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Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 25 octobre 2010 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Débat sur le prélèvement européen et préalable au conseil européen

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

…mais bien d'une discipline nécessaire, je le répète, au service de l'Europe.

Ces disciplines – j'y insiste – la France se les impose à elle-même.

D'abord parce qu'elle est totalement engagée dans le processus européen. Après l'échec du référendum en 2005, c'est sur la base du nouveau traité – le traité simplifié – que Nicolas Sarkozy a fait campagne et, depuis son élection, ces disciplines, nous nous les imposons à nous-mêmes : le gouvernement français s'est, en effet, fixé un objectif sans précédent de réduction massive des déficits publics. Malgré la crise, le déficit public va passer de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011, pour atteindre 3 % en 2013. Entre 2010 et 2011, il diminuera de 152 milliards d'euros à 90 milliards, soit une baisse de 40 %.

Je rappelle également que, lors de la dernière conférence des déficits, le Président de la République a souhaité qu'une nouvelle gouvernance en matière de finances publiques soit inscrite dans notre Constitution, ce qui mettra pleinement en cohérence les efforts de réduction du déficit engagés par le Gouvernement et nos engagements européens.

Ces choix ont entraîné, pour la première fois depuis trois décennies, la diminution du nombre d'emplois publics dans notre pays, avec la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et le plafonnement des dépenses des ministères, et, sur le plan social, la réforme très difficile des retraites, sur laquelle vous vous prononcerez mercredi.

Je ne reviendrai pas ici, car ce n'est pas le lieu, sur le contenu de cette réforme et ses objectifs. Vous les connaissez tous : c'est le sauvetage de notre système de retraite par répartition. En revanche, je veux insister sur la dimension européenne de ce dossier. La réforme des retraites est un sujet européen, qui a été évoqué ce matin par plusieurs États membres.

L'âge légal de départ à la retraite dans la majorité des pays européens est aujourd'hui fixé à 65 ans. La plupart des pays européens – Pays-Bas, Allemagne Royaume-Uni –, ont déjà engagé le mouvement le portant à 67 ans. L'âge moyen de sortie du marché du travail, tous régimes confondus, s'élevait en 2008 en France à 59,3 ans, contre 61,4 ans en Grèce, 61,7 ans en Allemagne, 63,1 ans au Royaume-Uni, 63,8 ans en Suède, alors que la France bénéficie de l'espérance de vie moyenne à 65 ans la plus élevée de l'Union : 19,9 ans, contre 18,2 ans en Europe. Peut-on vraiment continuer longtemps ainsi ?

Les engagements que nous prenons à l'intérieur sont, je le répète, cohérents avec les engagements que nous prenons au regard de l'Europe. Les disciplines que nous demandons pour l'ensemble, nous nous les appliquons à nous-mêmes.

Tel est, mesdames et messieurs les députés, le contexte de cette réforme essentielle des règles de la gouvernance économique et monétaire à l'intérieur de la zone euro, réforme qu'il me paraît utile de mettre en perspective avec le prochain sommet du G20 à Séoul, qui sera également évoqué ces jeudi et vendredi par les chefs d'État et de gouvernement.

La réforme de l'ensemble de la gouvernance économique, budgétaire et financière européenne que la France et l'Allemagne entendent mener avec détermination est, en effet, directement liée aux objectifs que le Président de la République annonçait il y a un an déjà – il était d'ailleurs le seul à l'époque –, à savoir la nécessité de mettre fin aux désordres monétaires internationaux et de repenser le système monétaire international.

Que constate-t-on aujourd'hui ? Que le prochain G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre, et qui sera préparé par le Conseil européen cette semaine devrait être dominé par les questions monétaires : à la suite de différentes interventions sur les marchés pour faire évoluer les taux de change de monnaies, plusieurs pays, dont le Brésil, ont en effet mis en garde contre le risque d'une guerre des changes, d'une guerre des monnaies, et cette question a dominé l'ordre du jour des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale les 8 et 9 octobre derniers.

Lors de ces assemblées, nous avons obtenu que le FMI renforce ses travaux et sa surveillance sur "la volatilité des mouvements de capitaux, des taux de change, et l'accumulation des réserves de change".

La réunion des ministres des finances, qui s'est tenue ce week-end en Corée du Sud, a d'ailleurs été largement consacrée à ce sujet : les ministres se sont engagés à ce que les taux de change soient davantage déterminés par le marché et à ne pas effectuer de dévaluations compétitives. Un système de surveillance des grands déséquilibres structurels est mis en place en vue de maintenir les balances courantes à des niveaux soutenables. Enfin, le FMI évaluera désormais, entre autres, les politiques monétaires et de change des pays du G20.

Je rappelle également que le sommet du G20 de Toronto avait donné pour mandat au FMI de trouver un accord sur la réforme des quotas et de sa gouvernance d'ici au sommet de Séoul. C'est chose faite avec l'accord trouvé ce week-end, qui reprend très largement la proposition européenne.

Concrètement, l'objectif fixé lors des sommets du G20 de Londres en 2009 d'un transfert de 5 % des quotes-parts du FMI aux pays émergents dynamiques et aux pays sous-représentés a été largement dépassé, puisque le transfert sera de plus de 6 %.

