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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 19 octobre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la lecture du projet de loi de finances pour 2011 et du projet de loi de programmation des finances publiques, je ne puis que constater combien les idées du Nouveau Centre progressent. Voilà plus de trois ans, en effet, que nous ne cessons de répéter que la France ne pourra indéfiniment vivre à crédit et s'endetter toujours plus pour couvrir ses dépenses de fonctionnement. Or, le retour à un déficit de 2 % des finances publiques correspond à l'équilibre global de fonctionnement puisque les investissements publics tournent, bon an, mal an, autour de 2 % du produit intérieur brut.

Au Nouveau Centre, nous n'avons pas, comme beaucoup, attendu que des États aux indicateurs économiques comparables aux nôtres menacent de faire défaut pour défendre l'idée de l'urgence d'un retour à l'équilibre de nos finances publiques.

Aujourd'hui, l'urgence nous donne raison.

Nous n'en faisons pas un motif de satisfaction pour autant, car la question de l'endettement public n'est pas seulement une question politique, c'est aussi une question d'équité entre les générations ainsi qu'une question éthique.

Sous la pression des marchés et de la Commission européenne, force est de constater que le Gouvernement commence à prendre la mesure des enjeux auxquels notre pays est confronté.

C'est la raison pour laquelle, je vous le redis, monsieur le ministre, notre groupe vous soutiendra dans l'effort que vous avez entrepris d'accomplir.

Dans cette perspective, le groupe Nouveau Centre développera quatre messages, prouvant que les idées du Nouveau Centre progressent, bien qu'elles progressent encore insuffisamment.

Le premier message, c'est que, comme nous n'avons cessé de le dire, sans une politique volontariste de réduction de la dépense – en fait de moindre croissance de la dépense – plus rapide que celle proposée par le Gouvernement, notre pays n'atteindra jamais les objectifs dont il est fait mention dans la nouvelle loi de programmation que nous allons examiner.

Tout d'abord, le solde du budget de l'État, hors opérations exceptionnelles, se réduit, d'après les données fournies par le Gouvernement, de 13,5 milliards d'euros, passant de 98,9 milliards en 2010 à 85,4 milliards en 2011. La réduction apparente de 60 milliards, qui est considérable, s'analyse donc comme résultant pour près de 80 % de la non-reconduction de mesures exceptionnelles.

De plus, la règle retenue pour l'indexation des dépenses de l'État sur la période 2011-2014 est celle d'un gel en valeur des dépenses de l'État, y compris des concours aux collectivités territoriales et à l'Union européenne, mais hors pensions des agents publics et hors intérêts de la dette. C'est la règle du « zéro valeur restreint ».

Cette règle ne serait pas beaucoup plus contraignante, n'ayons pas peur de le dire, que la règle du zéro volume élargi, en vigueur depuis plusieurs années, qui consiste à stabiliser en volume la totalité des dépenses de l'État.

En effet, malgré cette règle, avec des dépenses globales en 2011 de l'ordre de 356,9 milliards d'euros au sens de la norme élargie, et une inflation de 1,5 %, l'augmentation des dépenses en valeur est de l'ordre de 1,3 %. Le présent budget ne retient donc, en apparence, qu'une diminution de 0,2 % des dépenses de l'État en volume, au regard du changement de règle d'indexation.

Mais, si l'on tient compte – et je vous renvoie à ce sujet au rapport – des 707 millions de ressources fiscales nouvelles dont le produit est affecté directement, hors budget général, à un certain nombre d'opérateurs, on atteint une croissance de 1,5 %. Il n'y a donc pas, globalement, de réduction au-delà de l'inflation.

Pire encore, si les deux règles semblent, à court terme, aboutir à une même hausse de la dépense publique, à moyen et long terme, il est possible que la nouvelle règle d'indexation devienne moins contraignante que la précédente, et ce pour deux raisons au moins : la faiblesse prévisionnelle de l'inflation, d'une part, l'augmentation probable de la charge de la dette, d'autre part.

Le nouveau critère, qui apparaît plus dur que le précédent, l'est en fait moins et il se peut qu'il le soit encore moins dans les prochaines années.

Je saisis l'occasion pour dire quelques mots des grands blocs de dépenses.

Premier bloc : pour obtenir le maintien de la masse salariale de l'Etat à 82 milliards d'euros, en euros courants, il faudrait, non seulement ne pas réévaluer le point de la fonction publique, mais encore limiter le GVT à 400 millions d'euros maximum – alors qu'il était à 600 millions ces dernières années – et ne redonner à la masse des primes que 200 millions à peu près des 800 millions d'économie réalisée grâce à la réduction des effectifs.

Comme le rapport de la Cour des comptes l'a montré, sans durcissement des règles en la matière, nous ne tiendrons pas le maintien en euros courants de la masse salariale de l'État.

Deuxième observation, la hausse des dépenses de fonctionnement hors masse salariale n'est pas de 5 %, mais de 1 %, comme l'explique excellemment notre rapporteur, c'est-à-dire de 100 millions d'euros, pour un total de 10 milliards d'euros de dépenses.

Enfin, les dépenses d'intervention sont en baisse de 600 millions d'euros, que l'on doit rapporter à un total de 59,5 milliards d'euros. Elles sont donc en baisse de 1 %.

