Madame la ministre, nous ne sommes pas dans l'affrontement, mais dans le dialogue. J'ose espérer que vous comprendrez le sens de cette motion de rejet.
Avant d'en venir aux observations juridiques, je voudrais évoquer une dimension humaine que certains d'entre vous semblent avoir oubliée avec une facilité extraordinaire. Je me souviens de ce jeune avoué que nous avions entendu avec M. le rapporteur. Il devait avoir une quarantaine d'années, et je crois qu'il est présent, aujourd'hui, dans les tribunes du public. Il nous disait que, n'étant pas fils d'avoué, il avait choisi ce métier par passion, par amour de la profession. Cela fait une dizaine d'années qu'il l'exerce, ainsi que son épouse. Et cela va disparaître du jour au lendemain.
Nous avions discuté de ce texte il y a un an et demi, avant que le Sénat n'en fasse autant. Puis, pendant dix mois, plus personne n'en a reparlé. Je m'étais enquis auprès de vos services pour savoir où en était ce texte. Il m'avait été répondu que ce texte ne passerait pas avant la fin de l'année, voire avant la fin de la législature. Lorsque je vous l'ai dit en commission, madame la garde des sceaux, vous m'avez justement fait remarquer que j'aurais directement dû m'adresser à vous. Quoi qu'il en soit, ce message avait été relayé, non par moi, mais par d'autres, auprès de la profession.
De plus, nous ignorons les réelles possibilités de financement de ce texte. Mon collègue vient d'avancer le chiffre de 1 milliard d'euros. Au vu des chiffres évoqués hier soir lors de la discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, je ne sais pas comment cette réforme va pouvoir être financée. Ces contraintes et le silence qui a prévalu pendant un certain temps ont permis à la profession de reprendre espoir. Chacun – avoués, employeurs et salariés – a cru que ce texte ne reverrait pas le jour. Or voilà qu'il revient aujourd'hui. Je suis obligé de reconnaître quelques avancées – et c'est pourquoi je parle de dialogue –, mais elles ne sont pas suffisantes. Il y a quelques jours, les avoués ont rédigé une motion que je reprendrai tout à l'heure. Dans la mesure où le processus est irrémédiablement engagé, la profession et les salariés seraient d'accord pour l'accepter si le Gouvernement faisait une concession sur la date. Vous avez reconnu qu'il faudrait une date fixe, et nous en prenons acte. Nous nous battons aujourd'hui pour un an de plus, voire un an et demi, puisque, en tout état de cause, la réforme n'aboutira qu'au cours du mois de juin 2011. La date que nous proposons – 1er janvier 2014 – aurait le mérite de satisfaire tout le monde. Elle permettrait de respecter votre objectif – faire disparaître la profession – tout en donnant aux employés le temps d'accuser le choc psychologique que représente la brusque suppression de la profession qu'ils avaient choisie et à laquelle ils sont très attachés. En acceptant de nous dire dès à présent que vous êtes prête à reprendre la date du 1er janvier 2014, vous feriez un grand pas vers cette considération humaine. Nous pourrions, alors, retirer notre motion de rejet. Madame la garde des sceaux, je vous tends la main.