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Intervention de général d'armée Jacques Mignaux

Réunion du 13 octobre 2010 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

général d'armée Jacques Mignaux :

La gendarmerie nationale contribue, comme l'ensemble des composantes du ministère qui est désormais le sien, et comme d'ailleurs l'ensemble des ministères, à l'effort demandé pour diminuer la dépense publique. Dans ce contexte, ma responsabilité est de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie dans une tendance au resserrement budgétaire.

Naturellement, je n'oublie pas que ma responsabilité est également de conforter notre intégration au sein de la communauté de la sécurité intérieure, sans préjudice de notre appartenance à la communauté militaire.

La gendarmerie n'a pas changé de nature. Elle doit toujours faire face aux problèmes de sécurité en donnant une réponse pragmatique et modulée, adaptée aux spécificités de chaque bassin de vie. Ce modèle se décline individuellement en termes de disponibilité et de sens du service public dans un contexte de dispersion géographique des hommes et des moyens. Sur le plan collectif, il s'agit de mettre en avant la cohésion et l'adhésion à une culture commune forte. Pour notre organisation, ce modèle passe enfin par le maintien de notre capacité à monter rapidement en puissance pour tenir le terrain en situation de crise.

Avant de vous dresser un aperçu de la situation au regard des résultats de la gendarmerie et d'évoquer le projet de loi de finances, je souhaite revenir sur nos principaux chantiers.

J'insisterai tout d'abord sur la place de la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur. Très objectivement, l'intégration s'est passée dans de bonnes conditions, sous l'égide du cabinet du ministre de l'intérieur et dans le respect du cadre que vous avez tracé en votant la loi du 3 août 2009. Je l'estime désormais réalisée. Pour aboutir à une organisation adaptée et complémentaire de la police et de la gendarmerie nationales, le ministère de l'intérieur a mené un travail d'analyse des compétences opérationnelles et des actions des deux forces.

Tous les acteurs, et notamment le ministre, son directeur de cabinet et les deux directeurs généraux, ont été particulièrement vigilants sur le respect des missions et identités respectives.

En prenant appui sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), qui doit donner aux deux forces de sécurité intérieure les moyens d'accroître leur performance dans la lutte contre l'insécurité, une nouvelle étape sera franchie dans notre coopération par l'approfondissement de la mutualisation des moyens logistiques et des capacités de soutien. Sans être exhaustif, je prendrai comme exemple l'acquisition commune de véhicules ou d'équipements tels les systèmes de caméras embarquées ou de lecture automatisée des plaques d'immatriculation. De même, la gendarmerie assurera prochainement la logistique des munitions pour la police en outre-mer.

En matière de synergies opérationnelles, au terme d'arbitrages justes et équilibrés qui ont été parfois longs à dégager, des structures communes, composées de gendarmes et de policiers, ont été mises en place à chaque fois que le besoin s'en faisait sentir. Sont désormais rattachées au directeur général de la police nationale la direction de la coopération internationale, qui doit renforcer la cohérence et la visibilité de l'action internationale du ministère, et l'unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun. D'autres structures me sont rattachées comme celle du pilotage des technologies et des systèmes d'information dédiés à la sécurité intérieure (ST(SI)²), l'unité de coordination pour la lutte contre l'insécurité routière (UCLIR) ou l'unité de coordination des forces d'intervention (UCoFI) qui doit assurer une meilleure articulation entre le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et la force d'intervention de la police nationale (FIPN).

Enfin, lorsque la création de structures communes n'apparaissait pas comme la meilleure option, nous avons travaillé différemment. Pour le renseignement d'ordre public également appelé information générale, nous avons considéré qu'il s'agit d'une mission partagée par les deux forces. Il était important de dégager toute la plus-value que chacune d'elle peut apporter. Au niveau départemental, les commandants de groupement et les directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) animent toujours la recherche du renseignement effectuée par leurs personnels et peuvent, lorsqu'ils en éprouvent le besoin, transmettre des informations particulières. Nous avons simplement désigné un lieu de synthèse unique : le service départemental d'information générale (SDIG). Il reçoit l'ensemble des renseignements obtenus par l'une ou l'autre force et rédige une synthèse départementale, sous double sigle, qu'il transmet au préfet. Pour garantir une bonne fluidité entre les SDIG et les cellules renseignement de nos groupements, nous y avons détaché un gendarme. Pour être complet, deux officiers de gendarmerie occupent, à titre expérimental, la fonction de responsable de SDIG, l'un dans la Nièvre et l'autre à Mayotte. Au plan central, le principe est le même et 20 gendarmes de tout grade sont affectés dans la structure centrale de la police.

