Aux élus que vous êtes, je n'apprendrai pas que la fixation d'un budget est un acte éminemment politique, puisqu'il s'agit de définir les moyens nécessaires aux missions que l'on entend mettre en oeuvre.
Trois objectifs guident mon action pour l'exercice 2011.
Il s'agit tout d'abord de traduire en réalités concrètes les engagements législatifs et gouvernementaux qui ont été pris. Je pense en particulier à la loi pénitentiaire et à la nouvelle carte judiciaire. La réforme de la garde à vue va créer aussi des besoins nouveaux.
Il s'agit, ensuite, de moderniser la justice. J'ai insisté dès mon arrivée au ministère sur cet objectif, condition d'une justice efficace et en phase avec les évolutions de notre société. De réels progrès ont été accomplis mais le sujet va demeurer à l'ordre du jour encore plusieurs années.
Il s'agit, enfin, de valoriser les personnels. Mon ambition est de donner à chacun les moyens de remplir son rôle, de renforcer l'intérêt des tâches à accomplir et de permettre une réelle promotion sociale.
Ces missions sont essentielles au respect de la loi, à l'autorité de l'Etat – dont nous savons qu'elle peut être menacée – ainsi qu'à l'unité de la Nation, laquelle suppose que la loi soit la même pour tous et que la justice soit égale pour tous.
Pour tirer toutes les conséquences de ces objectifs, le budget de la justice bénéficie, cette année encore, d'un traitement favorable. Je ne m'en vante pas car dans le contexte actuel, il faut impérativement veiller à la meilleure utilisation possible de chaque euro mis à notre disposition par nos concitoyens. Il reste qu'il convient de combler le retard accumulé, tant il est vrai que pendant fort longtemps, la justice n'a pas bénéficié des moyens dont elle aurait eu besoin.
La progression continue du budget alloué à la justice depuis 2007 traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement de replacer les missions de la justice au coeur de notre société. Dans un contexte financier tendu, j'ai obtenu que l'effort soit maintenu en 2011. Plus de 7,1 milliards d'euros seront affectés à la mission Justice, soit une hausse de 4,15 %.
J'ai par ailleurs souhaité que ce budget soit rééquilibré entre les différentes fonctions, notamment en faveur des juridictions.
Ayant mesuré à l'occasion de mes déplacements sur le terrain et de mes échanges avec les syndicats les difficultés rencontrées, j'ai souhaité allouer davantage de moyens au programme « justice judiciaire ».
Les magistrats m'avaient ainsi fait part de leur souhait que davantage de fonctionnaires les assistent. J'ai donc décidé de créer 399 emplois de greffier, soit – il faut le souligner – l'équivalent des créations de postes au cours des quatre dernières années. Nous allons arriver ainsi à ce qui était attendu depuis longtemps : la quasi-parité des effectifs de magistrats et de greffiers.
Par ailleurs, ce budget vise à mieux traiter la question des frais de justice. Un nouveau calcul de ces frais nous permettra de mieux appréhender les besoins sur le terrain. Les frais de justice progressent de 17 %, pour atteindre 460 millions d'euros.
Un effort en matière pénitentiaire accompagne, logiquement, celui consenti au profit des juridictions.
Les moyens supplémentaires affectés au programme pénitentiaire s'élèvent à 550 emplois, 590 millions d'euros pour le fonctionnement et 330 millions d'euros pour l'immobilier.
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse poursuivra sa restructuration, en termes de missions comme d'organisation territoriale. La réforme a déjà porté des fruits, notamment avec le transfert de certaines fonctions aux collectivités territoriales.
Au total, donc, la justice est relativement bien lotie dans ce projet de loi de finances. Les questions relatives au fonctionnement du ministère sont cependant loin d'être toutes réglées.
C'est la raison pour laquelle, pour accompagner la mise en oeuvre de ce budget, la modernisation des méthodes de travail doit se poursuivre au sein du ministère.
En vous présentant le projet de loi de finances pour 2010, j'avais insisté sur la nécessité de cette modernisation, au service d'une exécution plus efficace de nos missions : l'objectif demeure d'actualité. Les efforts doivent être poursuivis, même si les marges de manoeuvre sont plus grandes.
En premier lieu, il faut moderniser les méthodes de gestion.
Disons-le franchement, la culture de gestion n'est pas encore très développée. Nous avons essayé de faire prendre conscience des enjeux et d'engager les chefs de juridiction à « optimiser » les dépenses ; j'ai organisé des réunions à ce sujet. Le contrôle des dépenses liées aux frais de justice et au fonctionnement des juridictions doit, de toute évidence, être amélioré. Il faut adopter des politiques d'achat plus efficaces : la globalisation des achats, simple à mettre en oeuvre, peut permettre de réduire significativement les dépenses. Aussi ai-je demandé au secrétaire général du ministère de mettre en place une véritable politique ministérielle d'achats. Le ministère doit aussi se mettre au contrôle de gestion – car on a constaté quelques « dérapages » l'an dernier : quand en fin d'année, au moment de payer les traitements et les primes, on s'aperçoit qu'on a oublié de mettre de côté l'argent nécessaire, voire qu'on l'a rendu, c'est qu'il y a des progrès à faire… Le savoir-faire qu'ont déjà certains services dans le domaine du contrôle de gestion doit s'élargir à l'ensemble du ministère.
