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Intervention de Marc Goua

Réunion du 19 octobre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Goua :

La situation catastrophique de nos comptes publics et notre endettement imposent effectivement une remise en ordre de nos finances.

Nous sommes d'accord sur le constat mais nous divergeons sur les remèdes qu'il convient d'appliquer et sur vos propositions.

Vous tentez de faire croire que les dérèglements sont entièrement dus à la crise que nous subissons. Or la Cour des comptes a démontré que l'aggravation de nos déficits vous était largement imputable, l'impact des mesures prises par le Gouvernement représentant plus des deux tiers de la détérioration du déficit structurel de notre budget.

Cadeaux aux plus fortunés, notamment à travers les niches fiscales et sociales, suppression de la taxe professionnelle insuffisamment préparée expliquent en fait la plus grosse partie de nos difficultés.

Votre ambition est de réduire notre déficit à 6 % du produit intérieur brut en 2011. Cette ambition est louable, mais vous ne vous en donnez pas les moyens.

Tout d'abord, votre hypothèse de croissance à 2 % n'est pas en phase avec les prévisions des instituts et des organismes internationaux, qui se situent plutôt aux alentours de 1,5 %. Il semble effectivement que nous ayons une croissance en cloche et que nous soyons en train de descendre, de sorte que l'effet report sur lequel vous comptez pour arriver à 2 % me paraît problématique.

Comme le précise la Cour, il est indispensable de faire jouer deux leviers pour réduire les déficits, une baisse des dépenses et une augmentation des recettes. La Cour note que, sans cette action simultanée, l'objectif de réduction ne pourra être atteint.

Enfermés dans le dogme présidentiel, vous n'avez pas les coudées franches. Vous craignez pour la croissance et vous avez raison si vous vous attaquez sans discernement aux niches fiscales et sociales. Par contre, si des mesures sont prises qui permettent de réinjecter des capitaux dans l'économie réelle, génératrice de richesse, vous accélérerez la croissance.

Attaquez-vous aux dispositifs qui coûtent très cher, sans effet sur l'économie, générateurs d'effets d'aubaine et contre-productifs. Sans parler du néfaste bouclier fiscal et sans que je sois exhaustif, vous avez le choix. Le Conseil des prélèvements obligatoires vous a donné quelques pistes. Pour ma part, je citerai la TVA à 5,5 % dans la restauration, pour 3 milliards, sans résultat apparent ; l'exonération des heures supplémentaires, pour 4 milliards ; la niche Copé, dont le coût serait de 8 milliards par an et le coût cumulé de 19 milliards depuis sa création ; enfin le régime d'imposition des sociétés mère-fille, qui permet une réduction astronomique de l'impôt sur les sociétés, dont le coût est estimé à 30 milliards.

Par contre, vous vous attaquez sans vergogne aux classes moyennes et aux plus démunis. C'est par exemple la suppression du taux réduit de TVA pour les abonnements télé dans le cadre des offres composites, ce qui est un mauvais coup pour le pouvoir d'achat des Français. C'est encore la suppression de l'exonération de taxe dont bénéficient les contrats d'assurances maladie solidaires et responsables. La conséquence de cette dernière mesure sera le renforcement de la tendance constatée depuis quelques années : hausse des tarifs et nouvelle exclusion de nos concitoyens les plus modestes de la couverture sociale, donc de l'accès à des soins de qualité.

Quant à votre désormais célèbre rabot des niches fiscales et sociales, c'est devenu, on l'a dit, une lime à ongles pour les riches. Ce coup de rabot est bien doux pour certains et vous maintenez votre bouclier fiscal en dépit de l'amicale pression de certains députés de votre majorité. Vous refusez également un durcissement du plafonnement global des niches.

En dépit de votre timidité vis-à-vis des plus fortunés, les mesures proposées feront remonter les prélèvements obligatoires en 2012 au niveau de 2007, ce qui est la plus forte hausse depuis 1995. Or l'objectif affiché en 2007 par le Président de la République était une baisse de quatre points. Quel échec ! Cette hausse n'est pas un simple retour en arrière car elle se fait pour sa plus grande partie en préservant les plus fortunés et en taxant les classes moyennes et populaires.

Mais vous allez encore plus loin et vous accentuez votre politique néfaste.

Après avoir fait main basse pendant quelques années sur le 1 % logement pour financer la construction de logements sociaux et l'agence nationale de renouvellement urbain, vous imposez maintenant les plus démunis à travers une taxe de 2 % sur les loyers des logements sociaux. Ce sont donc nos concitoyens les plus en difficulté, ceux qui vivent dans le parc social, qui pallieront la carence de l'État à hauteur de 340 millions d'euros par an. Il fallait oser ! Au passage, vous vous privez de 60 000 logements nouveaux sur trois ans. De plus, les aides à la pierre, qui représentaient 716 millions en 2010, tomberont à 500 millions en 2011, 450 millions en 2012, 400 millions en 2013.

Vous renforcez encore cette politique en diminuant le financement de la politique de la ville à travers l'ACSE, de 12 % en 2011.

Par ailleurs le nombre de contrats aidés pour favoriser l'emploi et l'insertion, des jeunes notamment, sera en baisse globale de 25 %.

En fait, vous ne dérogez pas à vos dogmes et vous accentuez même les choix politiques mis en place depuis 2007.

Le toilettage modeste des niches n'est pas à la hauteur. Vous aviez l'occasion de donner des signes forts à nos concitoyens pour plus de justice fiscale tout en vous attaquant au redressement des comptes publics. Le rendez-vous est manqué.

Vous nous annoncez un grand soir fiscal avant juin 2011. Si vous persistez dans les tendances actuelles, je crains que vous ne mettiez en péril le pacte social qui est le fondement de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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