Dans le même temps, nous avons développé de nouvelles capacités avec par exemple la direction du renseignement outre-mer dirigée par un gendarme.

Nous venons de faire un premier bilan de ces avancées qui montrent que tout se passe bien, voire très bien. Notre intégration s'est déroulée dans le respect des équilibres.

J'ai veillé à faire vivre la notion de parité globale : le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), lancé début 2005, sera achevé fin 2012 et nous travaillons actuellement à la transposition aux sous-officiers de gendarmerie de la nouvelle grille indiciaire de catégorie B octroyée au corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Sur ce dossier, le ministère de la défense était initialement assez réticent face à cette évolution ; je crois qu'il a toutefois rapidement mesuré qu'il ne pouvait l'écarter et je sais qu'il travaille désormais à l'application de cette mesure aux sous-officiers des armées.

En matière de dialogue interne, il m'est apparu indispensable de vivifier le dispositif de concertation existant, propre à notre communauté militaire. Pour ce faire, deux mesures ont été prises : concentrer le nombre des acteurs de la concertation passant de 2 000 présidents à 800 présidents et vice-présidents des personnels militaires. Ce changement améliorera leur visibilité et leur donnera les moyens de remplir cette fonction. Nous mettons ainsi en place, aux côtés des commandants de région et de groupement, un personnel conseiller ou un référent qui contribuera à faire vivre la concertation. Je crois que beaucoup des problèmes peuvent être réglés à cette échelle sans avoir à remonter au niveau central.

En outre, le ministre de l'intérieur copréside désormais le conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG). Il tient d'ailleurs, lors de chaque session, à recevoir l'ensemble du conseil et à s'exprimer devant lui. Je me félicite de cet engagement car il crédibilise le CFMG et limite les velléités d'expression ou les tentations de représentation par d'autres voies ; ce que nous ne souhaitons pas.

Enfin, les membres du CFMG qui siègent au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) apportent leurs contributions et ils sont toujours bien accueillis par leurs camarades des armées. Pour maintenir une osmose avec nos camarades militaires et faire vivre la militarité de l'arme, il est fondamental que nous restions au sein du CSFM.

L'intégration de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne remet nullement en cause sa participation aux missions de défense. Après six mois d'entraînement sous l'égide de l'armée de terre, nous avons engagé des gendarmes en Afghanistan dans la zone de responsabilité de la brigade La Fayette. Ils y remplissent une mission de mentoring au profit de la police afghane. Nous avons actuellement cinq unités (police operational mentoring and liaison team - POMLT) en Kapisa et Surobi. Simultanément nous sommes investis dans la formation initiale de l'afghan national civil order police (ANCOP), qui ressemble beaucoup à notre gendarmerie mobile, dans un centre au Nord de l'Afghanistan à Mazar-e-Shariff et prochainement nous renforcerons notre dispositif de formation dans un centre qui s'ouvrira dans le Wardak au Sud-Ouest de Kaboul.

Mes échanges réguliers et étroits avec le chef d'état-major des armées confirment la qualité de l'action de nos gendarmes aux côtés des autres militaires français. Les autorités afghanes et américaines ne manquent également pas de souligner qu'elles apprécient notre travail, nous demandant un accroissement de nos interventions.

