Deuxième élément de dépenses : les dépenses de personnel et leur inertie. François Baroin nous a dit qu'avec le remplacement d'un départ en retraite sur deux, la masse salariale diminuait. Je lui dirai très gentiment qu'elle continue d'augmenter.
Le non-remplacement d'une personne sur deux partant en retraite a conduit, en 2009, à une augmentation de 800 millions d'euros par rapport à 2008. Nous espérons être sur un rythme d'environ 600 millions d'euros. Comment est-ce possible ? La moitié de l'économie générée par le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux est redistribuée sous forme de mesures catégorielles. En outre, tel ou tel ministère – je ne les citerai pas – est allé bien au-delà des 50 %. Nous sommes donc obligés de nous poser des questions qui font mal, très mal. Si nous nous fixons l'objectif d'une stabilisation en valeur de la masse salariale – je ne parle pas des pensions, elles dérivent – il faut geler le point d'indice jusqu'en 2013, ou diminuer le retour en mesures catégorielles. Monsieur le ministre du budget, il faut être très vigilant sur ce poste.
Troisième élément, les interventions sociales. La loi de programmation prévoit moins 10 % d'ici à 2013 sur les interventions. Il existe deux types d'interventions. Les interventions de guichet : on remplit les conditions et l'on a droit à la prestation – prestations sociales de type allocation adulte handicapé, aide médicale d'État, exonération de charges sociales patronales qui sont non pas dans le budget de la sécurité sociale mais dans les comptes de l'État, ou encore aide personnalisée au logement. En la matière, on fait le pari qu'il n'y aura pas, pour la première fois, d'augmentation en valeur ; nous resterons en 2011 à 37,6 milliards d'euros. Vous voyez à quel point ce pari sera difficile à tenir. Cela ne s'est jamais produit auparavant.
Puis il y a les interventions discrétionnaires, sur lesquelles le Gouvernement dispose de plus de marges de manoeuvre. Cela ne fonctionne pas en guichet et les crédits sont limités. Mais, là encore, cela ne sera pas facile. Madame la ministre, quelques milliards sont consacrés à l'emploi, aux contrats aidés. Or, chacun sait que, lorsque la situation de l'emploi est complexe, il est très difficile de faire des sacrifices sur les contrats aidés. J'ai assisté samedi matin au congrès des maires du Morbihan à Lorient. L'un d'entre eux a interpellé le préfet sur le fait que tous les crédits relatifs aux contrats aidés étaient épuisés, alors que de nouveaux contrats étaient absolument nécessaires.
J'en viens rapidement aux dépenses de fonctionnement. D'ici à 2013, elles doivent diminuer de 10 %. Mais, je le dis notamment à Michel Bouvard, l'assiette est très faible : elle ne comprend pas les subventions aux opérateurs. À partir du moment où il n'y a pas de dotations aux opérateurs, les économies que l'on peut attendre sont très faibles. En outre, en 2011, l'organisation du G 8, du G 20 coûtera quelques dizaines de millions d'euros, et nous ne pourrons compter que sur une économie de 200 millions d'euros.
J'ai souhaité parler assez longtemps sur les dépenses car ce point me semble crucial. Je terminerai par une réflexion. Supposons qu'au lieu de réduire la tendance à plus 0,8 en volume, alors qu'on était à plus 2,3, nous n'arrivions à la réduire – ce qui serait déjà un beau résultat – qu'à hauteur de 1,5. Chaque année, nos 1 000 milliards de dépenses publiques augmentent de 1,5 % en volume plus l'inflation, mettons 3 % d'ici à 2014. Cela signifie que, dès 2013, mes chers collègues, nous franchirons la barre des 90 % d'endettement public. Je vous invite à lire une étude récente et extraordinairement intéressante des économistes américains Rogoff et Reinhart. Ils ont démontré en analysant les crises financières depuis 150 ans qu'à partir de 90 % d'endettement public, on entrait dans une zone dangereuse. Et il semblerait, dès lors que l'on dépasse ce stade, que la croissance diminue.
Cela semble relever du bon sens. En effet, à un tel niveau d'endettement, les frais financiers commencent à asphyxier le budget et les possibilités d'investissement. Cela impacte donc immédiatement la croissance. Par ailleurs, les agents économiques, que ce soit les ménages ou les entreprises, vont avoir tendance à se prémunir et la confiance à s'effriter. Il ne faut donc en aucun cas atteindre cette zone de 90 %. Aujourd'hui, nous sommes à 83 %, il faut absolument y rester.
Le déficit prévu en 2011 est de près de six points de PIB – 120 milliards d'euros, tous comptes confondus. Avec six points de PIB, nous continuons à augmenter la part de la dette dans le PIB. Quel est le niveau de déficit que l'on ne doit pas dépasser pour que la dette reste au même niveau par rapport au PIB ? Ce n'est pas la valeur absolue qui compte dans la dette, mais le pourcentage qu'elle représente par rapport au PIB. Aujourd'hui, nous en sommes à 3 %. Il faudrait que notre déficit n'atteigne que 60 milliards d'euros au lieu de 120 milliards.
Lorsque vous nous dites, monsieur le ministre, que la baisse du déficit entre 2010 et 2011 est historiquement la plus forte, vous avez raison. Mais il faut expliquer comment on y arrive. Reprenons les chiffres. Déficit de l'État : 152 milliards réalisés en 2010, 92 milliards prévus en 2011. Mais si vous enlevez des 152 milliards les 35 milliards du grand emprunt – on les avait en 2010, on ne les aura pas en 2011 – et si vous retirz les 14 milliards du plan de relance entre d'une part, les moindres recettes, et, d'autre part, les dépenses que l'on ne retrouvera pas, nous voyons bien que la réduction réelle, certes importante, ne se situe que dans une fourchette de 10 à 15 milliards d'euros.