Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à l'épilogue d'un long processus. En 2006, une directive européenne, qui devrait être transposée en droit positif, a imposé une certaine libéralisation dans ce domaine, puis le rapport Attali de 2008 ainsi que le rapport Darrois sur les professions du droit ont abouti à ce projet de loi, déposé le 13 juin 2009 sur le bureau de l'Assemblée.
Ce feuilleton a été un peu long, j'en conviens, mais nous avons ici affaire à un sujet sensible, qui touche à la justice, au patrimoine et à l'humain. Je le rappelle ici avec affection, les avoués n'ont pas démérité : ils ont même bien mérité de la République. Une évolution semblait pourtant nécessaire.
Je passerai sur cette longue histoire : la Révolution et le décret de 1791 ; la patrimonialité, qui date de 1816 ; puis la belle ordonnance du 2 novembre 1945. Certaines évolutions étaient inscrites depuis 1971, et déjà la réforme des avoués près les TGI avait été engagée. Aujourd'hui, même si de longues années se sont écoulées depuis, nous sommes d'une certaine façon dans la logique de cette réforme – logique de bonne administration de la justice et de simplification. Tel est, en tout cas, le pari que nous prenons : nous verrons si ces objectifs sont remplis en 2020, mais je pense que nous le saurons plus rapidement encore.
Il est néanmoins vrai que ce dossier est délicat : ne concerne-t-il pas la disparition d'une profession et peut-être l'atteinte à une certaine vocation ? Au-delà des enjeux de fond, au-delà de l'intérêt intrinsèque de la réforme, il subsiste des difficultés pour les avoués et les personnels. Il me semble que, au contraire de ce qui a été avancé dans la motion de rejet, depuis des mois nous avons tenté d'améliorer les choses.
Le texte voté par l'Assemblée au mois d'octobre de l'an dernier l'a été au mois de décembre par le Sénat, avec des exigences et des réflexions qui ont amené à une vraie évolution. La question de l'indemnisation était centrale, et j'examinerai par la suite ce qu'il en est pour les salariés et pour les avoués. Leur nombre est modeste : un peu plus de 400 avoués, un peu moins de 2000 salariés. Toutefois, nous ne les avons pas ignorés et les améliorations apportées au texte ces derniers temps prouvent tout l'intérêt que nous avons porté à chacune de ces deux catégories.
Le Sénat a amélioré les conditions d'indemnisation des salariés. Par le dispositif prévu à l'article 14, ils pourront recourir directement au fonds d'indemnisation, ce qui écarte tout risque pour eux. Les conditions de reclassement ne sont peut-être pas parfaites ; ils bénéficient quand même de l'ouverture de 380 postes, qu'on a transférés du budget 2010 sur le budget 2011 et qui concernent les trois catégories A, B et C, et non seulement des postes subalternes comme on l'a parfois dit. Certes, cela ne remplace pas l'emploi de ceux qui travaillaient par vocation dans un office d'avoué. Mais on n'a pas rayé ces salariés du monde du travail d'un trait de plume, on a pris en compte les situations personnelles.
Pour les avoués, les conditions d'indemnisation ont été un peu laborieuses dans un premier temps. On est passé de 66 % à 92 %, mais très rapidement, sous la houlette de Mme la garde des sceaux, nous sommes arrivés à 100 %. Le Sénat a franchi un pas supplémentaire – et nous vous proposons de le suivre – en faisant appel au juge de l'expropriation : ce sera le seul juge de l'expropriation parisien, qui sera à même de traiter sur un pied d'égalité toutes les situations sur l'ensemble du territoire, en examinant chaque cas individuellement. Il y avait, sur ce dernier point, un risque constitutionnel qui est désormais écarté.
Reste la question des délais. La semaine dernière, la commission des lois a adopté un amendement du Gouvernement qui fixe l'entrée en vigueur de la loi six mois après la promulgation. De bonne foi, comme je l'avais déjà dit précédemment, ce délai m'a paru un peu court. Compte tenu de l'ordre du jour du Parlement, et d'un examen du texte par le Sénat en décembre ou janvier, il serait appliqué en juillet ou août 2011, ce qui n'est pas une période favorable. J'ai déposé un amendement pour fixer cette entrée en application au 1er janvier 2012 et Mme la garde des sceaux vient de nous rassurer à ce sujet. Ceux qui souhaiteraient régler rapidement leurs affaires pour partir à la retraite jugeront le délai trop long ; de jeunes avoués qui auraient voulu plus de temps pour mieux s'organiser le trouveront trop court. Même si c'est une cote mal taillée, elle me paraît préférable au délai initial de six mois. Sur ce point, les avoués ont été entendus.
Reste enfin la question de la fiscalité. J'ai entendu les explications de Mme la garde des sceaux et j'y reviendrai à propos des amendements. Je suis sensible à l'argument en faveur du régime de droit commun pour la fiscalité et notamment les plus-values, même si la situation est un peu particulière.
Une catégorie importante d'auxiliaires de justice vit aujourd'hui un moment essentiel de son histoire. Ce n'est pas que son professionnalisme soit en cause ; on se devait de faire évoluer la justice. Nous avons réussi au mieux, je crois, à régler les situations personnelles des avoués et de leurs salariés, notamment grâce aux propositions faites ces derniers temps. Il n'y a donc aucun mépris du Parlement, au contraire : Mme la garde des sceaux a été très à l'écoute et les échanges très fructueux ont abouti à une solution honorable. Certes, ceux qui vont devoir abandonner la profession qu'ils avaient choisie le feront probablement avec regret, voire avec une certaine amertume ; c'est bien humain. Du point de vue des conditions matérielles, en tout cas, avoués et salariés ont été traités avec respect et le Parlement a fait oeuvre utile dans cet échange régulier, rigoureux et fructueux avec le Gouvernement.
Le groupe UMP votera donc avec satisfaction ce texte, qui a bien évolué depuis quelques mois, même s'il subsiste quelques questions sur lesquelles nous reviendrons en examinant les amendements. Cette réforme témoigne d'un effort dont je vous remercie, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)