Messieurs les Présidents, madame la ministre, mes chers collègues, l'année dernière, en pareille circonstance, je me félicitais de constater que pour la troisième année consécutive, le projet de budget de la mission Outre-mer affichait une hausse, malgré un contexte budgétaire tendu.
Cette année, je me contenterai de relever que, prenant lui aussi en compte les effets de la crise des finances publiques, le projet de budget de la mission dont vous avez la charge rompt avec la logique qui avait prévalu pendant ces trois dernières années, certes avec un taux de diminution en deçà de celui qui frappe les autres missions du budget général et dans le cadre – faut-il le souligner – d'une programmation pluriannuelle des finances publiques. Globalement, si l'on se réfère aux deux programmes de la Mission, Emploi outre-mer et Condition de vie outre-mer, que ce soit en autorisations d'engagements comme en crédits de paiement, le budget de la mission diminue : de 0,55% en AE et de 2,28% en CP.
Vous nous avez détaillé, action par action, les grandes tendances de ce projet de budget, je ne reviendrai donc pas sur ce qui a été dit et qu'il importe de considérer, si ce n'est pour souligner, dans un contexte bien sûr contraint, des baisses, qui appellent l'attention à des titres différents :
Sur le programme Emploi outre-mer, si les crédits de paiement affectés à l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle enregistrent une hausse particulièrement importante, de plus de 27%, ceux destinés au soutien aux entreprises diminuent modestement il est vrai (moins 1,7%), mais affectent un secteur déterminant pour le développement des économies.
S'agissant du programme Conditions de vie outre-mer, les crédits de paiement destinés au logement enregistrent, d'une loi de finances à l'autre, une diminution de 9,8% quand on sait que le logement constitue l'une des priorités retenues au nombre des efforts majeurs de la LODEOM.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur les raisons de ces diminutions, d'autant qu'elles semblent difficilement compatibles avec les objectifs de développement économique et social qui constitue pour les outre-mer le véritable enjeu d'aujourd'hui ?
Bien entendu, votre projet de budget a été construit dans le cadre de la trajectoire définie par le Gouvernement qui vise à ramener le déficit de l'ensemble des administrations publiques à 3% du PIB à l'horizon 2013 et assurer le retour à l'équilibre budgétaire en maîtrisant la dépense publique dont le fort niveau ne manque pas de préoccuper.
Cependant, s'il semble légitime que le ministère de l'Outre-mer participe aux mesures de redressement des finances publiques demandées à l'ensemble des ministères, il n'en demeure pas moins qu'après les efforts consentis par l'Outre-mer à l'occasion de l'adoption de la LODEOM, il était possible de s'attendre à ce qu'il soit davantage épargné par le rabotage opéré par Bercy.
Cette attente paraissait d'autant plus concevable qu'elle reposait certes sur l'adoption, au sortir de la crise sociale du début 2009, de la loi pour le développement économique des Outre-mer, que je viens d'évoquer, mais encore sur la tenue il y a un an, suite aux Etats Généraux de l'Outre-mer, convoqués par le Président de la République, du Conseil interministériel de l'Outre-mer du 6 novembre 2009 qui devait décider de pas moins de 137 mesures concrètes pour préparer l'avenir.
Compte tenu du contexte que je viens de rappeler, le développement économique des outre-mer, qui ne peut être conçu sans une concertation approfondie avec l'ensemble des élus et des acteurs socioprofessionnels, démarche que vous avez d'ailleurs initiée, appelle incontestablement la mise en place de moyens et de dispositifs adaptés en faveur d'un développement endogène des territoires concernés.
Force est de constater que vous avez pris à coeur cette mission. A ce jour, même si quelques décrets d'application de la LODEOM manquent encore, nombre de ses dispositions sont d'ores et déjà entrées en vigueur. Je souhaiterais toutefois, Madame la Ministre, que vous nous donniez un échéancier de parution des décrets manquant qui portent en particulier sur l'aide au fret, dont vous savez qu'elle est très attendue de nos industriels locaux et sur le continuité territoriale.
