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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 18 octobre 2010 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Oui, la réforme de la taxe professionnelle a coûté 5 milliards ; oui, le crédit d'impôt recherche a été triplé, passant de 1,5 milliard d'euros à non pas 6 milliards comme cette année mais probablement 4,5 milliards, c'est-à-dire 2 à 3 milliards de plus.

Ces quatre mesures représentent, à elles seules, 15 milliards de recettes perdues. Or la hausse des prélèvements obligatoires s'élève à 20 milliards d'euros. La différence s'explique assez aisément – à cet égard, j'ai d'ailleurs mal compris le raisonnement de M. le rapporteur général sur la reconstitution spontanée des recettes.

Sur ce point de prélèvements obligatoires que la puissance publique encaissera l'année prochaine, il est vrai qu'une part naîtra de façon mécanique : la hausse de la croissance entraîne mécaniquement une hausse des recettes. Le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution auquel je faisais référence tout à l'heure dit clairement ce qu'il en est de la reconstitution spontanée et de la reconstitution volontaire : la première représente 0,1 point de PIB, soit 2 milliards d'euros ; la croissance va, c'est vrai, permettre à l'État comme aux organismes sociaux de récupérer des recettes qui leur ont cruellement fait défaut cette année et, pire encore, l'année dernière. Mais la reconstitution volontaire, c'est 18 milliards d'euros. Le rapport indique clairement que sont considérées comme des mesures nouvelles toute mesure fiscale ou sociale dont la mise en oeuvre est décidée par le Gouvernement. La liste des mesures que je n'ai pas lue intégralement tout à l'heure ne prenait en compte que les mesures nouvelles : il est donc tout à fait clair qu'il y a, à tout le moins, une dizaine de milliards d'euros de mesures nouvelles, et volontaires – ce qui confirme d'ailleurs que les impôts augmentent bien, et notamment pour les classes moyennes.

Car ces recettes de l'ordre de 15 à 20 milliards d'euros qui font défaut, il faut bien les compenser, d'où cette hausse d'impôts d'un point de PIB, c'est-à-dire d'une vingtaine de milliards d'euros donc deux seulement de recettes spontanées. Qui va payer ? Ce ne seront évidemment pas les entreprises : comme Mme Lagarde l'a bien indiqué, les allégements de charges – qui ont un but auquel nous pouvons adhérer : la compétitivité de nos entreprises – sont passés par là, même si vous envisagez aujourd'hui des dispositions pour les entreprises. Mais celles-ci répercuteront sans aucun doute cet effort sur les ménages, et beaucoup plus vite que vous ne semblez le penser, madame la ministre.

Ainsi, la hausse de la TVA sur les offres triple play est considérée comme concernant les entreprises par le ministère de l'économie, mais on sait bien qu'elle sera immédiatement répercutée sur les consommateurs, ou, dans le meilleur des cas, avec un an de décalage. Un opérateur au moins s'est d'ailleurs exprimé très clairement sur le sujet en indiquant qu'en six ans, il y avait eu huit taxes nouvelles sur ce secteur, que c'était trop, et qu'en conséquence, cette hausse de la TVA serait intégralement répercutée sur les consommateurs.

Madame Lagarde, lors de la présentation de cette mesure en commission des finances, vous aviez indiqué que vous espériez une répartition pour moitié-moitié entre entreprises et consommateurs. Or nous savons aujourd'hui que, dès l'année prochaine, cette hausse d'impôt ne sera pas répercutée selon ces proportions mais que les ménages la supporteront d'emblée intégralement.

Les taxes sur les assurances seront également répercutées sur les ménages, qu'il s'agisse de la taxation de la réserve de précaution ou de la taxe sur les contrats dits de responsabilité, laquelle laisse mal augurer du sort réservé aux autres contrats puisque vous en êtes à taxer les contrats que vous aviez vous-mêmes encouragés.

Pour ces raisons, madame la ministre, je n'ai pas tout à fait la même lecture que vous quand vous avancez que 40 % de l'effort sera supporté par les ménages et 60 % par les entreprises. Je ne partage pas davantage celle du rapporteur général, pourtant plus proche de la vérité, quand il estime que, sur les 10 milliards d'euros d'effort demandé, 5,5 milliards seront à la charge des ménages et le solde à celle des entreprises. En vérité, il s'agit plutôt de 6,5 milliards à 7 milliards pour les ménages et le reste pour les entreprises. C'est beaucoup pour les uns comme pour les autres. Mais, là encore, il me semble qu'un langage de vérité ne nuirait ni à la qualité du débat dans cet hémicycle ni à la nécessaire pédagogie dont il s'agit de faire preuve.

Et tout ça pour quoi ? Si tant de recettes fiscales sont abandonnées, c'est pour reconstituer les finances publiques au détriment des classes moyennes ou des ménages les plus modestes.

À cet égard, je n'aurai garde d'oublier la taxation de la trésorerie des organismes de logement social. Nous avons tous été alertés dans nos départements. Dans le Lot-et- Garonne, je peux vous dire que la ponction qui va être opérée empêche, de manière nette, la réalisation de toute nouvelle opération l'année prochaine. J'espère qu'il n'en sera pas de même dans les départements de mes collègues ici présents. Toutefois, je doute fort que ce qui se passe dans un département ne se produise pas dans d'autres, à moins, bien sûr, que ces organismes répercutent sur les loyers la taxation imposée par le Gouvernement. Toutefois, je ne crois pas qu'ils procéderont ainsi. Cette nouvelle charge aura donc pour conséquence inévitable de réduire considérablement les programmes menés par ces organismes. Compte tenu de la situation du logement social dans notre pays, je ne crois qu'un tel à-coup était souhaitable.

Tout ça pour quoi ? Pour obtenir l'année prochaine une réduction de deux points du déficit budgétaire afin de le ramener à 6 % du PIB.

Je ne conteste pas cet objectif. Du reste, je ne suis pas certain que beaucoup ici puissent vraiment le contester tant il est vrai que la dérive de nos finances publiques n'est plus supportable. Cela dit, prétendre, comme les discours ministériels le font, que cette dérive des finances publiques n'est due qu'à la crise n'est vraiment pas raisonnable.

Comment expliquer que les efforts doivent être durables si les déficits ne sont dus qu'à la crise ? Comment justifier une réforme des retraites qui s'échelonne sur une dizaine d'années si, comme vous l'expliquez, madame la ministre, notre pays sort de la crise ?

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