Il me revient l'honneur de vous présenter pour la deuxième année consécutive le projet de budget de la mission « outre-mer » au titre du projet de loi de finances pour 2011.
Le budget de la mission « outre-mer » s'inscrit dans l'effort national de maîtrise de la dépense publique, y compris, de manière juste et proportionnée, dans son volet relatif à la dépense fiscale. Le budget de la mission s'établit à 2.156 M€ en AE, soit une légère diminution de 0.55 % et à 1.977 M€ en CP, soit une baisse de 2.3 %. Mais cette moyenne masque des évolutions différenciées, qui correspondent aux priorités du Gouvernement. En effet, les crédits du programme « conditions de vie outre-mer » diminuent de 6% en AE tandis que les crédits du programme « Emploi outre-mer » augmentent de 3 % en AE.
Mais ce budget est aussi le budget du respect des engagements pris pour l'application de la LODEOM et lors du CIOM. La baisse des crédits en 2011 intervient en effet après une forte hausse entre 2009 et 2010, et n'est que provisoire : dans le cadre du triennal 2011-2013, les AE augmentent de 2 % et les CP de 6.7 %, pour s'établir dès 2012 à un niveau supérieur aux montants de la LFI 2010.
S'agissant de la LODEOM, la grande majorité des 28 décrets nécessaires à son application est prise, à l'exception des décrets sur la continuité territoriale, qui sont en cours de signature, et de celui de l'aide au fret qui est actuellement soumis à la consultation des collectivités locales concernées avant sa mise en signature. Il nous restera à prendre le décret relatif à la reconstitution des titres de propriété, dès que nous aurons connaissance des résultats de la mission de préfiguration.
Un an après le conseil interministériel de l'outre-mer, deux tiers des 137 mesures sont réalisées ou sont en voie de l'être. Le projet de loi de finances pour 2011, et surtout le triennal, traduisent budgétairement tous ces engagements. Au plan des crédits, le budget de l'Outre-mer conserve ses capacités d'intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l'emploi.
Conformément aux engagements du Gouvernement pris lors du conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) de 2009, la ligne budgétaire unique (LBU) en faveur du logement a été « sanctuarisée » de 2011 à 2013 à hauteur des crédits ouverts en loi de finances 2010, c'est-à-dire à un niveau qui intègre également les crédits du plan de relance de 2009, qui étaient de 50 millions. Ce sont donc pour chacune des 3 années 274,5 M€, qui seront engagés en faveur du développement du logement social outre-mer et à la résorption de l'habitat insalubre. Pour 2011 une priorité forte sera donnée aux logements sociaux, ce secteur bénéficiant aussi de la défiscalisation. Je rappelle d'ailleurs que les avantages fiscaux attachés au logement social restent inchangés par rapport à la LODEOM.
Le double maintien du niveau des crédits budgétaires et des mécanismes actuels de défiscalisation illustre la priorité donnée au logement social outre-mer et le souci de cohérence du Gouvernement, dans la mesure où le mécanisme de défiscalisation a été créé l'année dernière et que les investisseurs commencent à se l'approprier.
Le volume des crédits de paiement de la LBU (195,3 M€) tient compte des échéanciers d'opérations qui se réalisent sur plusieurs années. La situation financière du logement a été assainie en 2009 puisque les restes à payer de fin de gestion sont passés de 15,9 M€ en 2008 à 8,6 M€ en 2009 et cette situation se stabilise à la fin de 2010.
À cet égard, je tiens à préciser que les subventions et la défiscalisation sont deux outils complémentaires, et non alternatifs, au service d'une même politique en faveur de la production de logements sociaux. Ils sont à utiliser de manière adaptée en fonction des caractéristiques de chaque opération. Le seul but étant d'augmenter le nombre de logements construits en optimisant la dépense publique, et non de privilégier un outil par rapport à un autre.
C'est cet objectif d'augmentation globale de la production de logements sociaux que j'ai rappelé par mon instruction aux Préfets du 1er juin dernier. Pour atteindre cet objectif, il faut en effet optimiser les financements publics, c'est-à-dire mobiliser selon les cas l'aide budgétaire, l'aide fiscale ou les deux cumulativement. Le cumul de ces deux types d'aides doit ainsi être réservé aux opérations qui justifient de surcoûts objectifs – par exemple, des fondations spéciales ou un coût du foncier élevé - ou qui sont conçues pour proposer des loyers inférieurs aux loyers plafonds.
Mais ce cumul ne saurait être systématique, sauf à créer une inflation des coûts. Les opérations en LBU seule peuvent être équilibrées dès lors qu'elles ont un coût de revient inférieur à 1.600 €m² environ ; en cumulant les deux aides, on peut équilibrer des opérations à un prix de revient de 2.200 €m². Vous le voyez, si on systématisait le cumul, nous n'obtiendrions rien d'autre que le même nombre de logements mais à un prix de moitié supérieur à ce qui était fait jusqu'à présent. Cela n'est pas l'esprit de la LODEOM.
J'entends également les critiques sur les délais relatifs aux décisions d'agrément de défiscalisation. La décision de déconcentration de certains dossiers est une première réponse pour accélérer leur traitement. Mais cela reste insuffisant et j'ai demandé à la délégation générale à l'outre-mer de réfléchir en relation avec les services du ministère du budget aux nouvelles mesures de simplification dans les procédures d'instruction qui pourraient être prises pour réduire les délais d'instruction.
Par ailleurs, d'autres mesures sont destinées à réduire les freins à la production de logements, notamment la meilleure prise en charge de la surcharge foncière, et la mise en place de conventions d'actions foncières. De même, la mesure de cession gratuite par l'État de ses terrains pour la construction de logements sociaux sera présentée dans ce projet de loi de finances.
L'autre priorité de ce budget concerne l'emploi et la formation.
L'augmentation des crédits du programme « Emploi Outre-Mer » trouve principalement son explication dans le service militaire adapté (SMA) afin de poursuivre le doublement à terme de la capacité de formation pour accueillir chaque année 6.000 volontaires de 18 à 25 ans, conformément aux engagements du Président de la République.
Les crédits serviront à réhabiliter des infrastructures, construire des bâtiments et à améliorer l'encadrement dont bénéficient ces jeunes.
Par ailleurs, pour maintenir le haut niveau d'insertion et d'excellence de la formation dispensée par le SMA, des partenariats vont être formalisés avec les acteurs de la formation professionnelle, de la remise à niveau scolaire, ainsi qu'avec des fédérations professionnelles dans les territoires.
S'agissant de la continuité territoriale et de la formation en mobilité, la LODEOM a prévu la mise en place de groupements d'intérêt public ; ils seront créés à l'initiative des collectivités, comme l'a demandé par exemple le conseil régional de La Réunion. Mais en attendant, et afin de ne pas pénaliser la population, nous avons renforcé les moyens de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), afin de lui permettre de gérer le dispositif. C'est par exemple le cas pour la mise en oeuvre de la politique de formation qualifiante en mobilité au profit des jeunes ultramarins, notamment par le passeport-mobilité formation professionnelle, qui prévoit une formation pouvant aller jusqu'à 24 mois hors de leur département dès lors que la formation n'est pas dispensée sur place. L'agence a été autorisée exceptionnellement à recruter 30 ETP supplémentaires en 2011 pour assurer les fonctions de guichet, d'instruction et de contrôle. Une nouvelle convention d'objectifs 2011-2013 va être élaborée pour tenir compte de ces évolutions prévues par la LODEOM.
Sur le fond de la continuité territoriale, 45,3 M€ sont prévus pour ce dispositif chaque année pendant trois ans. Je vous rappelle que la LODEOM vise d'abord nos compatriotes d'outre-mer dont les ressources sont les plus faibles et permet une mise en oeuvre équitable dans l'ensemble des départements et territoires de l'outre-mer.
Ces actions en faveur de l'insertion professionnelle et sociale s'intègrent dans un dispositif plus large en faveur de la création d'emplois dans les entreprises ultramarines par le renforcement de leur compétitivité.
Une part significative des crédits du programme 138 correspond au dispositif d'exonérations de charges sociales, qui, par la réduction du coût du travail, vise à favoriser l'emploi durable et à réduire le travail dissimulé dans les départements d'outre-mer. La LODEOM a renforcé l'efficacité du dispositif en le recentrant par un mécanisme de dégressivité renforcée sur les bas salaires, sur les petites entreprises (moins de 11 salariés), sur les entreprises des secteurs prioritaires et sur certaines zones géographiques.
De plus, plusieurs mesures prévues par la LODEOM et le CIOM sont aujourd'hui effectives et visent à favoriser la compétitivité des entreprises ultramarines et donc à soutenir la création d'emplois et à favoriser l'insertion professionnelle.
La création effective des zones franches, le fonds de garantie en faveur du secteur de l'agriculture et de la pêche (20 M€ sur 2010-2012), la bonification des prêts accordés par l'AFD (30 M€) au profit de la création, du développement et de l'innovation des petites et moyennes entreprises, ainsi que la mise en place des commissaires au développement endogène d'ici la fin de cette année contribueront à relancer la création d'emplois et d'activités dans les départements et territoires d'outre-mer.
