Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, le texte qui nous est soumis en deuxième lecture est certes nettement préférable à celui de la première lecture. Nous comprenons bien qu'il s'inscrit dans une démarche, lancée par le rapport Attali et la commission Darrois, pour aller vers une profession unique du droit. Néanmoins, nous continuons à nous demander, alors que la situation économique est grave, que les problèmes urgents s'accumulent, quelle nécessité il y avait pour le Gouvernement de lancer cette réforme et de mettre ainsi au chômage environ 2 000 personnes. Le mystère demeure.
Les avoués ne sont peut-être pas très connus du grand public, mais leur métier est utile, ils le font correctement, tout comme leurs employés. Ces professionnels ne demandaient rien à personne. Et voila qu'on crée une situation dans laquelle il va falloir « recaser » 2 000 personnes et trouver des crédits pour indemniser les avoués. C'est normal, ils n'avaient rien demandé ; mais on arrive quand même à des montants assez confortables. En définitive, ce seront les justiciables qui paieront, et on leur explique qu'on va créer une taxe supplémentaire au motif qu'on veut faciliter l'accès au droit !
De surcroît – et Pascale Crozon y reviendra –, on va placer dans une situation difficile des salariés, dont beaucoup sont des femmes, qui auront les plus grandes peines du monde à retrouver du travail. Tout cela est incompréhensible.
Le Parlement a été traité d'une manière un peu déroutante. Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez travaillé avec le président de la commission et le rapporteur. Certes. Mais mettez-vous à notre place. Un jour, on nous dit qu'il faut aller très vite, et on inscrit le texte en urgence. Puis, pendant des mois, nous n'en entendons plus parler – j'imagine que des tractations ont eu lieu, mais nous n'y étions pas associés ; enfin, le texte revient de nouveau en urgence. Chaque fois, les propositions sont différentes. C'est peut-être une forme d'hommage au travail parlementaire, qui a permis d'arracher peu à peu des améliorations. Mais on a aussi le sentiment que la religion du Gouvernement n'est pas faite sur le sort à réserver aux avoués.
Certes, le monde change, les techniques évoluent et il fallait aussi faire évoluer la procédure d'appel. On a commencé à réformer en 1971, il fallait probablement poursuivre. Mais convenez qu'il aurait été plus logique de procéder d'abord à la modernisation des procédures d'appel en organisant leur dématérialisation, puis de faire évoluer ensuite les professionnels chargés de les appliquer.
Au lieu de cela, on a commencé, dans l'urgence, à supprimer les avoués, pour se demander ensuite comment on allait moderniser la procédure d'appel, ce qui est quand même le plus important pour le justiciable.
Les professionnels eux-mêmes sont d'accord pour que la justice évolue et se serve des nouvelles technologies. Mais la procédure a aussi pour fonction de permettre aux citoyens de recourir au droit avec une certaine sécurité, et ce n'est pas négligeable. C'était précisément le rôle des avoués que de garantir au mieux les droits des citoyens en appliquant des procédures très précises. Supprimer les professionnels compétents avant de refaire les procédures, c'est mettre la charrue avant les boeufs. Chambouler les garanties offertes aux citoyens, en leur demandant en plus de le payer, et assez cher, ne me semble pas très réfléchi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)