Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui non seulement du traditionnel prélèvement destiné au budget européen mais aussi du prochain Conseil européen. Ce hasard du calendrier constitue une heureuse circonstance. Comment, en effet, discuter des finances communes sans aborder les grandes priorités de l'Union, sans définir les moyens par rapport aux ambitions ?
Or le prochain Conseil européen – vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État – est précisément tourné vers l'avenir. L'avenir, c'est d'abord le « gouvernement économique européen ». À cet égard, les progrès récents sont sensibles, à travers les propositions du groupe Van Rompuy, l'accord intervenu entre le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel à Deauville, qui a de nouveau marqué la force du couple franco-allemand, et les décisions déjà prises par les ministres des finances dans la perspective du Conseil européen.
Le « semestre européen », la nouvelle crédibilité du suivi et des sanctions des trajectoires budgétaires dangereuses, la pérennisation du Fonds de solidarité : je trouve heureux qu'après avoir, sous l'impulsion du Président de la République et de la Chancelière Angela Merkel, fait face rapidement et efficacement aux crises successives, l'Union européenne mette en place des politiques à plus long terme pour les prévenir, pour s'en prémunir.
Il n'est désormais plus possible de débattre de nos choix budgétaires nationaux en ignorant l'édifice européen d'ensemble, et je me réjouis que notre assemblée se saisisse de cette nouvelle donne. Car elle doit se faire entendre à Bruxelles lorsque les trajectoires budgétaires sont dessinées et évaluées, à travers, comme l'a très bien indiqué le rapporteur général du budget, une résolution sur les orientations stratégiques adoptées par le Conseil européen en mars.
Elle doit aussi débattre en avril du programme de stabilité transmis par la France aux institutions européennes. M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont d'ores et déjà proposé ce débat, et je me réjouis que, lors de la discussion, jeudi dernier, sur la loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement se soit clairement engagé devant notre assemblée à l'organiser chaque année à la mi-avril.
Pour nourrir la cohérence des démarches nationales dans un contexte européen, je propose par ailleurs de convoquer, tous les printemps, probablement en mai, une conférence budgétaire européenne rassemblant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen, à l'intérieur de la zone euro d'abord, pour débattre des grandes orientations financières de l'Europe et des États membres. Nous en parlions aujourd'hui même avec M. le rapporteur général avant l'ouverture de ce débat.
Dans le même esprit, nous devons aussi, me semble-t-il, mieux parler d'Europe dans le temps même de l'action, lorsque nous examinons la loi de finances, et réformer en conséquence la discussion du prélèvement européen. Cette discussion souffre d'une excessive technicité et n'est guère, convenons-en, un temps fort de notre examen budgétaire. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous le regrettez.
Le montant de notre contribution au budget européen, que nous approuvons, ne varie pas beaucoup d'une année à l'autre – il sera d'environ 18 % du total en 2011, soit 18,235 milliards d'euros – et est largement prédéterminé par le cadre pluriannuel. Ne pourrait-on pas enrichir son examen en débattant non seulement des priorités du budget de l'Union, mais plus généralement de la manière dont la loi de finances respecte et concrétise nos engagements européens, d'un rapide aperçu des choix opérés par nos partenaires et, surtout, d'un examen rigoureux de la cohérence des efforts consentis par les budgets nationaux, notre budget national et le budget européen, au service des objectifs communs ?
Les temps des agendas cloisonnés et indifférents, à Bruxelles et à Paris, sont révolus. La nouvelle stratégie « Europe 2020 » repose essentiellement sur la mobilisation des budgets nationaux au service d'objectifs communs, recentrés et clairement évalués. C'est à cette condition seulement qu'elle peut connaître un plus grand succès que la défunte stratégie de Lisbonne.
Il existe en effet – vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État – d'immenses gisements d'économies d'échelle, que permettrait une réelle coordination des efforts nationaux, dans la recherche, dans l'armement, comme en matière de politique industrielle.
Ce décloisonnement, cette attention prioritaire aux objectifs, quels que soient les instruments, est aussi la plus sûre voie pour sortir enfin des sempiternels débats sur la taille du budget européen et son financement, car il serait incompréhensible que, pendant que les États réduisent leurs dépenses, on augmente le budget européen.
Du côté des dépenses, ce nouvel état d'esprit exige que l'on remette les choses à l'endroit. Quels objectifs peuvent être mieux poursuivis au niveau européen ? Comment s'assurer qu'ils soient efficacement relayés dans chaque État membre ? Quelles sont les valeurs ajoutées que nous voulons créer en commun ?
Cette ambition de clarification s'étend bien, de l'autre côté, aux recettes. Sortons des débats pollués et vains, des « justes retours », des « rabais », des « rabais sur le rabais ». Il est temps de donner à l'Europe une ressource claire, une ressource stable, une ressource propre. Votre commission des affaires européennes s'est dès à présent pleinement saisie de cet enjeu. Nos collègues Marc Laffineur et Michel Delebarre ont été nommés rapporteurs, au nom de la commission des affaires européennes, sur la refonte du budget européen, et seront à même de nous proposer à ce sujet une approche réaliste et efficace.
Là encore, la clef du succès réside dans notre capacité à décloisonner les débats européens et nationaux. L'actualité nous fournit mille exemples de l'inanité des concurrences étriquées entre États, qui nous affaiblissent et nous dispersent face à la seule compétition qui vaille désormais, celle qui nous oppose aux géants de demain. Si nous ne sommes pas capables de mettre nos moyens en commun, nous risquons fort de voir notre destin nous échapper, face à la Chine, à l'Inde, au Brésil, aux puissances montantes.
Ici se joue d'ailleurs le second grand chantier du prochain Conseil européen : l'adoption d'une position commune au G20.
Grâce au Président de la République, l'Europe s'apprête à mettre tout en haut de l'agenda mondial les enjeux décisifs du nouvel ordre monétaire, de la représentativité des organisations internationales, de la sécurisation des matières premières. Et ce G20 sera bien sûr l'occasion de faire valoir les avancées réglementaires européennes en matière de supervision financière.
Sur toutes ces questions, la crédibilité de l'Europe, et avec elle la perspective même d'avancer, reposent sur notre capacité, non seulement à parler d'une seule voix, mais à agir tous dans la même direction.
La coordination budgétaire, que nous testons chaque fois que nous votons ici un budget, est la première aune à laquelle apprécier notre aptitude à penser à vingt-sept. Je suis heureux de constater que la France, dans l'esprit de responsabilité qui inspire son budget 2011, met aujourd'hui toute sa force au service de cette ambition.
Pendant des années, l'Europe a réfléchi à ses institutions ; aujourd'hui, le problème institutionnel est derrière nous. La véritable question est celle de la volonté politique de travailler ensemble, de construire des politiques communes pour pouvoir rivaliser avec les puissances montantes. L'Europe est la seule solution pour réussir dans ce monde nouveau. La commission apportera bien entendu son approbation aux propositions qui nous sont présentées aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)