On parle beaucoup actuellement du rapprochement franco-britannique – nous devrions y voir plus clair d'ici au mois de novembre. Avez-vous une idée des économies qu'il pourrait générer ?
Amiral Pierre-François Forissier. Je ne pense pas que la finalité soit de réaliser des économies. Les Britanniques et nous-mêmes sommes confrontés, comme partout ailleurs, à la nécessité de limiter les dégâts provoqués par la crise. Nous avions envisagé plusieurs hypothèses de rupture stratégique, mais nous n'avions pas imaginé que le problème viendrait de la finance. En Europe, seules les marines britannique et française ont encore une ambition mondiale. Les autres marines européennes, dont certaines disposent d'importantes capacités de haute mer, sont capables de se déployer dans une coalition sur un théâtre d'opérations, mais n'ambitionnent pas d'assurer une présence simultanée sur l'ensemble des océans. Pour notre part, notre outre-mer nous y oblige. Quant aux Britanniques, du fait de leur histoire, ils ont les mêmes besoins et la même ambition que nous. Nous avons bien conscience que, chacun de notre côté, nous n'aurons plus les moyens de la satisfaire ; c'est pourquoi nous avons le désir de travailler ensemble. Nous savons que nous avons des doublons et qu'en conséquence, certaines mises en commun peuvent permettre d'éviter, au bénéfice de nos deux nations, la disparition de certaines activités, et donc de préserver l'influence de l'Europe dans le monde.
Notre travail avec les Britanniques est engagé, mais il n'est pas encore assez avancé pour que nous puissions procéder à un chiffrage. Nous sommes également dans l'attente des résultats de la Revue Stratégique de Défense britannique en cours d'élaboration. Nous en sommes donc encore à une phase d'étude plutôt théorique, qui a néanmoins permis d'identifier des sujets de coopération possible. La guerre des mines en est un : nous effectuons les mêmes missions, pour la même raison – la protection de nos sous-marins nucléaires participant à la dissuasion. À plusieurs reprises, un SNLE français a fait escale dans la base écossaise de Faslane ; de même, nous avons reçu plusieurs fois à l'Île Longue un SNLE britannique.
La mutualisation est possible dans différents domaines. Le développement d'un programme futur permettant de nous doter d'un même équipement serait également une source de partages. Il est essentiel que, parallèlement, des rapprochements industriels se réalisent : ainsi, l'électronique sous-marine britannique est fournie par Thalès UK, tandis que la française est fournie par Thalès France...
Le sujet est donc à la fois complexe et global, mais nous avons aujourd'hui l'opportunité, face à la crise, de faire preuve de pragmatisme, au bénéfice des uns comme des autres.