Je souhaite à présent vous dresser le bilan de l'activité opérationnelle de la gendarmerie au cours des derniers mois. La lutte contre la délinquance enregistre, depuis le début de l'année 2010, une évolution favorable. Les atteintes aux biens, qui représentent plus de 64 % de la délinquance enregistrée par la gendarmerie, ont baissé de 3,5 % sur les neuf premiers mois de 2010, ce qui représente 17 500 faits en moins. Les atteintes volontaires à l'intégrité des personnes restent stables avec 160 faits constatés, soit une baisse de 0,2 % sur neuf mois, ce qui peut être considéré comme encourageant, au regard des hausses ininterrompues dans ce domaine au cours des cinq dernières années. Nous devons toutefois continuer nos efforts en la matière. Les escroqueries et infractions financières baissent de 15,5 % sur neuf mois mais représentent encore plus de 80 000 faits. Ce phénomène reste difficilement maîtrisable, compte tenu des méthodes d'escroqueries de plus en plus élaborées qui se développent grâce à Internet.

Par ailleurs, l'effort engagé au titre des priorités gouvernementales se poursuit en 2010. La lutte contre les trafics et revente de stupéfiants s'est traduite par une augmentation de 24,8 % de personnes mises en cause, soit près de 2 000 de plus sur les neuf premiers mois de 2010 sur un total de près de 10 000 mises en cause dans ce domaine précis. S'agissant de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée, le nombre de personnes mises en cause augmente de 410, soit 9,9 % ; corrélativement le nombre d'infractions constatées est en baisse de 557 faits, soit une diminution de 11,4 %. À titre d'illustration et pour les six premiers mois de l'année 2010, les saisies d'avoirs criminels réalisées par la gendarmerie, qui me semblent être un bon indicateur d'efficacité, se montent à 34,9 millions d'euros au 30 juin, soit une hausse de 37 % par rapport à la même période de 2009, représentant un gain supplémentaire pour l'État de 9,4 millions d'euros.

De même, les cambriolages dans les résidences principales et secondaires ont baissé de 2,4 % depuis le premier janvier, soit 1 330 faits de moins. Au total depuis le début de l'année, la gendarmerie a mis en cause plus de 240 000 personnes pour des crimes ou des délits et affiche un taux de résolution qui reste supérieur à 39 % sur les douze derniers moins.

La gendarmerie est donc au rendez-vous des objectifs qui lui ont été fixés.

Dans un contexte difficile lié à la révision générale des politiques publiques (RGPP), pour parvenir à ces résultats, la gendarmerie a conduit une politique dynamique de gestion de ses effectifs et de ses renforts. Je pense en particulier aux renforts dans les zones d'affluences saisonnières qui mobilisent d'importants moyens.

Pour gagner encore en efficacité contre la délinquance, la prochaine LOPPSI doit nous apporter les outils normatifs qui permettront de mieux identifier les délinquants récidivistes dont les agissements pèsent lourd dans le chiffre global de la délinquance. Ces outils seront complétés par des moyens techniques tel le lecteur automatique de plaques d'immatriculation qui permettra une identification en temps réel des véhicules volés et donc l'interpellation des auteurs. Nous allons déployer 200 de ces systèmes en 2010 et 2011.

En matière de lutte contre l'insécurité routière, les résultats sont bons depuis plusieurs années ; je rappelle que la route a tué 5 964 personnes en 2001 en zone gendarmerie et que ce chiffre a été ramené à 3 395 en 2009, ce qui est malheureusement encore trop, mais ce sont au total plusieurs milliers de vies qui ont été épargnées.

L'année 2009 enregistre une baisse de 4 % des accidents corporels constatés et les progrès se poursuivent également sur le nombre de blessés, en baisse de 5,5 %.

La tendance accidents-tués-blessés (ATB) actuelle sur les six premiers mois de l'année 2010 est encourageante avec une baisse de 12,9 % des accidents, de 10,8 % des tués et de 13,2 % des blessés.

L'analyse comportementale ciblant les contrôles et les nouveaux équipements, notamment les kits salivaires pour dépister les conduites sous l'emprise de produits stupéfiants, a permis de mieux lutter contre ce fléau qui touche les plus jeunes et a conduit à une nette augmentation des infractions relevées dans ce domaine.

La gendarmerie est partie prenante à ce bilan, aux côtés d'autres partenaires et acteurs de la sécurité routière. Je tiens cependant à vous rappeler si besoin en était, que cinq de nos gendarmes sont décédés depuis le début de l'année dans des missions de lutte contre l'insécurité routière.

Je vais maintenant vous présenter les grands axes du projet de budget.