Dans le même esprit, la mesure de l'aide au fret, qui fait actuellement l'objet d'une consultation des départements et collectivités, est budgétée à hauteur de 25 M€.
Cet effort national est indispensable en faveur de territoires marqués par le contexte économique et social que nous connaissons.
Mais le développement économique et social des départements et collectivités d'outre mer dépend aussi de l'action des collectivités territoriales en faveur de laquelle l'État apporte naturellement son soutien par la politique contractuelle.
À ce titre, le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires s'élève à 175,4 M€ et 128,6 M€ de CP. Il permet d'atteindre un taux d'exécution en 2013 comparable à celui des contrats de projet en métropole et supérieur à celui de la génération précédente. Je rappelle également l'engagement du Premier ministre de maintenir au niveau du contrat actuel en Nouvelle-Calédonie l'engagement financier de l'État (hors opérateurs) à hauteur de 370 M€ pour le futur contrat de développement 2011-2015. Enfin l'effort financier de l'État en matière de politique contractuelle permettra aussi de garantir une enveloppe pour le futur contrat de Saint Martin (2011-2013) et le renouvellement du contrat de Wallis-et-Futuna.
De façon plus spécifique, il faut mentionner des mesures relatives à certains territoires.
S'agissant de la Polynésie française, comme je l'avais annoncé l'année dernière lors du débat budgétaire, la dotation globale de développement économique (DGDE) est rénovée et le nouveau dispositif sera opérationnel en 2011. La réforme vise trois objectifs : stabiliser et pérenniser l'appui financier de l'État à la Polynésie française, renforcer les moyens d'intervention des communes, et accroître l'effet de levier de l'appui financier de l'État sur les investissements. La DGDE, dont le montant global est égal à celui de l'ancienne dotation (150,9 M€ d'AE) se compose de trois parts : une dotation globale d'autonomie qui représente 60 % du total versée directement à la Polynésie et qui évoluera comme la DGF ; une dotation territoriale pour l'investissement des communes dans les domaines de l'eau, de l'assainissement et du traitement des déchets, qui sera versée directement aux communes, qui représente 6 % du total ; et un dispositif contractuel portant sur les investissements prioritaires du territoire (34 % du total), les crédits étant mis en place sur la base d'une programmation arrêtée conjointement entre l'État et la Polynésie et en fonction de l'avancement des opérations.
Ce nouveau dispositif respecte l'autonomie de la Polynésie française et donne la priorité au développement économique et social, en assurant la transparence et le contrôle des fonds publics.
L'État accompagne aussi les territoires dans leur évolution institutionnelle au sein de la République.
C'est le cas notamment de Mayotte. Le projet de loi relatif à l'organisation et au fonctionnement du département de Mayotte sera très prochainement soumis à votre examen, après le vote du Sénat. Le soutien financier à Mayotte se traduit notamment par la dotation de rattrapage et de premier équipement (8,9 M€), la dotation spéciale d'équipement scolaire (10 M€), les crédits du contrat de projet 2008-2014 doté d'environ 40 M€ en faveur du développement durable et de la modernisation des entreprises aquacoles. Destiné à amplifier les investissements publics réalisés dans le cadre de ce contrat, mais aussi pour aider à la création et au développement du secteur privé, sera prochainement mis en place le fonds mahorais de développement économique, social et culturel doté de 10 M€ d'AE et de 2,9 M€ de CP.
Au total les crédits de la mission outre-mer pour Mayotte représenteront en 2011 92,3 M€ d'AE et 75 M€ de CP dans l'ensemble général des crédits de l'État pour le territoire, qui s'élèvent à 607,5 M€ en AE et à 574,6 M€.
Au-delà des crédits de la mission outre-mer qui représentent 15 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de l'outre mer (12,7 Mds d'euros) c'est l'ensemble des ministères (89 programmes et 27 missions) qui interviennent en outre-mer et témoignent du caractère véritablement interministériel de la politique de l'État outre-mer. Mon ministère n'a d'ailleurs pas vocation à devenir le gestionnaire unique des crédits en faveur de l'outre-mer. Mon rôle est de favoriser la cohérence et la pertinence des interventions et d'apporter des éléments d'analyse et d'évaluation sur les actions menées par l'État dans ces territoires.
Cette politique vise au développement durable des départements et collectivités ultramarins, et à offrir une véritable égalité des chances à la jeunesse et à l'ensemble des citoyens d'outre-mer par le rapprochement des conditions de vie avec celles des habitants de métropole. Elle est ainsi la marque de l'unité de notre pays et de la solidarité de la République.