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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 19 octobre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

…cela vous motiverait, vous doperait pour chercher les solutions que vous n'avez pas été capable de trouver pour l'instant. Votre caractère juvénile vous laisse du temps pour approfondir vos recherches.

Jusqu'à présent, cela n'a pas été votre choix. Après avoir refusé de réformer la finance en adoptant une loi dite de régulation bancaire et financière qui ne régule rien du tout, ce Gouvernement nous propose aujourd'hui un budget qui n'est absolument pas, lui non plus, à la hauteur des enjeux.

Vous ne vous en cachez d'ailleurs pas puisque vous affirmez sans détour dans votre projet de loi qu'il s'agit de « poursuivre les réformes structurelles engagées depuis 2007 ». J'y reviendrai en détail.

Tout d'abord, j'aimerais souligner que ce budget a été construit sur des bases totalement erronées, très loin du réel.

Ainsi, vous affirmez qu'il succède à la « crise internationale majeure que nous avons connue » et qu'il « s'inscrit dans un contexte de reprise de la croissance française ».

Je laisserai les Français juges de la question de savoir si cette affirmation est le fruit de votre ignorance ou d'une affabulation concoctée dans le cabinet noir du service d'information du Gouvernement.

Quoi qu'il en soit, parler de reprise alors que la croissance française a été de 0,6 % au dernier trimestre 2009, et respectivement de 0,2 % et de 0,6 % aux deux premiers trimestres de 2010, est, pour rester convenable, une contre-vérité flagrante.

En ce qui concerne vos prévisions de croissance, tous les économistes – y compris ceux dont vous êtes proches, vos féaux – les qualifient d'irréalistes ou, pour le mieux, de très optimistes.

Ainsi le très libéral économiste Nicolas Baverez estime-t-il dans Le Point du 30 septembre dernier que « le tiers de la réduction du déficit est censé découler d'une croissance estimée par le Gouvernement à 2 %, soit nettement au-dessus du consensus des prévisions, qui table sur une progression limitée à 1,5 % en 2011, cohérente avec le ralentissement observé dans l'ensemble du monde développé ».

Voilà, monsieur le ministre, ce que disent vos propres propagandistes. Après tout, pourquoi les Baverez, Minc et consorts ne seraient-ils pas, pour une fois, dans la vérité ?

Ma deuxième remarque porte sur ce que vous appelez « un grand coup de rabot sur les niches fiscales ». En réalité, il s'agit bien plus d'un coup de « lime à ongles » pour reprendre l'excellente expression de notre collègue Gilles Carrez.

Ainsi, vous vous félicitez d'un gain estimé à 10 milliards d'euros par an. Vous qualifiez une économie de 10 milliards de « rupture historique », d'effort « hors norme », « sans précédent » et de je ne sais quel autre superlatif publicitaire.

En réalité, monsieur le ministre, la suppression de la taxe professionnelle, l'an dernier, coûte plus de 11 milliards d'euros par an et votre laxisme en matière de lutte contre la fraude fiscale prive l'État d'au moins 25 milliards d'euros chaque année.

Rien que dans ces deux domaines, la politique du Gouvernement prive la collectivité de plus de 35 milliards d'euros par an.

Parallèlement à votre fanfaronnade sur les 10 milliards économisés, vous continuez à asphyxier les collectivités territoriales, en leur imposant une véritable cure d'austérité.

Par rapport au budget pour 2010, les prélèvements opérés sur les recettes de l'État au profit des collectivités baisseront – écoutez bien, mes chers collègues de l'UMP – de presque 30 milliards d'euros cette année. Cela est d'autant plus inacceptable et irresponsable que vous vous attaquez aux collectivités uniquement parce qu'elles sont dirigées par des majorités de gauche. La matraque contre la jeunesse et l'asphyxie financière à l'égard des territoires, voilà la considération qu'a ce Gouvernement pour la contradiction et le pluralisme démocratique.

Ce « coup de rabot » n'est donc pas seulement insuffisant, pour reprendre votre formule, il est surtout très mal ciblé. En plus des collectivités, ce seront en effet les classes moyennes et l'activité économique dans son ensemble qui en paieront la note. Ainsi, vous mettez un coup d'arrêt brutal à l'essor encore fragile de l'économie verte en supprimant les aides en faveur du photovoltaïque, vous ponctionnez le pouvoir d'achat des jeunes mariés et des personnes divorcées et vous mettez un coup de frein à l'économie numérique en augmentant la TVA sans avoir exigé, au préalable, que cette hausse ne soit pas répercutée sur les consommateurs.

Monsieur le ministre, si le Président de la République avait vraiment voulu réduire les déficits de la France, il vous aurait été assez facile de nous présenter un projet de budget qui « rabote » réellement les dépenses fiscales les plus coûteuses. Le problème, c'est que ce gouvernement a besoin du déficit pour justifier ses politiques au service des privilégiés. Si vous souhaitiez vraiment réduire les déficits, vous auriez dû commencer par la suppression du bouclier fiscal, qui prive l'État de plus de 700 millions d'euros par an, sans remettre en cause, bien entendu, l'ISF. La suppression du bouclier fiscal n'est donc pas qu'une nécessité symbolique.

Certains ont parlé d'un coup de rabot, d'autres d'un coup de lime tandis que Mme Lagarde a utilisé l'image du couteau suisse.

J'ai amené un rabot, monsieur le ministre, car je pense que vous n'en usez pas souvent.

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