En deuxième lieu, il faut développer le recours aux nouvelles technologies.
Nous partons de loin – j'ai mesuré la différence avec d'autres ministères –, mais des progrès réels ont été accomplis et il convient de poursuivre l'effort.
S'agissant de la mise en oeuvre de l'application Cassiopée, nous avons pris le problème à bras-le-corps : nous avons changé d'opérateur ; un travail de professionnalisation et de réorganisation des services a été conduit. En 2011, l'application achèvera ainsi son déploiement dans des délais et des conditions qui paraissent raisonnables.
Les nouvelles technologies doivent également être mises au service de la sécurité des juridictions. Des logiciels d'alerte silencieuse seront mis en place sur les postes informatiques. Des dispositifs de vidéosurveillance et anti-intrusion seront installés dans toutes les juridictions.
Enfin, la mise en oeuvre d'une plateforme nationale d'interceptions judiciaires permettra d'améliorer les capacités d'investigation. Il en résultera une plus grande efficacité de l'intervention de la justice, notamment sur Internet, en même temps qu'une réduction très appréciable des coûts.
Moderniser les méthodes, c'est, en troisième lieu, valoriser les personnels, d'abord en clarifiant le rôle de chacun.
Chacun doit en effet pouvoir se recentrer sur son coeur de métier. Pour améliorer la rapidité et l'efficacité de la justice, il faut ainsi que les magistrats puissent s'appuyer sur une aide qualifiée, adaptée à leurs besoins. J'ai déjà parlé du recrutement de greffiers ; la création de la réserve judiciaire, pour les magistrats et pour les greffiers, permettra également d'apporter aux juridictions une aide très précieuse.
Il convient aussi de clarifier le partage des tâches entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur. Hors les assises et les procès « sensibles », la police des audiences sera désormais assurée par la Chancellerie, de même que la gestion des scellés. La Chancellerie assumera également la responsabilité des transfèrements de personnes sous main de justice. Bien entendu, cette nouvelle organisation suppose un transfert d'emplois et de masse salariale du ministère de l'intérieur vers l'administration pénitentiaire. Sa mise en oeuvre débutera dès 2011 dans deux régions et sera achevée dans les trois ans.
Enfin, moderniser signifie valoriser les personnels. Pour mener à bien les réformes, il est évidemment indispensable de les associer, de leur expliquer où nous voulons les conduire. La charte sociale signée cette année au sein du ministère par toutes les organisations syndicales marque une première étape. Les réflexions sur l'avenir des métiers en sont la prolongation logique – nous devons raisonner à l'horizon de cinq, dix, quinze ans.
Des engagements ont été pris en faveur des surveillants de l'administration pénitentiaire : ils seront tenus.
La réforme des services d'insertion et de probation sera poursuivie. Les éducateurs verront leurs perspectives professionnelles améliorées.
Les personnels des juridictions bénéficieront de nouvelles mesures. Elles concerneront aussi bien les greffiers, dans le cadre d'une politique interministérielle, que les greffiers en chef.
S'agissant des magistrats, j'ai rencontré les syndicats pour organiser la réflexion sur des questions trop longtemps repoussées. D'abord, quel est le juste niveau de rémunération ? Une revalorisation indemnitaire va être engagée dès 2011, pour un montant de près de 3,5 millions d'euros ; elle sera appliquée aux postes et fonctions considérés comme les plus délicats. Ensuite, quels sont les besoins en effectifs pour les cinq, dix, quinze ans à venir, compte tenu des réformes de la procédure pénale ? L'étendue des responsabilités des magistrats en termes d'encadrement, d'organisation et de gestion doit être mieux définie ; la charge de travail requise pour telle ou telle activité doit être mieux appréhendée. Enfin, comment adapter la formation aux besoins, en particulier pour les hauts potentiels ? J'entends mettre en place une formation d'excellence et un cursus diversifié pour les magistrats amenés à exercer de hautes responsabilités au sein du corps.
Un nouvel effort est donc consenti en faveur de la mission Justice en 2011. C'est un honneur, et surtout une incitation à poursuivre l'oeuvre de modernisation et de rationalisation entreprise. Soyez assurés de la détermination de toutes les catégories de personnels. Nous serons au rendez-vous de la modernisation de la justice, au service des Français et au service de la France.