Cela nous sépare. Ce n'est pas parce que vous donnez à un instant t un coup de pouce, un élan supplémentaire pour irriguer telle partie de notre économie, pour impulser tel projet, pour accompagner tel dispositif, que l'on doit considérer que c'est pour la vie. Non, il faut avoir le courage – et c'est bien de courage que fait preuve le Gouvernement dans cette préparation budgétaire – de remettre en cause des éléments dont on considère qu'ils ne correspondent plus à l'intérêt général, à l'heure où il faut réaliser des économies.
Évidemment, dans une période d'opulence, d'abondance ou de croissance excessive, il serait beaucoup plus facile de distribuer de l'argent, y compris en augmentant l'addition des niches fiscales. Mais ce n'est pas de bonne politique et ce n'est vraiment pas le moment, car nous n'en avons plus les moyens. Nous n'avons plus les moyens d'ouvrir des guichets, nous n'avons plus les moyens de ne pas calculer les dispositifs fiscaux. Nous devons inscrire obligatoirement dans les lois de finances toutes les dispositions fiscales dérogatoires au droit commun. Cela nous évitera à tous de commettre des erreurs.
Je voudrais être certain que nous nous comprenons bien : 10 milliards de réduction en matière de niches fiscales, c'est une réduction de 10 milliards de la dépense publique – j'ajoute ce petit codicille à votre réflexion sur le maigre effort que fait, selon vous, le Gouvernement en matière de dépenses, qu'il s'agisse des sources de l'État, de la sécurité sociale ou des dotations aux collectivités territoriales.
Je m'arrêterai rapidement sur ces trois points.
S'agissant d'abord des gels en valeur, et pour vous donner un élément de réponse, monsieur de Courson, ainsi qu'à vous, cher François Hollande, le seul gel en valeur qui nous permette d'assumer le passé, les dettes, les pensions, permet mécaniquement d'économiser 700 millions. Par les temps qui courent, ce n'est pas rien ! Il n'y a pas de petites économies pour un ministre du budget, pas d'économies symboliques. Il y a une addition d'économies qui permettent, à terme, d'atteindre notre objectif de réduction de 40 milliards. C'est un effort important, qui implique, dans les trois années à venir, une réduction de 10% des crédits d'intervention.
Cet effort exige beaucoup de la fonction publique d'État afin qu'elle se modernise : elle aura moins de fonctionnaires, mais ceux-ci seront mieux payés. Là encore, c'est un choix politique qui est assumé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Deuxième source de dépenses : celles de la sécurité sociale. Je vous le dis à nouveau, cher François Hollande, nous nous sommes retrouvés la semaine dernière, nous nous retrouverons probablement la semaine prochaine, et ce n'est pas fini, car la route est longue. Je vous la souhaite la plus longue possible (« Pas trop tout de même ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), compte tenu de l'audace et du courage qui vous distinguent de nombre de vos partenaires de jeu de la rue de Solferino qui, souvent, basculent dans la facilité. J'estime qu'avoir avec vous un débat qui éclairera l'opinion publique sur la fiscalité sera plus utile que d'être confronté à certains ténors du PS, lesquels tombent dans une démagogie telle que, parfois, je me demande s'ils ont un jour été aux responsabilités ! Pourtant, ils ont quasiment tous été ministres sous François Mitterrand ou lors de la cohabitation avec Jacques Chirac…
Pour ce qui est de la deuxième source, la sécurité sociale, nous respectons, pour la première fois depuis 1997, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Cela nous donne un peu de crédit pour assumer l'annonce d'un ONDAM à 2,9% l'année prochaine et à 2,8% les années suivantes.
S'agissant de la troisième source, le gel des dotations de l'État aux collectivités territoriales, l'effort est, me semble-t-il, assez équilibré, et je remercie le rapporteur général du budget. Nous sortons le FCTVA de l'enveloppe ; vous qui êtes un élu local, vous savez donc que la mesure de gel des dotations permettra aux collectivités territoriales de poursuivre leur logique d'investissement. S'il y a des augmentations d'impôts de la part des collectivités locales, vous ne pourrez pas dire, à gauche, que c'est de la responsabilité du Gouvernement, puisqu'elles serviront à financer vos politiques de fonctionnement, d'embauche de personnels, non vos investissements, puisque précisément ceux-ci échappent à la politique du rabot.
Voilà les quelques éléments de réflexion que je souhaitais vous livrer. Je pourrais les développer plus longuement, mais nous en aurons sans doute l'occasion dans les jours à venir. Quoi qu'il en soit, monsieur Hollande, non, ce budget n'est pas une impasse, mais au contraire une voie ouverte, vertueuse, courageuse, exigeante, historique sur le plan de la réduction des déficits budgétaires, responsable, comme je l'ai souligné à de nombreuses occasions, et équitable, dans la mesure où il vise à préserver notre modèle social français.
Monsieur Brard, je m'insurge contre le fait que vous m'ayez demandé d'être un peu marxiste ! Je souhaite que soit noté dans le compte rendu que je prends ce compliment pour ce qu'il est – je le dis avec une certaine malice !
Par ailleurs, monsieur le président, je m'insurge – je le dis encore avec malice – contre le fait que vous n'ayez rien tenté contre un orateur armé d'un couteau suisse, lame sortie, et d'un rabot, ainsi que d'une lime à ongle ! (Sourires.)