S'agissant du développement des territoires ultramarins, nous ne pouvons que regretter par ailleurs que deux types de mesures figurant dans le projet de loi de finances pour 2011 affectent directement l'Outre-mer confronté aux handicaps structurels que l'on connaît et qui justifient dès lors une juste dérogation fiscale.
Tout d'abord, j'aborderai les dispositions de l'article 13 qui concerne l'aménagement des avantages fiscaux à l'investissement dans la production photovoltaïque.
Deux des dispositions de cet article concernent plus directement l'outre-mer : celles du premier ainsi que celles des quatorzième et dix-septième à dix-neuvième alinéas.
Ces restrictions paraissent peu compatibles tant avec les objectifs du Grenelle de l'environnement qui révèlent, pour nos territoires, des atouts concurrentiels qu'avec la volonté réaffirmée par la LODEOM d'aller vers une plus grande autonomie énergétique de l'outre-mer dans le cadre d'un développement endogène.
L'adoption de ces mesures présenterait de réels inconvénients notamment en ce qui concerne la diversification énergétique, le plan de charge des entreprises locales et, par voie de conséquence, l'activité et l'emploi qui conditionnent le vrai développement économique et social auquel aspirent les Régions d'Outre-mer.
J'entends souligner à cet égard, que les outre-mer sont largement dépendants des approvisionnements pétroliers, avec les difficultés qui en résultent. Il conviendrait alors de rechercher l'adoption d'un moratoire de façon à permettre de vérifier le fondement de ces dispositions, d'en mesurer l'impact réel sur les économies ultramarines ou de les aménager, afin de ne pas affecter la réalisation des projets déjà engagés, en déplaçant chronologiquement l'application.
De telles mesures iraient à n'en pas douter dans le sens préconisé par la mission parlementaire conduite remarquablement par le président Patrick Ollier et dont l'un des rapporteurs est aujourd'hui président de la commission des finances de notre Assemblée.
Ne pensez-vous pas, Madame la ministre, que la volonté de Bercy de réguler les niches fiscales, en s'appuyant sur le rapport de l'Inspection des finances rédigé sous la responsabilité de M. Charpin qui ne traite du photovoltaïque que sous son angle hexagonal, sans se pencher sur la situation les territoires ultramarins et leur particularisme climatique, a été un peu trop brutale ?
J'évoquerai enfin les dispositions de l'article 58 qui concerne la réduction homothétique de l'avantage en impôt procuré par certains avantages fiscaux.
Cet article prévoit notamment de modifier le dispositif de défiscalisation des investissements immobiliers au profit des DOM, figurant à l'article 199 undecies B du CGI alors que le dispositif fiscal a déjà été aménagé par la LODEOM qui en a déjà réduit la portée.
Il est aujourd'hui à craindre que l'instabilité des dispositifs successifs mis en oeuvre n'offre pas aux investisseurs les conditions de visibilité et de confiance suffisantes pour justifier leur engagement en outre-mer à un moment où l'économie, malmenée plus encore par la crise mondiale, cherche à rebondir
Il faut naturellement se réjouir que le logement social échappe aux restrictions ; ceci étant, il apparaît que la réforme intervenue dans les territoires ultramarins en faveur du logement social dont les crédits sont en diminution, associe la ligne budgétaire unique, désormais sacralisée, il faut le souligner, et le dispositif de défiscalisation, ce qui ne permet pas toujours une lecture limpide. A ce titre, j'ai bien noté, Madame la Ministre, les quelques éclaircissements que vous avez apportés sur l'articulation de ces deux dispositifs destinés à combler le déficit d'habitat social en outre-mer.
Je conclurai en soulignant que la Commission des affaires économiques a noté un réel engagement sur les autorisations d'engagement de la mission, qu'elle a reçu des informations de nature à la rassurer sur les quelques mesures qui seraient encore nécessaires à un réel développement des outre-mer. Elle propose de ce fait de se prononcer favorablement sur ce projet de budget de la mission Outre-mer pour l'année 2011.