Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 14 octobre 2010 à 9h30
République décente — Après l'article 2, amendements 7 6 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je présenterai en même temps les amendements nos 6 et 5 , afin de ne pas avoir à prendre la parole trois fois de suite.

L'amendement n° 7 est dicté par les événements qui se sont produits et qui étaient insoupçonnés et insoupçonnables pour un très grand nombre d'entre nous, j'en suis convaincu : Il s'agit des conditions de validation par le Conseil constitutionnel des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle.

La semaine dernière, nous avons appris une chose que certainement pas un d'entre nous n'imaginait : le Conseil constitutionnel a validé les comptes de campagne dont ses rapporteurs – magistrats indépendants du Conseil d'État et de la Cour des comptes – avaient préconisé qu'il ne les validât pas, en raison d'irrégularités constatées concernant les modalités d'alimentation du compte de campagne du candidat en question – en l'occurrence Édouard Balladur.

On ne peut pas croire une minute qu'il y ait une République décente, où la transparence financière soit la règle, si la juridiction chargée de veiller au respect des normes les plus élevées de la République – les juges des comptes des campagnes présidentielles – ne s'applique pas à elle-même des règles d'une transparence telle que ses délibérations ne sauraient être contestées dans leur fondement.

Du fait de l'ordonnance 58-1067, les délibérations du Conseil constitutionnel concernant les comptes de campagne des candidats sont couvertes par le secret du délibéré. Il ne s'agit pas de remettre en cause le secret du délibéré, mais de poser le principe suivant : la décision du Conseil constitutionnel publiée au Journal officiel est accompagnée de la publication intégrale des comptes rendus des rapporteurs. Cela permettra de mesurer un éventuel décalage entre la décision sur la validation des comptes et le rapport ayant conduit à cette décision.

L'amendement n° 6 devrait vous convenir, monsieur le ministre, et vous devriez même le soutenir avec enthousiasme, puisqu'il résulte d'un travail de sages présidé par un sage – en l'occurrence Édouard Balladur…

Au moment où il réfléchissait à la réforme constitutionnelle, Édouard Balladur avait formulé une proposition n° 40, visant à permette au Parlement de créer en son sein des commissions d'enquête, y compris sur des sujets sur lesquels des informations judiciaires sont en cours.

Or, depuis quelques mois, nous assistons à un dévoiement du principe de séparation des pouvoirs : le Parlement n'aurait jamais à connaître de sujets sur lesquels instruisent les juges, alors qu'en enquêtant sur ces mêmes sujets, il ne remet en rien en cause le fonctionnement régulier de la justice, les moyens dont il a recours pour enquêter n'ayant rien à voir avec ceux dont dispose la justice. Et si le Parlement ne peut plus enquêter sur aucun sujet sur lequel des procédures judiciaires sont en cours, il n'est plus du tout en situation d'exercer le moindre pouvoir de contrôle sur le Gouvernement.

C'est du reste ce qui avait inspiré la proposition d'Édouard Balladur, que je reprends totalement à mon compte à travers cet amendement, tout comme les arguments qu'il avait développés au moment où il engageait les réflexions sur la réforme constitutionnelle.

Cet amendement,résultat du travail d'un comité de sages présidé un sage, ne peut, monsieur le ministre, j'en suis certain, que recevoir votre approbation.

L'amendement n° 5 enfin pose le principe de l'impossibilité pour le Parlement de faire obstruction au travail de la justice, lorsque la justice lui demande des éléments concernant des missions d'information parlementaires qu'il a conduite et qui doivent permettre à la justice de poursuivre son travail après que le Parlement a achevé le sien.

Pour prendre l'exemple concret de l'affaire de Karachi, il y a quelques semaines, l'Assemblée nationale, arguant du principe de la séparation des pouvoirs, a refusé de transmettre les verbatims des auditions auxquelles nous avions procédé au sein de la mission d'information parlementaire que nous avions créée, au juge Trévidic qui les lui avait demandées,

Pendant les travaux de la mission, le Gouvernement avait refusé de transmettre à l'Assemblée nationale les documents qu'elle avait demandés, sous prétexte, dans un premier temps, que ces documents étaient couverts par le secret de l'instruction.

Nous avons donc demandé au Gouvernement de nous transmettre les pièces non couvertes par le secret de l'instruction. Nouveau refus, au nom du principe de séparation des pouvoirs, au motif qu'elles pourraient être susceptibles, un jour, d'intéresser le juge… Et c'est au nom du même principe que le Parlement, une fois nos travaux achevés, refuse de transmettre le résultat de nos investigations au juge.

Pour ma part, je n'ai pas compris que le principe de la séparation des pouvoirs autorisait le Parlement à faire obstruction au fonctionnement de la justice après qu'il a achevé ses travaux, dès lors que la demande du juge n'est en aucun cas de nature à remettre en cause le bon fonctionnement de l'Assemblée nationale dans ses prérogatives, et plus encore dès lors que la demande du juge à l'Assemblée nationale est de nature à permettre à la justice de fonctionner normalement en allant au bout de ses instructions et de ses investigations.

Le principe de séparation des pouvoirs n'est pas un principe d'obstruction du travail du Parlement lorsqu'il contrôle le Gouvernement. Il n'est pas non plus un principe d'obstruction du travail de la justice dès lors que le Parlement a terminé ses enquêtes.

Je demande donc que cet amendement soit adopté. Il est tout à fait anormal, et même indécent, pour le coup, que le Parlement ait refusé de transmettre au juge le verbatim des auditions auxquelles il a procédé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion