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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 13 octobre 2010 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord, comme je l'avais fait en première lecture, rappeler un chiffre qui doit nous inviter à la plus grande prudence. Notre pays compte en moyenne 4,5 salariés par avoué, contre 0,8 salarié par avocat. Le sort et les possibilités de reclassement des 1 852 salariés qui travaillent auprès des avoués doivent donc retenir toute notre attention.

Il faut nous entendre sur l'ampleur du plan social qu'entraînera l'adoption de ce projet de loi et qui nous préoccupe beaucoup. Nous savons que plus de quatre avoués sur dix ont aujourd'hui plus de cinquante-cinq ans. Compte tenu du fait que trois ou quatre ans sont nécessaires pour se bâtir une clientèle, il est peu probable que ceux-ci se lancent dans la carrière d'avocat. Dans quelles conditions ceux qui en feront le choix pourront-ils, eu égard au chiffre que je citais tout à l'heure, conserver leurs salariés ? Et combien, parmi les salariés qui ne seront pas conservés, pourront être employés par d'autres cabinets d'avocats ?

Par ailleurs, il convient de rappeler la grande fragilité, en termes de réinsertion, que présente la population des personnes employées par les avoués. En effet, 90 % d'entre elles sont des femmes, dont 55 % ont un niveau de qualification inférieur ou égal au bac ; 48 % de ces salariés n'ont jamais exercé d'autre profession que celle que vous supprimez, qu'elles occupent en moyenne depuis quinze ans, voire depuis plus de trente ans pour 15 % d'entre elles. En outre, l'expérience qu'elles ont acquise dans cette profession leur assure un niveau de rémunération nettement supérieur à ce que leur qualification leur permettrait d'envisager dans l'état actuel du marché du travail.

Permettez-moi de reprendre le chiffre évoqué par votre rapporteur devant le Sénat, Patrice Gélard, membre de l'UMP : selon lui, votre texte va mettre au chômage entre 600 et 700 personnes – majoritairement des femmes. Cette estimation prend en compte votre promesse de reclasser dans votre ministère 394 salariés qui, vous le savez, attendent d'être éclairés sur les conditions légales et matérielles que vous comptez mettre en oeuvre pour tenir cet engagement. Nous souhaitons d'ailleurs que vous confirmiez expressément que les 394 postes que vous allez créer – des postes de greffier, si j'ai bien compris – seront fléchés pour être attribués à ces salariés.

Ce qui importe avant tout, ce sont les possibilités de rebondir offertes à ces 600 à 700 personnes. Sur les possibilités de départ en retraite, sur les passerelles entre professions, sur la garantie des emprunts contractés, sur l'aide à la reprise ou à la création d'entreprise, il y aurait encore beaucoup à dire et à faire.

Si chacun sait que cette réforme était envisagée de longue date, le timing adopté pour sa mise en oeuvre nous laisse perplexes. Alors même que votre gouvernement ne cesse de répéter que la crise a tout changé, qu'elle justifie à elle seule de faire de nouveaux efforts, notamment sur l'âge de départ en retraite, où était l'urgence ? Où était l'urgence de rajouter de la crise à la crise ? Où était l'urgence de retenir une période de transition extrêmement réduite, ressentie comme une brutalité supplémentaire par les personnes concernées ?

Ces 600 à 700 personnes sont peut-être peu de chose à l'échelle du pays mais pour chacune de ces vies, c'est un profond traumatisme. Si notre pays est à ce point en situation de crise que nous ne serions pas en mesure de reclasser dignement 600 à 700 personnes que vous nous demandez en conscience de mettre au chômage, alors, je le redis, il n'y avait aucune urgence. Comme l'a fait observer mon collègue Clément, la précipitation l'emporte malheureusement sur la raison, ce que je regrette pour les personnes qui en font les frais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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