De plus, le conseil d'administration du FMI, maintenu à notre demande à vingt-quatre membres pour permettre aux États émergents d'y avoir toute leur place, sera entièrement élu. L'Europe serait appelée à y perdre deux sièges.

Cet accord sur la gouvernance prévoit également de renforcer les outils du FMI pour faire face à des chocs systémiques, élément indissociable de la réforme de la gouvernance du FMI pour la France. Enfin, le capital du FMI est doublé, ce qui multipliera d'autant sa capacité d'intervention.

Après la réforme réussie de la Banque mondiale au printemps dernier, cet accord illustre les progrès réalisés en matière de gouvernance mondiale et conforte l'approche française de la présidence du G20, avec les trois grandes priorités présentées par le Président de la République en août dernier : la réforme du système monétaire international ; la réponse à la volatilité du prix des matières premières ; la réforme de la gouvernance mondiale.

Je dirai maintenant quelques mots sur un autre dossier clé qui sera examiné au Conseil : je veux parler de la conférence de Cancun sur le climat.

S'agissant de la préparation de ce sommet, qui doit se tenir du 29 novembre au 10 décembre, je souhaite rappeler les quatre messages clés de la France.

Premièrement, l'Europe n'a pas à rougir de son bilan carbone. Elle apparaîtra, à Cancun, comme le meilleur élève pour le résultat d'atténuation des émissions de C02. Ce résultat s'explique pour l'essentiel par les effets positifs du paquet énergie-climat, adopté durant la présidence française de l'Union.

Deuxièmement, en termes de méthode, l'Union européenne se présente à Cancun avec une position unifiée, qui a été arrêtée par le Conseil « Environnement » du 14 octobre dernier.

Troisièmement, sur le fond, il ne faut pas se cacher que l'évolution des négociations est plutôt décevante à ce stade. Tout en continuant à plaider en faveur d'un accord global juridiquement contraignant, l'Union européenne devra limiter ses ambitions et viser à Cancun l'adoption d'un premier jeu de décisions permettant d'intégrer dans l'acquis onusien les principaux éléments de l'accord de Copenhague : limitation du réchauffement climatique à 2 °centigrades, suivi des engagements pris par les États membres, mécanismes de soutien.

Quatrièmement, dans ce contexte, l'Europe maintient sur la table le paquet de propositions qu'elle avait formulées : ouverture à un accroissement éventuel au-delà de 20 % de l'effort de réduction d'émissions de C02 de l'Union européenne, mais dans le respect des conditions définies par le Conseil européen, qui imposent notamment des engagements de réduction comparables de nos grands partenaires émetteurs de C02 ; meilleure prise en compte des risques comme les « fuites de carbone », en cas de renforcement de l'effort de réduction des émissions de C02 consenti par l'Union européenne.

La France est favorable à la poursuite de l'analyse faite par la Commission dans sa communication au printemps dernier, et qui reconnaissait, comme le demandait le Président de la République, que le « mécanisme d'inclusion carbone », la fameuse « taxe carbone aux frontières » ou mécanisme d'ajustement aux frontières, était bien une option pertinente pour lutter contre les fuites de carbone. Elle appelle au réexamen de cette question par le Conseil européen du printemps 2011.

Dernier point à l'ordre du jour : le Conseil européen se penchera sur l'organisation des sommets avec les pays tiers : États-Unis, Russie, Ukraine. Il s'agit d'appliquer à tous ces sommets la méthode identifiée dans les conclusions transversales du Conseil européen du 16 septembre dernier, qui préconisaient l'adoption par l'Europe d'une approche véritablement stratégique des relations avec ses grands partenaires, partant de l'identification de ses priorités, mais aussi de ses intérêts, tant offensifs que défensifs.

J'insisterai plus particulièrement sur les relations de l'Union européenne avec la Russie : le sommet tripartite qui s'est tenu à Deauville le 19 octobre dernier, à l'invitation du Président de la République, en présence de la Chancelière et du Président russe Dimitri Medvedev, a marqué l'entrée dans une nouvelle ère : celle de l'alliance entre l'Europe et la Russie. Il est plus que temps de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide : la Russie est désormais notre amie et notre partenaire.

Le premier témoignage de cette évolution spectaculaire, c'est que le Président Medvedev, qui est à l'origine de l'idée d'un nouveau « traité de sécurité européen », a annoncé à Deauville sa participation au prochain sommet de l'OTAN à Lisbonne, le 20 novembre, et a fait part au Président de la République de sa disponibilité à envisager une participation de la Russie à un système de défense anti-missiles dans le cadre de l'OTAN, ce qui met fin à des années de différends entre la Russie, les États-Unis et l'OTAN.

Le sommet de Deauville a également permis de constater une évolution de l'Allemagne à l'égard de la dissuasion nucléaire : alors que la réunion ministérielle de l'OTAN, le 14 octobre, destiné à préparer le sommet de Lisbonne, avait fait apparaître une divergence sur le rôle de la dissuasion, Mme Merkel, a reconnu à Deauville que tout désarmement devait être fondé sur la réciprocité. La dissuasion est donc validée. C'est important dans le cadre de nos relations avec l'Allemagne.

C'est dans ce contexte particulièrement dense que se situe notre débat sur l'article 46 du projet de loi de finances qui est soumis à votre approbation et qui concerne le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

Les données chiffrées, vous les connaissez : en 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est évalué à 18,2 milliards d'euros,…

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