Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christian Ménard

Réunion du 12 octobre 2010 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Ménard :

L'opération Atalanta, menée sous l'égide de la France, a donné d'excellents résultats. Mais ne sommes-nous pas parvenus à un statu quo ? Peut-on attendre davantage de l'opération ou bien faut-il passer à une deuxième phase, à terre ?

Je crois par ailleurs nécessaire de faire preuve de réalisme pour les sociétés militaires privées (SMP). Nous avons pu constater, sur les thoniers senneurs, l'efficacité des équipes embarquées, qui ont pu repousser toutes les attaques. On peut certes faire venir des réservistes fusiliers marins sur ces bateaux, mais si nos militaires sont occupés sur d'autres théâtres, que fera-t-on ?

La maintenance de nos hélicoptères était jusqu'ici assurée sur nos bases par des civils, souvent issus des milieux militaires. Celle du NH90 sera-t-elle assurée directement par les industriels ?

Amiral Pierre-François Forissier. Les discussions éventuelles entre la France et le Royaume-Uni sur la dissuasion nucléaire ne relèvent pas de ma sphère de compétences. En tant que fournisseur de moyens, je considère que des rapprochements sont inéluctables, ne serait-ce que sur le plan technique. Nous avons le même fabricant de sonars, Thalès, qui travaille de façon séparée au Royaume-Uni et en France, ce qui nous coûte très cher ; notre indépendance nationale ne serait pas remise en cause si nous avions des équipements voisins. Je rappelle qu'à bord du Redoutable, les usines de traitement de l'atmosphère étaient britanniques, à une époque où pourtant l'indépendance nationale de la dissuasion était un dogme absolu. Un certain nombre de composants, en particulier électroniques, sont fabriqués par les fournisseurs mondiaux spécialisés, qui sont peu nombreux. Cela ouvre donc un champ possible de coopération, dont la mise en oeuvre dépend de décisions politiques. Quel est le degré de coopération que nous sommes prêts à envisager ? Il peut être symbolique ou très large ; nous appliquerons les directives de nos Gouvernements respectifs. En tout cas, pour nous, ce n'est plus un sujet tabou.

J'ai reçu de mon ministre des directives très précises sur la réforme de la formation des officiers chargés de l'administration dans les armées, que je vais donc exécuter. Nous devons imaginer deux corps d'officiers : un corps de direction du service du commissariat des armées (SCA), au départ alimenté par les actuels corps de commissaires ; un corps d'exécution, alimenté par les autres officiers qui exercent des tâches administratives dans nos armées. Nous devons en outre envisager une école unique à l'échéance de 2013.

Je considère toutefois que le métier de commissaire n'est pas du tout le même dans les trois armées. Le corps des commissaires de la marine a la grande particularité d'être navigant. C'est en son sein que nous trouvons les spécialistes du droit de la mer dont nous avons absolument besoin pour, d'une part, armer nos préfectures maritimes, d'autre part conduire intelligemment des opérations telles qu'Atalanta. Cette expertise s'acquiert certes dans les livres, mais aussi par les travaux pratiques sur nos bateaux. Il faudra donc que la formation commune et le corps commun permettent de maintenir ces spécificités. Le service de santé des armées repose aussi sur un corps unique de médecins, lequel comprend néanmoins des spécialistes de médecine navale, des spécialistes de médecine nucléaire, des médecins sous-mariniers capables de patrouiller dans un SNLE et de procéder seuls à des interventions chirurgicales. Nous veillerons à ce que les savoirs et les cultures spécifiques soient préservés ; l'interarmées n'a de sens qu'en respectant la diversité des compétences, qui fait la richesse du système.

L'opération Atalanta est pour nous un grand sujet de satisfaction. Aujourd'hui, la navigation dans l'Océan Indien est sûre. La dangerosité de la région ne sera jamais nulle, mais elle est devenue acceptable ; l'évolution des tarifs des assurances le prouve. Pour autant, nous ne pouvons pas relâcher notre effort.

Tôt ou tard, c'est à terre qu'il faudra résoudre le problème. Je mets beaucoup d'espoir dans des actions concrètes de valorisation des activités liées à la mer, en particulier sur les côtes de Somalie. En effet la piraterie porte moins atteinte au commerce mondial qu'aux activités locales, notamment de pêche, et donc à l'approvisionnement des populations locales. Partout où la piraterie se développe, la pêche disparaît. Nous cherchons donc le soutien des populations pour faire comprendre que, plutôt que de devenir pirate, mieux vaut retourner à la pêche, activité durable qui permettra de nourrir tout le village. Nous menons cette action avec l'aide de l'Union européenne, en commençant à Djibouti par la création d'une école de garde-côtes.

Du fait de notre action, les pirates agissent aujourd'hui plus près de l'Inde que de la Somalie. Devant rester dans leurs pirogues plus longtemps, ils se fatiguent et deviennent beaucoup moins performants. Viendra un moment où ils préféreront revenir à la pêche.

J'admets tout à fait le recours aux SMP à terre, dans un espace sous souveraineté. J'y suis totalement opposé dans les eaux internationales, espace de non-souveraineté et de non-droit, où il est impossible, contrairement à ce qui se passe à terre, d'exercer en permanence un contrôle. Ce sont les plus hauts responsables de nos États que nous exposerions au risque de devoir gérer une bavure. Si Brink's en commet une dans une ville française, c'est la police ou la municipalité qui géreront la situation ; s'agissant d'un bateau battant pavillon français dans un espace international, c'est le Président de la République qui devra rendre des comptes directement aux familles des victimes. Vous pouvez interroger le préfet de Mayotte : il vous parlera de pêcheurs qui avaient à bord de leur bateau des mercenaires surarmés ; il a décidé d'interdire l'entrée de ce type de bateaux dans les eaux territoriales. Que les SMP nous aident en Afghanistan ou dans des territoires sous souveraineté, ou même à la mer dans des eaux territoriales ; dans les eaux internationales, je m'y oppose.

80 % des bateaux victimes d'une attaque de pirates n'avaient pas respecté les consignes de sécurité qu'on leur avait données. Le pirate somalien est un homme rustique mais déterminé, qui ne dispose pas de beaucoup de moyens ; l'empêcher de prendre pied sur un bateau ne nécessite pas de dispositifs très sophistiqués. Pour le faire fuir, il suffit de s'enfermer dans un local sécurisé et de plonger le reste du bateau dans le noir … Il reste hélas le cas des plaisanciers imprudents qui, au nom de leur liberté individuelle, se risquent avec leur voilier dans des eaux signalées comme dangereuses. S'il leur arrive un malheur, nous irons malgré tout les chercher…

En ce qui concerne le NH90, les contrats étant en cours de négociation, je ne sais pas encore précisément comment la maintenance va être organisée. En tout cas l'équilibre ancien – un industriel intervenant peu, des maintenanciers faisant tout – n'est plus possible. La situation est la même que pour les automobiles, désormais remplies d'électronique et dont l'entretien ne peut plus être assuré par le garagiste de quartier : comme le Rafale, le NH90 est un ordinateur, doté d'un système de sustentation lui permettant de voler… Néanmoins nous avons encore besoin d'un échelon local de maintenance. Nous allons utiliser les compétences des personnels, sans écarter personne ; mais nous ne remplacerons pas tous les départs à la retraite. Quant aux jeunes, nous les formerons à la maintenance moderne – avec une balance entre ateliers de la base et industrie qui ne sera plus la même. Nous aurons toujours besoin, sur les bases, de mécaniciens qui soient des professionnels de haut niveau bénéficiant de perspectives de carrière intéressantes et fiers de leur activité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion