission. Le Parlement européen souhaitait une révision immédiate du cadre financier 2007-2013 pour financer des priorités nouvelles, comme la lutte contre le changement climatique, mais surtout pour permettre l'exercice des compétences nouvelles de l'Union qui découlent du traité de Lisbonne. Cet appel n'a pas été entendu.

Le projet de budget qui nous est proposé s'inscrit étroitement dans le cadre financier pluriannuel.

Son évolution sera limitée puisque les propositions de la Commission d'augmenter significativement les crédits d'engagement de 0,8 % et les crédits de paiement de 5,8 % ont été repoussées par le Conseil. Le Conseil a en effet décidé, à la majorité, de plafonner au mieux l'évolution des crédits d'engagement à 0,2 % et celle des crédits de paiement à 2,9 %. Il semble que la discussion ait été difficile, certains États voulant limiter l'augmentation du budget à l'inflation, voire le reconduire au niveau de 2010.

Monsieur le secrétaire d'État, on ne peut pas dire que la France se soit distinguée par son volontarisme puisqu'elle a indiqué qu'elle se réservait la possibilité de rejoindre la position des États qui ont refusé ce compromis et qui considèrent que le budget européen doit aussi participer à l'assainissement financier. À ce stade, la discussion n'est pas terminée. Le Conseil devra confirmer les décisions prises ; reste à savoir quelle position prendra notre pays.

Tout indique donc que le budget sera reconduit sans changement significatif. Ce résultat est inquiétant au moment où s'amorce la renégociation des perspectives budgétaires européennes pour 2014-2020.

Un certain nombre de pays membres sont tentés de revoir leur contribution au budget européen. Cette tentation s'était déjà affirmée avec la coalition dite d'austérité lors de la négociation du cadre financier 2007-2013. Avec la crise, cette tendance risque de s'amplifier, certains États estimant que les contraintes budgétaires ne leur permettent plus de financer le budget européen. C'est non seulement la perspective d'une évolution positive du budget européen qui est en jeu, mais c'est peut-être même, à terme, son maintien au niveau actuel.

Pour sortir de cette situation, il faut envisager de reformer le mode de financement totalement obsolète du budget européen.

Il faut d'abord revenir sur les aménagements que les pays européens ont obtenus au fil du temps, à commencer par le rabais britannique. Cette « normalisation » a déjà commencé mais devra se concrétiser dans le cadre de la discussion des nouvelles perspectives financières de l'Union.

Il faut aussi une réforme complète des ressources propres du budget communautaire qui, initialement, devaient fournir l'essentiel des apports budgétaires mais qui ont été détournées de cet objectif. Aujourd'hui ce sont les contributions des États qui assurent à elles seules près de 75 % des ressources de l'Union.

La Commission européenne travaille à la création d'une nouvelle ressource propre, seul moyen, à mon sens, d'échapper à la pesanteur des États et d'assurer des recettes pérennes et suffisantes au budget européen. Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai pas compris votre réaction extrêmement négative, à l'instar de celle de l'Allemagne et du Royaume-Uni, quand, cet été, le commissaire européen Janusz Lewandowski a évoqué cette perspective. C'est pourtant, à l'évidence, la seule perspective crédible et durable pour le budget européen. Compte tenu des difficultés de renégociation du cadre budgétaire pluriannuel qui, selon toute vraisemblance, affecteront d'abord la France, c'est aussi notre intérêt.

En effet, jusqu'à présent, la France a tiré plutôt avantage du budget européen en particulier à travers le retour qu'elle perçoit de la politique agricole commune. Mais en fait, sa situation s'est dégradée au regard des coûts et bénéfices de l'appartenance à l'Union. La contribution de la France n'a cessé d'augmenter ces dernières années, et elle est aujourd'hui le troisième contributeur net au budget européen. Le différentiel entre ce que « coûte » l'Europe et ce que « rapporte » l'Europe à la France serait d'environ 5 milliards d'euros. C'est dire que notre réputation de premier bénéficiaire du budget européen est largement usurpée !

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