Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si je compare le texte tel que je l'ai découvert il y a dix-huit mois quand il a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale et celui que nous devrions adopter aujourd'hui, je me dis que nous pouvons nous féliciter, comme l'a fait Mme la garde des sceaux, du travail législatif.
Ce travail a fait l'objet d'un double partenariat : d'une part, entre le Gouvernement – en particulier Mme la garde des sceaux, dont je tiens à saluer les efforts pour améliorer le texte – et le Parlement ; d'autre part, entre les deux Chambres à travers les différentes lectures et la navette, qui a permis d'apporter de sensibles améliorations.
Je suis de ceux qui considéraient que nous aurions sans doute gagné à élaborer une réforme globale des conditions dans lesquelles on fait appel et dans lesquelles la postulation se met en oeuvre. On aurait pu, à cette occasion, imaginer une modernisation de la profession d'avoué dont la conséquence aurait probablement été la même que celle à laquelle nous allons aboutir avec le vote de ce texte.
Quoi qu'il en soit, tous les parlementaires qui ont travaillé sur le projet de loi, en partenariat très étroit avec le ministère, ont toujours eu présent à l'esprit un double souci. Le premier était celui de l'intérêt du justiciable et d'un bon fonctionnement de la justice. La dématérialisation et les réformes à venir, notamment celle de la procédure civile dont un décret prévoit qu'elle sera mise en oeuvre dès le 1er janvier prochain, imposent une transition en douceur. Il a ainsi fallu réfléchir aux modalités de l'appel après la disparition de la profession d'avoué.
Le second souci a été celui d'une approche humaine. Même si la plupart auront accès à d'autres professions juridiques, plus de 440 avoués, qui ont fait des études, suivi des formations, qui se sont engagés dans une vie professionnelle, dans un projet de vie qui a influé sur leur vie personnelle et familiale, vont voir leur métier, leur mission au service de la justice, disparaître. Et plus de 1 800 de leurs collaborateurs, des salariés souvent très fidèles à l'office dans lequel ils travaillaient, vont eux aussi voir leur métier disparaître.
La discussion parlementaire a renforcé cette approche humaine. De ce point de vue, le texte peut aujourd'hui être considéré comme acceptable. Depuis la première version, en effet, des progrès considérables ont été obtenus, et d'abord pour les salariés, comme l'a souligné Mme la garde des sceaux. Je pense notamment aux indemnités pour les salariés qui risquent de perdre leur travail. Rappelons qu'il existe une disproportion importante entre le nombre de collaborateurs qu'emploie un avoué et le nombre de collaborateurs qu'emploie un avocat. Les conditions d'indemnisation ont été revues de manière très significative par le Sénat, avec le soutien de la commission des lois.
Ensuite, la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté des améliorations au dispositif sur l'éventualité d'un conflit qui pourrait apparaître entre le salarié et son employeur.
En outre, nous avons voulu maintenir le recours direct au fonds d'indemnisation, afin que les indemnités ne passent pas par l'avoué mais soient directement financées par le fonds d'indemnisation.
Un autre point nous paraissait essentiel pour les salariés : les conditions dans lesquelles se mettra en place le reclassement. Là aussi, des améliorations ont été apportées grâce à des amendements, comme vous pouvez le constater dans le texte qui vous est soumis en deuxième lecture, et j'ai été très heureux d'entendre tout à l'heure Mme la garde des sceaux réaffirmer l'ouverture d'un certain nombre de postes réservés au ministère de la justice pour les salariés d'avoué. Il me paraît en effet essentiel de faire en sorte que ces salariés retrouvent dans le domaine du droit une profession et des conditions de travail satisfaisantes.
D'autres progrès ont été obtenus, qui, cette fois, concernent les avoués eux-mêmes. Il est vrai que nous étions partis d'une indemnisation du droit de présentation à 66 %. Des efforts importants avaient été consentis pour arriver à 100 % lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. J'étais de ceux qui considéraient que le recours au juge de l'expropriation pouvait constituer la méthode la plus juste, parce qu'elle permettait une individualisation pour chacun des avoués en fonction de sa situation. La situation n'est pas la même pour un avoué qui va partir en retraite aussitôt son office fermé et pour un avoué qui, à quarante-cinq ou cinquante ans, est encore au milieu de sa carrière. Le recours au juge de l'expropriation nous paraissait donc essentiel. Le Sénat l'a voté. Vous avez souhaité le maintenir, madame la garde des sceaux, en partenariat avec la commission des lois. Nous nous en félicitons et je défendrai tout à l'heure un amendement qui affinera encore cette procédure. Je proposerai en effet que la commission qui est mise en place par l'article 16 puisse prendre une décision d'indemnisation dans un délai de trois mois et que le paiement de l'indemnisation puisse se faire dans le mois qui suivra, s'il y a accord entre l'avoué et la commission, sachant bien évidemment qu'un acompte aura été versé au préalable. C'est une garantie, en termes de délais, pour les avoués qui seront concernés par ces mesures.
Nous avons également abordé la question de la période transitoire, et des amendements seront présentés tout à l'heure à ce sujet. Elle a évolué au fil des discussions. En commission, nous avions retenu une période de six mois après la promulgation de la loi. Je proposerai tout à l'heure de fixer la fin de cette période transitoire au 1er janvier 2012. Il se sera alors écoulé à peu près un an depuis la promulgation de la loi.
En corollaire de cette disposition, je défendrai un amendement à l'article 24. Celui-ci permet aux avoués d'exercer deux professions pendant la période transitoire : la leur et celle d'avocat. Je proposerai que cette possibilité ne leur soit offerte que trois mois avant la fin de la période transitoire, c'est-à-dire à partir du 1er octobre 2011. Cela devrait rassurer les avocats qui ne voyaient pas cette concurrence d'un très bon oeil. Il faut cependant songer que l'avoué qui aura à boucler des dossiers et à préparer la fermeture de son office n'aura probablement guère le temps de se créer une clientèle d'avocat. En tout cas, il nous semblait important que cette double casquette possible ne dure pas tout au long de la période transitoire, qui pourra être portée à une année.
Telles sont les principales propositions d'amélioration de ce texte. Je voudrais, pour conclure, répéter que, si l'objectif premier est bien évidemment le fonctionnement de la justice – nous sommes tous d'accord sur ce point –, nous estimons que les avoués comme leurs salariés n'ont à aucun moment démérité dans l'exercice de leur mission. Ce texte, qui fait évoluer la profession d'avoué, n'est en aucun cas une condamnation de ce qu'ont été les avoués tout au long de leur histoire professionnelle. Ce texte est dicté par la nécessité d'une évolution dont la mise en oeuvre se fera, nous l'espérons en tout cas, dans les meilleures conditions. Nous savons combien a pu être importante pour l'exercice de la justice cette profession d'avoué et combien il est essentiel que les avoués qui souhaiteront poursuivre leur mission, en particulier comme avocat, puissent apporter toutes leurs compétences, tout leur savoir, toute leur expérience à nouveau au service de la justice. C'est en tout cas le souhait que je formule ici, en remerciant tous ceux qui ont contribué à ce que ce texte avance de manière très positive. C'est à vous-même, surtout, madame la garde des sceaux, et à vos collaborateurs, que nous devons de voir une situation évidemment difficile – il s'agit tout de même de la disparition d'une profession, en tout cas de son évolution vers autre chose – se régler dans les conditions les plus satisfaisantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)