Si nous nous réjouissons du gel, en valeur, des dotations aux collectivités territoriales, ce n'est pas parce que nous serions des masochistes mais parce qu'on ne peut, selon nous, redresser les finances publiques si l'on n'impose pas la même règle, le « zéro valeur », partout et pendant plusieurs années.

Deuxième message : nous ne parviendrons pas à l'équilibre budgétaire sans un effort équilibré, portant à la fois sur la réduction de la dépense, qui est prioritaire, et sur la protection de nos recettes.

Le Gouvernement admet d'ailleurs à demi-mot cette nécessité. En effet, la réduction de 1,7 point de nos déficits publics, qui passent de 7,7 % de la richesse nationale en 2010 à 6 % en 2011, se répartit entre un point de hausse des prélèvements obligatoires et 0,7 point d'effort sur la dépense. Sur la période 2011-2014, les 5,7 points de réduction des déficits publics s'expliquent, pour trois points, par une réduction du poids des dépenses et, pour deux points, par une hausse des prélèvements obligatoires, qui reviendraient sensiblement au niveau de 2007. Je n'adresse pas là une critique au Gouvernement. C'est quelque chose d'équilibré : il faut reprendre les deux points de recettes que nous avons perdus du fait de la crise, et reprendre trois points sur la dépense. Tenir un 6040, c'est équilibré. Il est dommage – je le dis au Gouvernement – de ne pas le dire comme cela, simplement, car c'est équilibré et juste.

La réduction de la dépense de l'État ne dépasse pas, à vrai dire, 14 milliards d'euros cette année, si l'on exclut les mesures liées à l'extinction des dépenses exceptionnelles, qui ne sont que des économies de constatation.

Il faut mettre un terme à une certaine contradiction dans le discours du Gouvernement, monsieur le ministre. D'un côté, celui-ci s'ingénie à dire qu'il n'augmente pas les impôts ; de l'autre, il élève le taux des prélèvements obligatoires, qui reviendra en 2012 à son niveau de 2007, alors que le Président de la République lui-même avait affirmé vouloir diminuer ce taux de quatre points durant son quinquennat. Il faut assumer ce retour, en 2012, au niveau des prélèvements obligatoires de 2007 car, un an après l'élection du Président de la République, il y a eu la crise. Il faut l'assumer, on ne peut pas la nier.

Ajoutons, enfin, que le Gouvernement table sur plus de 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires liées à la reprise économique avec une croissance à 2 % en 2011.

Au Nouveau Centre, monsieur le ministre, nous avions alerté le Gouvernement, lors du débat d'orientation des finances publiques, sur le caractère trop optimiste de sa précédente prévision de 2,5 % de croissance du PIB en 2011. Nous avions été partiellement entendus puisque cette prévision a été ramenée à 2%, mais nous persistons à penser qu'une prévision de 1,5 %, correspondant à la croissance annuelle moyenne des dix dernières années hors crise, était raisonnable et conforme à l'estimation moyenne de l'ensemble des économistes. Si l'on avait retenu cette hypothèse pour, finalement, faire mieux, tant mieux, cela aurait réduit un peu plus le déficit.

Troisième message : si les idées du Nouveau Centre en faveur de la réduction des niches fiscales et sociales commencent à être partagées, il faut, encore une fois, monsieur le ministre, aller plus loin.

Le Gouvernement a choisi de procéder à une réduction minime d'une poignée de niches fiscales – 22 sur 360 – en lui appliquant le rabot de 10 % que nous avions préconisé. Encore faut-il préciser que ces 440 millions d'euros ne sont qu'une toute petite partie de la masse des dépenses fiscales. Pour reprendre l'expression pleine d'humour de notre rapporteur général, ce n'est plus un rabot, c'est une lime à ongles !

Globalement, le montant des niches fiscales ne se réduirait que d'un milliard et demi d'euros, passant de 66,8 milliards d'euros en 2010 à 65,3 milliards d'euros en 2011. Comme le rappelle notre rapporteur général, la sous-estimation du coût du crédit d'impôt en faveur du développement durable et une réduction spontanée de 500 millions d'euros, sans explication satisfaisante, montrent que, probablement, la réduction est pratiquement nulle. Du moins, le montant des niches fiscales n'augmentera-t-il plus de 5 milliards d'euros par an.

Au Nouveau Centre, nous avons toujours plaidé pour une réduction de l'ensemble des dispositifs fiscaux dérogatoires, y compris ceux relatifs à l'impôt sur les sociétés, purement et simplement oubliés dans ce projet de loi.

C'est aussi la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à instaurer un taux plancher minimum d'impôt sur les sociétés, fixé à 15 %, c'est-à-dire le taux qui s'applique aux PME. Il n'est pas normal que de très grandes entreprises bénéficient de taux de 8 %, 10 % ou 12 %, grâce à toute une série de dispositions et de niches fiscales auxquelles nous ne nous sommes pas encore attaqués.

C'est cette même logique de limitation des effets d'optimisation des dispositifs fiscaux dérogatoires qui nous a conduits à déposer des amendements pour une meilleure utilisation du crédit d'impôt recherche. Une fois encore, la commission et la quasi-totalité de nos collègues, de gauche comme de droite et du centre, pensent qu'il faut aller plus loin. Je comprends le Gouvernement : craignant l'instabilité fiscale, il ne veut pas toucher au crédit d'impôt recherche.

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