Le programme 152 s'inscrit clairement dans la politique générale de maîtrise des dépenses publiques, participant à l'effort gouvernemental et collectif en baissant, en crédits de paiement (CP) hors pensions, de 0,4 % par rapport à l'année 2010.

Le plafond d'emplois pour la gendarmerie sera de 97 198 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Par rapport à l'année précédente, la baisse est de 957 ETPT.

Le volume de nos effectifs présents au 31 décembre 2010 sera cependant reconduit de manière quasiment identique au 31 décembre 2011. En recrutant et en gérant au mieux nos flux, la baisse ne sera que de 96 effectifs physiques (ETPE).

Pour y parvenir, la gendarmerie recrutera 9 108 personnels, soit 377 officiers, 2 520 sous-officiers de gendarmerie, 207 sous-officiers du corps de soutien technique et administratif, 594 civils et 5 410 volontaires des armées. Ces recrutements viendront compenser la quasi-totalité des départs.

Les crédits de masse salariale hors pensions n'intègrent pas d'hypothèse de revalorisation du point d'indice de la fonction publique pour 2011 mais ils augmentent principalement du fait de la mise en oeuvre de mesures catégorielles.

Le financement de la nouvelle grille indiciaire des militaires est assuré à hauteur de 7,36 millions d'euros. Le financement d'une annuité PAGRE est prévu en 2011, soit 23,31 millions d'euros. La mise en oeuvre de la grille indiciaire de catégorie B, qui sera appliquée, comme l'a voulu le ministre, au même rythme que dans la police nationale, bénéficie d'un financement de 15,15 millions d'euros.

Il me faut également souligner que les dotations de la réserve opérationnelle sont confirmées en 2011 au même niveau qu'en 2010, avec 44 millions d'euros. Nos unités, en prise quotidienne avec l'événementiel, continueront à bénéficier du concours précieux de plusieurs milliers de réservistes de la gendarmerie.

Dans un contexte de diminution des crédits hors titre 2, j'ai fait le choix de sanctuariser les crédits de fonctionnement courant des unités. Il m'apparaît important de le préciser. Mon objectif est en effet de leur permettre d'assurer l'ensemble de leurs missions opérationnelles et ainsi de conserver le niveau de performance pour l'ensemble du programme en 2011.

Afin de gagner en lisibilité, la présentation du renouvellement annuel des flux d'équipement de la gendarmerie est, depuis l'an dernier, présentée sous la rubrique des crédits de titre 3 hors fonctionnement courant. Avec le titre 5 et le titre 6, ces crédits reflètent clairement la composante « Investissement » du budget du programme 152.

Pour préserver le fonctionnement opérationnel, j'ai toutefois dû contraindre l'investissement, c'est pourquoi la dotation en CP, 262 millions d'euros, baisse de 13 % par rapport à 2010, se traduisant par une contraction de la capacité d'investissement.

Les crédits de paiement nous permettront de couvrir les engagements antérieurs sur les programmes pluriannuels pour 191 millions d'euros, c'est-à-dire 73 % des dotations ainsi que les engagements nouveaux de l'année 2011 pour 71 millions d'euros, soit 27 % des dotations.

Seront pleinement préservés le maintien en condition opérationnelle des moyens aériens, des systèmes d'information et de communication ainsi que le renouvellement des flux pour les équipements indispensables à la sécurité, à l'intervention et à l'instruction des personnels qu'il s'agisse des munitions, des protections individuelles, des paquetages « écoles », des matériels du GIGN, ou de la remise aux normes des gilets pare-balles.

D'ici à fin 2011 devraient être livrées 6 450 nouvelles tenues motocyclistes, 9 400 nouvelles tenues de maintien de l'ordre, plus de 700 voitures opérationnelles et 600 motocyclettes routières.

Les dotations de titre 6 s'inscrivent dans la continuité de 2010 afin de maintenir à un rythme dynamique les opérations locatives : 64 opérations seront lancées pour un total de 628 unités logement.

Au final, je crois que la gendarmerie prend toute sa part dans l'effort collectif de réduction de la dépense publique. Malgré cette contrainte, nous préservons l'avenir et nous conservons les moyens nécessaires pour accomplir nos missions.

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